Nouvelle valeur limite d’exposition à l’amiante toujours insuffisante pour protéger les travailleurs

Une action européenne portant sur l’exposition professionnelle à l’amiante pourrait sauver jusqu’à 90.000 vies par an en Europe mais la Commission européenne s’est rangée du côté des lobbyistes des entreprises qui veulent en limiter la portée et ainsi réduire leurs coûts.

La Commission européenne a proposé aujourd’hui de réviser la directive de 2009 relative à l’amiante au travail qui fixait un niveau d’exposition maximum dangereusement élevé de 0,1 fibre d’amiante par cm3.

Bien que l’utilisation de l’amiante soit maintenant interdite en Europe, des travailleurs risquent encore de contracter un cancer après avoir été en contact avec cette substance, singulièrement les travailleurs du secteur de la construction employés sur les chantiers de rénovation et de démolition de bâtiments. Selon le Lancet, il y a eu, en 2019, 90.730 décès liés à l’amiante dans l’UE28 et une étude du Parlement européen estime que ce nombre pourrait atteindre les 120.000 morts en 2029 si rien n’est fait d’ici-là.

En octobre 2021, le Parlement européen a voté en faveur d’une limite de 0,001 fibre par cm3 en s’appuyant sur la conclusion de la Commission internationale de la santé au travail selon laquelle une limite supérieure serait insuffisante pour assurer la protection contre les cancers liés à l’amiante.

La Commission européenne a pourtant proposé une limite de seulement 0,01 fibre par cm3 comme le réclamaient les associations d’entreprises. Cette limite n’améliorerait pas les normes dans des États membres comme le Danemark, la France et l’Allemagne et serait considérablement inférieure à la norme de 0,002 fibre par cm3 d’application aux Pays-Bas.

Le projet de proposition de la Commission pose que cela « n’imposerait pas une charge disproportionnée aux entreprises des secteurs concernés » alors qu’elle évalue à 100 milliards d’euros le coût pour les entreprises de la limite plus sûre proposée par le Parlement européen et les syndicats.

Ce coût ponctuel est toutefois sensiblement moindre que les 40 milliards d'euros que le traitement des personnes atteintes d’un cancer lié à l’amiante coûte chaque année aux services publics de santé d’Europe. La CES travaillera dès maintenant de manière intensive avec les eurodéputés et les ministres nationaux afin d’améliorer la proposition.

Le Secrétaire général adjoint de la CES Claes-Mikael Stahl a déclaré à ce sujet :

« Les limites européennes d’exposition à l’amiante sont dangereusement élevées et mettent chaque année des milliers de travailleurs en danger de développer un cancer, particulièrement dans le secteur de la construction. L’engagement de la Commission à revoir ces limites pourrait contribuer à sauver de nombreuses vies. »

« Malheureusement, la Commission s’est rangée du côté des lobbyistes des entreprises plutôt que de se baser sur les données scientifiques en proposant une limite qui exposera toujours de nombreux travailleurs à l’amiante et au risque de développer un cancer. La vie humaine devrait toujours avoir priorité sur le profit. »

« Le coût ponctuel que représentent la recherche et l’élimination sûre de l’amiante est faible comparé au coût annuel pour les services publics de santé du traitement des personnes souffrant d’un cancer lié à l’amiante. »

« Les syndicats travailleront avec les eurodéputés et les ministres concernés pour améliorer cette proposition et assurer aux travailleurs, à leurs familles et aux contribuables qu’ils n’auront pas à continuer à supporter le coût de l’inaction en matière d’amiante. »

Et le Secrétaire général de la Fédération européenne des travailleurs du bâtiment et du bois (FETBB) Tom Deleu d’ajouter :

« 35 millions de bâtiments contiennent de l’amiante. Des bâtiments qui seront rénovés ou démolis par des travailleurs dans le cadre de la Vague de rénovation et du Green deal européen. Il n’existe aucune limite sûre d’exposition pour protéger complètement les travailleurs contre l’amiante. »

« Nous ne pouvons tourner le dos aux travailleurs du bâtiment et d’autres secteurs régulièrement exposés à cette substance. Il n’y a qu’un seul moyen, c’est d’adopter une LEP (limite d'exposition professionnelle) de 1.000 fibres par m3. »

« Comme l’ont clairement fait remarquer les syndicats et le Parlement européen, la Commission doit également proposer une approche globale pour répondre au drame de l’amiante dans d’autres domaines tels que la rénovation énergétique des bâtiments, les maladies professionnelles et l’inventaire de l’amiante existante mais, avant toute chose, nous avons besoin d’un cadre pour des stratégies d’élimination sûre pour tous les pays de l’UE.

Notes

https://www.etuc.org/fr/document/reponse-de-la-ces-la-premiere-phase-de-consultation-des-partenaires-sociaux-au-titre-de