Drame du Japon: l'Europe doit ouvrir un débat démocratique sur l'avenir du nucléaire

Bruxelles, 16/03/2011

La gravité de la situation doit imposer à l’Europe d’en tirer les conséquences et de veiller à garantir et renforcer la sureté de son parc nucléaire en toutes circonstances, notamment dans des situations d’urgence. C’est pourquoi la CES estime essentiel que des audits et des tests de résistance et de sécurité soient menés dans les plus brefs délais sur toutes les installations nucléaires en Europe, et que les conditions soient rassemblées pour garantir une totale transparence sur les résultats de ces tests et audits ainsi qu’un débat démocratique. D’autant que les normes devraient être fixées et si nécessaire renforcées au niveau international, alors que les autorités sont aujourd’hui au niveau national.

La CES s’inquiète du fait que l’organisation du travail dans la filière du nucléaire passe aujourd’hui en Europe par la sous-traitance massive avec des formations pas toujours adéquates et des expositions dangereuses pour les travailleurs concernés, et vraisemblablement à terme une perte de contrôle de la fiabilité dans les processus critiques. Il est nécessaire de garantir au plus vite une véritable gestion sociale cohérente de l’emploi dans cette filière.

La CES estime urgent d’avoir un débat sur les conditions d’exploitation actuelles et à venir des centrales nucléaires, notamment en lien avec la libéralisation du marché de l’électricité qui peut s’avérer incompatible avec les exigences de sécurité et avec les risques propres au nucléaire, car cette technologie exige une forte transparence, une régulation très stricte, des conditions sociales optimales, toutes conditions dont on peut craindre qu’elles ne soient pas rencontrées aujourd’hui dans le cadre du libre marché.

De manière plus générale, elle estime qu’il faut mener un débat beaucoup plus fondamental sur la politique énergétique de l’Europe que celui initié récemment par la Commission européenne, comme développé dans la résolution de décembre 2010 de la CES à ce sujet. Il faut à l’avenir mettre la priorité sur la maîtrise de la demande d’énergie et veiller à ce que les moyens de production d’électricité soient diversifiés et comprennent notamment la cogénération et les énergies renouvelables. Il faut également considérer la nécessité de réponses plus globales qu’au seul réchauffement climatique. Il y a un impact sociétal et sanitaire du nucléaire indépendant de la problématique de l’effet de serre. C’est toute l’ambigüité de la notion de transition « bas carbone », qui laisse de trop nombreuses questions de côté.

Poursuivre la recherche sur les effets des radiations, ainsi que la recherche en vue du développement de centrales nucléaires plus sures, plus modulables, non exposées aux risques terroristes, économes en consommation d’uranium..., du développement de méthodes de gestion des déchets nucléaires satisfaisantes qui font défaut aujourd’hui implique un renforcement des procédures démocratiques fondées sur la transparence et un niveau élevé d’information.

Il importe également de maintenir et renforcer les compétences nécessaires pour la durée de vie des centrales, pour la phase de démantèlement, pour la gestion des déchets...

C’est pourquoi la recherche nucléaire doit être restructurée afin d’éviter que les engagements de la recherche dans de grands projets techniques n’hypothèquent la recherche ayant une pertinence sociétale en lien avec l’énergie nucléaire, telle que:

a) la recherche liée à la radioprotection, à la sûreté des installations (prévention des risques terroristes, prévention des problèmes techniques...), aux impacts sur l’environnement, aux radiations ionisantes, à l’effet des rayonnements ionisants dans l’espace, à la radioprotection des patients et du personnel médical dans les applications des rayonnements ionisants en médecine... pour prévenir les risques pour la santé et la sécurité des travailleurs et de la population, ce qui s’avère d’ailleurs nécessaire pour l’ensemble des métiers dangereux ;

b) la recherche en vue d’une bonne gestion des déchets nucléaires, d’un contrôle de qualité des conditions de stockage de ces déchets au fil du temps... ;

c) l’information de qualité à mettre à disposition de la population sur ces thématiques sociétales.

Ces recherches d’intérêt sociétal doivent être à disposition des autorités publiques et faire l’objet de la plus grande transparence, afin de leur permettre de faire des choix dans le cadre d’un débat de société démocratique qui s’avère nécessaire sur l’avenir du nucléaire.