« Se nourrir est devenu hors de prix ! » - Les travailleurs parlent de leur lutte contre le coût de la vie

Des travailleurs de toute l’Europe ont fait part de leur lutte quotidienne pour joindre les deux bouts durant la crise du coût de la vie, parlant de leurs difficultés à payer nourriture, vêtements et chauffage.

Nancy, aide ménagère en Belgique, explique combien de produits alimentaires de base sont devenus inabordables pour elle tandis que Javier, un ouvrier agricole espagnol, dit ne plus avoir suffisamment d’argent pour acheter des vêtements et que Victor, policier en Roumanie, craint que sa facture d’énergie représente bientôt près de la moitié de son salaire.

La CES publie ces témoignages (voir ci-dessous) dans le cadre de sa campagne d’actions pour mettre fin à la crise du coût de la vie par :

  • des augmentations salariales pour répondre à l’augmentation du coût de la vie, cela veut dire soutenir la négociation collective ;
  • un relèvement des salaires minimums pour assurer leur adéquation et des paiements d’urgence ciblés pour les travailleurs faiblement rémunérés ayant du mal à payer leurs factures d’énergie, ainsi qu’une interdiction des déconnexions ;
  • un plafonnement du coût de l’énergie pour les citoyens et une taxe sur les surprofits réalisés par les entreprises énergétiques et autres.

Les travailleurs ont participé la semaine dernière à une manifestation et à une opération de lobbying organisées par la CES devant le Parlement européen à Strasbourg visant à renforcer le soutien à une l’action urgente nécessaire pour arrêter l’envolée des prix. La CES a prévenu tous les responsables politiques que les travailleurs ne pouvaient plus attendre des semaines ou des mois avant de voir une solution.

Les témoignages de travailleurs illustrent, pour des millions d’entre eux, la réalité qui se cache derrière les statistiques et la chute record de la valeur des salaires minimums légaux due à l’inflation alors que la facture énergétique moyenne est aujourd’hui supérieure à un mois de salaire pour les travailleurs les moins bien rémunérés.

En même temps, les dividendes versés aux actionnaires ont explosé en raison de l’exploitation par les entreprises des goulots d’étranglement causés par la pandémie et la guerre en Ukraine qui leur ont permis d’augmenter leurs profits, ce qui, selon la BCE, est le principal moteur de l’inflation.

Esther Lynch, la Secrétaire générale adjointe de la CES :

« Ces témoignages poignants attestent de l’impact réel de l’inflation sur la vie des travailleurs, une inflation que même la BCE admet qu’elle est alimentée par les bénéfices excessifs des entreprises. »

« Le prix des produits de base tels que les aliments, les vêtements et le chauffage sont maintenant hors de portée de personnes qui travaillent de longues heures dans des métiers pénibles. »

« Pendant ce temps, les patrons et actionnaires des entreprises énergétiques et autres importantes sociétés ajoutent un zéro à leurs comptes en banque. C’est une injustice inacceptable que l’on ne peut tolérer plus longtemps. »

« Les dirigeants doivent entendre les travailleurs comme Nancy, Javier et Victor et prendre les mesures nécessaires pour mettre fin à cette crise du coût de la vie causée par l’avidité de certaines entreprises. »

Témoignages complets

Nancy Seutin, aide ménagère

Je m’appelle Nancy, j’ai 38 ans et j’ai un fils âgé de 10 ans. Je travaille dans le secteur des services depuis 11 ans et je suis membre d’un syndicat depuis 10 ans.

Ma vie quotidienne, comme celle de 150.000 collègues en Belgique, se résume comme suit : nettoyer durant trois ou quatre heures dans une maison et ensuite me rendre dans une autre maison, souvent sans même avoir le temps de déjeuner. Il faut bien sûr que je m’adapte chaque fois aux produits et au matériel d’entretien que je reçois. Et tout cela, chaque jour de la semaine si ma santé le permet.

C’est un travail difficile, utile et essentiel. Il l’était en tous cas durant la crise du Covid pour les personnes âgées qui ne pouvaient prendre soin tous les jours d’elles-mêmes ou de leur maison. Pour tout ce travail, je touche environ 1.000 euros par mois. 1.000 euros, ce n’est pas grand-chose aujourd’hui.

Il faut choisir quelles factures payer. Le logement est bien sûr prioritaire au risque de se retrouver à la rue. Viennent ensuite le chauffage et l’essence pour la voiture pour me rendre au travail. De nombreux collègues ont fait le choix de ne pas chauffer leur maison cet hiver.

Pour ce qui concerne la nourriture, ici aussi c’est très difficile. Les produits alimentaires de base sont pratiquement inabordables mais il faut choisir. Ce pouvait parfois être un petit article de luxe mais c’est devenu de plus en plus rare. Il faut donc faire avec ce qu’on a mais il est impossible pour moi de tout payer.

Les entreprises qui nous facturent l’énergie font d’énormes profits et ne se soucient absolument pas de notre bien-être. C’est une chose dont il faut parler. Il est important d’agir car nous ne pouvons tout simplement pas vivre avec 1.000 euros par mois.

Javier Pizzaro, ouvrier agricole en Espagne

Il y a 7 ans que je travaille pour cette entreprise du secteur agricole mais, au total, je travaille depuis 30 ans. Aujourd’hui, le salaire minimum en Espagne est de 1.150 euros. C’est ce que je gagne. Une famille normale est au seuil de pauvreté avec ce revenu.

Le mois dernier, mes dépenses incluaient : l’électricité, 130 euros ; ma mensualité hypothécaire, 350 euros ; l’eau, 40 euros ; l’essence pour me rendre au travail, 150 euros ; d’autres dépenses comme les frais de gestion de l’appartement et le téléphone 150 euros, sans oublier les taxes indirectes que je dois évidemment payer aussi.

Pensez-vous que j’ai de quoi vivre décemment et de me vêtir après avoir payé tout ça ? Ou de mettre de côté en cas de coup dur ? Laissez-moi vous dire que c’est impossible aujourd’hui.

Victor Tila, policier en Roumanie

Je fais ce métier depuis 20 ans maintenant. Quand j’ai commencé, en 2002, mon salaire n’était pas très élevé mais il était suffisant. Au cours des années suivantes, le gouvernement a considéré que la police n’était pas une priorité et les salaires ont commencé à diminuer en même temps que l’inflation montait.

Les salaires ont été réduits de 25% durant la crise de 2009. Cela a été une période très difficile pour les policiers et pour de nombreux travailleurs roumains. Actuellement, un policier gagne environ 700 euros et je pense que ce salaire est un peu trop bas compte tenu de la situation.

L’hiver approche et les prix de l’énergie augmentent en Roumanie. Je m’attends à ce que ma facture de gaz et d’électricité représente bientôt la moitié de mon salaire, ce qui est un gros problème.

Notes

Des vidéos des témoignages sont disponibles ici avec traduction en anglais, français, allemand et espagnol.

Pour des photos de la manifestation et de l’opération de lobbying de la CES voir ici et ici.

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13.10.2022
Communiqué de presse