Démembrement des actifs économiques vs réinvestissement des bénéfices

Une analyse des données d’Eurostat menée par la Confédération européenne des syndicats révèle que, plutôt que réinvestir leurs bénéfices, certains chefs d’entreprise s’adonnent au démembrement d’actifs qui affaiblit l’économie européenne.

Depuis la pandémie, des entreprises dans toute l’UE ont vu leurs bénéfices croître en termes réels et la part des profits dans le PIB augmenter de 4%. Toutefois, dans le même temps, le taux d’investissement brut a diminué de 5% dans l’ensemble de l’Europe.

La tendance se reproduit dans 11 États membres, les plus grandes différences étant enregistrées en Irlande où les investissements ont chuté de 63% malgré une croissance de 6% de la part des profits et au Danemark avec une chute des investissements de 7% et une augmentation de 15% de la part des profits.

Au lieu de les réinvestir, les entreprises ont distribué plus de bénéfices à leurs actionnaires en leur payant des dividendes records qui ont augmenté jusqu’à 95% en Europe depuis l’an dernier.

 

Evolution en % de la part de bénéfice brut depuis 2019

Evolution en % du taux d’investissement brut depuis 2019

Danemark

+15

-7

Pays-Bas

+8

-6

Germany

+6

0

Irlande

+6

-63

Pologne

+6

-21

Belgique

+5

-2

Tchéquie

+5

-1

Croatie

+5

-11

Luxembourg

+5

-11

Lettonie

+4

-1

Slovénie

+2

0

Zone euro

 +3

-5

UE

+4

-5

 

L’accroissement de la part des profits se traduit automatiquement par une diminution de la part des revenus allouée aux salaires (les impôts sur la production mis à part), augmentant ainsi encore les inégalités de revenu entre la haute direction et les travailleurs.

La valeur des salaires actuels des travailleurs chute aussi en raison de l’inflation qui, selon les données de la Banque centrale, est principalement alimentée par des marges bénéficiaires des entreprises en hausse.

Ne pas réinvestir les bénéfices affectera également la productivité, ce qui signifie que moins d’emplois seront créés, laissant les entreprises mal préparées pour faire face à une future récession économique.

La CES appelle les responsables politiques nationaux et européens à restaurer la responsabilité des entreprises en :

  • imposant une taxe sur les superprofits ;
  • soutenant la négociation collective au niveau national et sectoriel en veillant à ce que seules les entreprises qui appliquent des conditions de rémunération et de travail négociées avec les syndicats puissent bénéficier d’argent public ;
  • liant l’utilisation de fonds publics à des conditions sociales exigeant des entreprises qu’elles donnent la priorité à la création d’emplois de qualité au lieu de simplement les détourner pour augmenter les dividendes.

Commentant les résultats de l’étude, la Secrétaire générale de la CES Esther Lynch a déclaré :

« Ces chiffres témoignent d’une perte totale du sens des responsabilités des entreprises au sein de certains conseils d’administration européens alors que des grands patrons procèdent tranquillement à un démembrement des actifs de notre économie. »

« Des entreprises ont profité des problèmes d’approvisionnement causés par la pandémie et la guerre en Ukraine pour augmenter à l’excès leurs marges bénéficiaires. »

« Au lieu de réinvestir dans la productivité ou dans la création de nouveaux emplois, des patrons ont tout bonnement siphonné et détourné les profits de l’économie pour les verser sur des comptes, souvent offshore, d’actionnaires déjà fortunés. »

« Ces grands patrons manquent à la responsabilité qui est la leur de réparer le toit avant que la pluie n’arrive, exposant ainsi les entreprises à un risque accru de débâcle en cas de récession l’an prochain suite aux hausses d’intérêt records de la BCE. »

« En attendant, et malgré la flambée  des prix à laquelle ils sont confrontés, les travailleurs ne reçoivent qu’une part toujours plus petite des richesses qu’ils contribuent à créer. »

« Les leaders européens et nationaux doivent faire en sorte d’arrêter que notre économie soit vidée de sa substance et soutenir la négociation collective comme étant le meilleur moyen de rétablir un certain équilibre entre les conseils d’administration et les travailleurs. »

 

Note

Source des chiffres des investissements et des bénéfices :

https://ec.europa.eu/eurostat/databrowser/view/NASA_10_KI__custom_7493729/default/table