Les règles budgétaires bloquent la création de nouvelles écoles et de nouveaux hôpitaux

Une étude commandée par la Confédération européenne des syndicats (CES) révèle que la majorité des États membres de l’UE seraient dans l’incapacité d’atteindre leurs objectifs d’investissement en faveur des écoles, des hôpitaux et du logement si les projets de nouvelles règles de gouvernance économique se concrétisent.

Les propres chiffres de la Commission européenne montrent que le déficit d’investissements annuels dans les infrastructures en Europe s’élève déjà à 196 milliards d’euros par rapport à ce qui serait nécessaire pour répondre aux besoins des citoyens.

Les investissements devraient être augmentés chaque année de 120 milliards d’euros pour les soins de santé, de 57 milliards pour le logement abordable et de 15 milliards pour l’éducation.

Pourtant, l’étude réalisée pour compte de la CES par la New Economics Foundation dévoile que les nouvelles règles budgétaires qui imposeront des limites arbitraires en matière de dette et de déficit à partir de 2027 auront pour conséquence que :

 

  • 18 États membres, dont l’Allemagne, la France, l’Italie, l’Espagne et la Pologne, ne pourront faire face aux investissements nécessaires pour combler ces écarts (tableau 1) ;
  • en tenant compte des besoins en investissement vert, à peine trois États membres auront encore la capacité budgétaire d’atteindre les propres objectifs d’investissement de l’UE (tableau 2) ;
  • même si la facilité pour la reprise et la résilience (FRR) de l’UE était prolongée, seuls cinq pays seraient en mesure d’atteindre leurs objectifs d’investissements sociaux et écologiques.
     

Tableau 1 : les 18 États membres incapables d’atteindre les objectifs sociaux de l’UE

Pays Estimation basse des dépenses nécessaires pour les investissements sociaux (% GDP) Estimation basse des dépenses nécessaires pour les investissements sociaux (Euro -prix 2021) Augmentation maximum des dépenses selon les règles budgétaires 2027 (% GDP) Augmentation maximum des dépenses selon les règles budgétaires 2027 (Euro – prix 2021)
Grèce 0,5% 920 millions 0,5% 900 millions
Chypre 0,4% 110 millions 0,2% 50 millions
Bulgarie 0,4% 250 million 0,0% 0
Portugal 0,6% 1.3 milliards 0,0% 0
Allemagne 0,5% 19.3 milliards -0,1% -3.6 milliards
Espagne 0,6% 7.7 milliards -0,1% -1.2 milliards
Autriche 0,5% 2 milliards -0,1% -410 millions
Lettonie 0,3% 100 millions -0,2% -70 millions
France 0,4% 11.2 milliards -0,2% -5 milliards
Italie 0,4% 8.1 milliards -0,2% -3.6 milliards
Slovénie 0,4% 180 millions -0,3% -157 millions
Pologne 0,5% 2.7 milliards -0,4% -2.3 milliards
Finlande 0,4% 1 milliards -0,4% -1 milliards
Malte 0,3% 40 millions -0,5% -80 millions
Belgique 0,5% 2.5 milliards -0,5% -2.5 milliards
Roumanie 0,4% 1 milliards -0,5% -1.2 milliards
Hongrie 0,4% 570 millions -0,6% -920 millions
Slovaquie 0,6% 570 millions -0,8% -800 millions

Les résultats de l’étude montrent combien les règles budgétaires telles que proposées seraient contre-productives par rapport aux objectifs sociaux et climatiques de l’UE alors même que la propre enquête de la Commission indique que ce sont là des priorités pour les citoyens.

Au lieu d’investir, les États membres seraient contraints de procéder à des coupes budgétaires s’élevant à plus de 100 milliards d’euros au cours de la première année d’application des nouvelles règles.

La CES sonne l’alarme avant le vote final du Parlement européen relatif aux nouvelles règles budgétaires prévu le 22 avril 2024.

L’étude montre également qu’un mécanisme d’investissement trois fois plus important que celui de la FRR serait nécessaire pour espérer atténuer les conséquences négatives des nouvelles règles budgétaires. A ce titre, l’utilité d’un tel mécanisme est évidente mais celui-ci ne pourra être efficace que si les règles budgétaires proposées ne sont pas appliquées.

