La CES remet en cause les propositions de la Commission sur la libéralisation des services

Bruxelles, 24/05/2004

La Confédération européenne des syndicats est gravement préoccupée par certaines dispositions reprises dans le projet de Directive européenne de la Commission relative aux services sur le marché intérieur. Elle avertit qu'elles pourraient accélérer la déréglementation, entamer sérieusement les droits et la protection des travailleurs, et nuiraient aux prestations de services essentiels aux citoyens européens.

La CES reconnaît le potentiel important que constitue le secteur des services en Europe pour la création d'emplois. Elle comprend les efforts du projet de Directive de la Commission pour améliorer l'efficacité du marché intérieur en réduisant les coûts administratifs et en installant des points de contact unique pour les fournisseurs de service.

Cependant, dans l'état actuel des choses, le projet est totalement incomplet, et menace de nuire aux conventions collectives existantes, aux codes de travail nationaux, et au succès du modèle social européen en général. Pour ces raisons, la CES ne peut le soutenir, et a réclamé une réunion d'urgence avec le groupe de travail du Conseil européen sur la compétitivité et la croissance pour aborder ces sujets.

Où le projet tourne mal

La CES constate que la proposition ne distingue pas les différents types de services et leurs objectifs distincts, et par conséquent ne détermine pas clairement les services qu'elle couvrirait. Les syndicats européens ont longtemps réclamé une Directive-cadre sur les services d'intérêt général (SIG), couvrant la santé et d'autres services essentiels ou un simple rapport fournisseur-consommateur ne s'applique pas. Selon la CES, ceux-ci ne peuvent pas être sujets aux même règles que les services commerciaux tels que la vente au détail ou les promoteurs immobiliers, comme le propose le projet actuel.

Cette proposition qui ne soumet les fournisseurs qu'aux règlements de leur pays respectif donne carte blanche aux sociétés pour qu'elles déplacent leur base opérationnelle vers des Etats membres ayant des normes sociales et environnementales moins exigeantes. Cela entraînerait une spirale de déréglementations vers le bas qui verrait les Etats membres se concurrencer l'un l'autre. La CES croit que ce principe pourrait sérieusement endommager la cohésion sociale de l'EU.

Alors que le projet de Directive prétend ne pas toucher à la loi sur le travail, la CES estime quant à elle qu'il aura des répercussions inévitables, et exige par conséquent que la Commission accorde la priorité à l'amélioration des normes et à une meilleure protection pour les travailleurs détachés (en renforçant la Directive existante 96/71/EC) et les travailleurs intérimaires (en faisant de la proposition bloquée une Directive).

En conclusion, la CES estime que la proposition impose trop de restrictions sur le droit des Etats membres d'agir contre des abus de la loi sur le travail et de protéger les travailleurs migrants sur leur propre territoire. Elle doute que les autorités des pays d'origine puissent effectuer correctement les contrôle nécessaires à travers les frontières.

Le potentiel pour la création d'emplois dans les services est dû à la nature intensive en main d'œuvre de ces secteurs. N'importe quel changement de règlementation entraînera inévitablement un changement dans les relations sociales. C'est pourquoi il est crucial pour les travailleurs que leurs représentants participent à l ‘élaboration des politiques.

La CES exige qu'avant que cette proposition n'aille plus loin, la Commission entame une étude approfondie de l'impact sur les travailleurs, les employeurs et les destinataires des services, et engage une série de consultations appropriées, qui tienne compte des points de vue des syndicats européens.