L'affaire Viking sera un test crucial de l'engagement de l'Europe en faveur des droits des travailleurs

Bruxelles, 20/04/2006

La Cour examine si une entreprise peut priver des travailleurs du droit fondamental aux actions collectives en délocalisant officiellement ses salariés dans un pays où les salaires et les avantages sont plus faibles.

La Commission européenne doit remettre à la CJCE son point de vue sur ce cas avant la fin du mois d'avril. La CES a écrit au président de la Commission José Manuel Barroso en demandant une « approche soigneusement équilibrée » qui reflète son obligation de promouvoir le dialogue social et les droits sociaux fondamentaux inscrits dans la Charte des droits fondamentaux.

En 2003, la compagnie maritime finlandaise Viking a estimé qu'elle pourrait obtenir un avantage concurrentiel en faisant passer sous pavillon estonien son ferry de transport de passagers et de marchandises Rosella, qui assure la liaison Helsinki-Tallinn dans la mer Baltique, et en remplaçant le personnel navigant par des marins moins payés. Peu satisfaite de la manière dont la situation avait été résolue en Finlande, la société Viking s'est alors adressée à un tribunal en Angleterre pour obtenir une injonction afin d'empêcher le FSU (Syndicat des marins finnois) de mener dans le futur une action syndicale visant à protéger les emplois de ses membres. Viking cherchait également à empêcher que l'ITF (Fédération internationale des ouvriers du transport) puisse appeler dans le futur ses affiliés à témoigner de leur solidarité au FSU. Viking n'a pu intenter une action devant les tribunaux anglais que parce que l'ITF a son secrétariat à Londres.

« Ce cas est le pendant de l'affaire Laval (ou Vaxholm) en Suède qui a bénéficié d'énormément d'attention de la part du public et suscité bien des préoccupations », a déclaré le Secrétaire général de la CES, John Monks. « Les répercussions potentielles de ces affaires aux plans juridique, politique et social vont beaucoup plus loin que les modèles sociaux finnois et suédois et elles affecteront les relations de travail partout en Europe. »

Dans ces deux affaires, les employeurs avaient pour objectif de saper des modèles sociaux efficaces et de modifier l'équilibre des forces entre les partenaires sociaux dans des pays où le rôle des syndicats dans la défense des intérêts des travailleurs est reconnu. Le droit aux actions collectives est au cœur du modèle social nordique, un modèle qui est partagé par quelques-unes des économies les plus compétitives au monde. Dans des circonstances similaires, un verdict en faveur des employeurs aurait un impact néfaste en Allemagne, en France et dans de nombreux autres États membres de l'UE.

La CES n'est opposée ni au développement du marché intérieur ni à la libre circulation des marchandises, des capitaux, des services et des travailleurs. Elle n'encourage pas non plus le protectionnisme. Au contraire, elle recherche des règles du jeu équitables entre les États membres, basées sur un traitement juste et une harmonisation vers le haut des droits des travailleurs et des conditions de travail.

La proposition de la Commission à la CJCE et l'issue de cette affaire ont une importance politique capitale pour l'orientation future de l'UE et pour le soutien des syndicats et du public à l'Europe.
En ce qui concerne le droit aux actions collectives, il est légitime d'attendre de la Commission qu'elle respecte elle aussi les engagements internationaux de l'ensemble des États membres, notamment vis-à-vis des principales conventions de l'Organisation internationale du travail (OIT). Celles-ci engagent également les États membres de l'UE.

L'historique complet de l'affaire est disponible sur le site Internet de la CES :
http://www.etuc.org/a/1896 (uniquement en anglais)