La Secrétaire générale de la CES Esther Lynch explique :

« L’Europe a besoin de règles qui placent les besoins des travailleurs et le futur de la planète au premier plan. Les propres sondages de l’UE confirment systématiquement que ce sont les priorités des citoyens européens et qu’agir à l’encontre de ces dernières à quelques mois à peine des élections serait le prélude d’un désastre annoncé. »

« Les règles proposées reviendraient en effet à enfermer les États membres dans un carcan les empêchant de faire ne fusse que les investissements nécessaires pour atteindre les propres objectifs sociaux et climatiques de l’UE. »

« Cette étude expose clairement les conséquences : adopter les règles budgétaires proposées se traduirait par moins d’hôpitaux, moins d’écoles et moins de logements abordables alors que la pression dans ces trois domaines ne fait que croître. »

« De plus, dans un contexte de faible investissement privé, étrangler les investissements publics entraverait le déploiement de la politique industrielle européenne nécessaire pour créer des emplois de qualité et nous entrainerait davantage encore vers une nouvelle récession inutile. »

« Tout cela est fait pour fixer des limites arbitraires exigées au nom de doctrines économiques dépassées. L’UE a besoin de règles économiques en accord avec ses politiques sociales et climatiques. »

« Ces limites imposées aux États membres ne doivent pas être approuvées. Cette étude montre en outre que l'UE a la responsabilité de mettre en place un mécanisme d’investissement permanent au niveau européen capable de satisfaire à ses objectifs sociaux et écologiques et de financer une véritable politique industrielle européenne. »

Notes

Manifeste de la CES pour les élections européennes 2024: https://www.etuc.org/sites/default/files/publication/file/2023-11/ETUC%20Manifesto%20for%20the%202024%20European%20Parliament%20elections_FR_0.pdf

Tableau 2 : Le montant de la capacité fiscale supplémentaire dont chaque pays devrait disposer pour réaliser les investissements verts et sociaux en 2027

  Ecart d’investissement à combler pour répondre aux besoins d’investissements écologiques et sociaux si le pays dépense le montant maximum autorisé par les nouvelles règles budgétaires 2027
  % du PIB PIB (Mio €, Prix 2021)
  Estimation basse Estimation haute Estimation basse Estimation haute
Estonie 1,0% 2,4% €                    300    €                    800 
Pays-Bas 0,4% 1,4% €                3.500   €             12.500 
Tchéquie 1,5% 2,3% €                3.500   €                5.600 
Luxembourg 0,5% 1,7% €                    300   €                1.200 
Croatie 0,6% 1,8% €                    300   €                1.100 
Lituanie 0,5% 1,7% €                    300   €                1.000 
Grèce 2,3% 3,6% €                4.100   €                6.500 
Chypre 2,6% 3,0% €                    600   €                    800 
Bulgarie 3,2% 4,5% €                2.300   €                3.200 
Lettonie 2,1% 3,1% €                    700   €                1.000 
Portugal 2,4% 3,2% €                5.200   €                6.900 
Allemagne 2,2% 3,0% €             80.600   €           107.200 
Espagne 2,2% 3,0% €             26.400   €             37.100 
Autriche 2,0% 3,8% €                8.200   €             15.300 
Finlande 1,8% 2,4% €                4.500   €                5.900 
France 2,1% 3,0% €             53.300   €             75.400 
Slovénie 2,6% 3,2% €                1.400   €                1.700 
Italie 3,7% 4,5% €             66.900   €             81.100 
Pologne 2,6% 3,5% €             15.000   €             20.200 
Malte 1,6% 2,5% €                    300   €                    400 
Hongrie 2,9% 3,8% €                4.400   €                5.900 
Belgique 2,5% 3,9% €             12.500   €             19.800 
Roumanie 2,7% 3,7% €                6.500   €                8.900 
Slovaquie 3,5% 4,6% €                3.500   €                4.600 
Total UE 2,1% 2,9% €           304.600   €           423.900