Une délégation syndicale, coordonnée par la CES, a participé à un échange de vues entre les partenaires sociaux et la vice-présidente de la Commission, Mme Minzatu, le 16 avril, soulignant l'urgence de prendre des mesures immédiates pour garantir des emplois de qualité et préserver le modèle social européen.
Les emplois de qualité sont fondamentaux pour la justice sociale, la résilience économique et la légitimité démocratique. Cependant, la CES a averti que sans mesures rapides et décisives, le travail précaire, les bas salaires et les faibles protections continueront à saper ces objectifs. La CES a appelé la Commission européenne à prendre l'initiative d'initiatives législatives audacieuses et d'investissements réels, afin de garantir des emplois de qualité dans tous les secteurs et toutes les régions.
Pour la CES, des emplois de qualité signifient - au moins :
- la négociation collective
- le respect total des droits des travailleurs et des syndicats
- des salaires équitables
- la sécurité de l'emploi et la progression de carrière
- la protection sociale
- formation gratuite et pendant le temps de travail
- de bonnes conditions de travail
- la santé et la sécurité sur le lieu de travail
- l'équilibre entre vie professionnelle et vie privée
- l'égalité et la non-discrimination
Les discours des délégués syndicaux sont disponibles ci-dessous :
- Tea Jarc, Secrétaire confédéral de la CES
- Jan Willem Goudriaan, Secrétaire général de la FSESP
- Isabelle Barthès, Secrétaire générale adjointe d'industriAll Europe
- Renate Schroeder, Directrice de la FEJ
Intervention de Tea Jarc, Secrétaire confédérale de la CES lors de la réunion sur les emplois de qualité avec la Vice-présidente de la Commission Minzatu, le 17 avril 2025 :
Chers collègues, partenaires sociaux et représentants des institutions européennes,
Merci de nous donner l'occasion d'échanger aujourd'hui sur un sujet qui est au cœur du mouvement syndical, mais aussi qui est absolument essentiel pour l'avenir de l'Europe : les emplois de qualité.
La Confédération européenne des syndicats (CES) salue le processus lancé par la Commission européenne. Nous apprécions la volonté d'engagement et nous sommes prêts à contribuer de manière constructive à l'élaboration d'une feuille de route pour des emplois de qualité qui soit bénéfique pour tous les travailleurs d'Europe.
L'Europe a besoin d' emplois de qualité, car ils sont la pierre angulaire de la justice sociale, de la résilience économique et de la légitimité démocratique.
Soyons clairs : face aux multiples transitions - verte, numérique et démographique -, aux pénuries sur le marché du travail et à l'incertitude géopolitique et économique, le seul moyen de renforcer le modèle social de l'Europe est d'investir dans les personnes.
Les emplois de qualité responsabilisent les travailleurs, stimulent la productivité et garantissent une concurrence loyale au sein du marché unique. Ils permettent de lutter contre les inégalités, les discriminations et la montée du populisme.
Et permettez-moi d'être franc : la précarité, les bas salaires et les faibles protections ne sont pas seulement injustes, ils sont insoutenables.
Qu'entendons-nous donc par "emplois de qualité" ?
Pour la CES, les emplois de qualité comprennent - au minimum - les éléments suivants
- lanégociation collective en tant que pilier de la démocratie industrielle
- le plein respect des droits des travailleurs et des syndicats
- Des salaires équitables qui reflètent la valeur du travail
- la sécurité de l'emploi et des possibilités de progression de carrière
- des systèmes de protection sociale solides
- une formation gratuite pendant le temps de travail
- des conditions de travail décentes et des lieux de travail sûrs
- l'équilibre entre vie professionnelle et vie privée
- L'égalité et la non-discrimination
Il ne doit pas s'agir d'un concept abstrait. Il doit s'agir d'un programme concret, avec desrésultats réels pour les travailleurs, en particulier les plus vulnérables : les jeunes, les femmes, les migrants et ceux qui occupent des emplois atypiques.
Nous ne pouvons pas construire une maison sur des fondations fragiles. C'est pourquoi la première étape doit consister à appliquer plus efficacement la législation existante.
Cela implique d'investir dans les inspections du travail et de renforcer leurs capacités, ce qui implique également de revoir le mandat de l'Autorité européenne du travail et d'étendre le champ d'action de cette dernière, afin qu'elle joue un rôle plus important en matière d'application, de suivi et de coordination.
Mais l'application seule ne suffit pas. Nous avons besoin que la Commission européenne fasse preuve d'audace et propose un paquet d'emplois de qualité avec de nouvelles initiatives législatives et de véritables investissements.
Permettez-moi de souligner quelques-unes de nos principales demandes:
- Une directive sur la transition juste pour gérer le changement grâce à l'implication des syndicats et anticiper le besoin de requalification. Alors que des emplois sont déjà perdus, nous devons également rétablir le mécanisme SURE 2.0.
- Uneréglementation européenne des intermédiaires du travail et un cadre juridique pour limiter la sous-traitance et garantir la responsabilité conjointe dans les chaînes d'approvisionnement.
- Une directive sur les risques psychosociaux, s'attaquant également au harcèlement en ligne et à la santé mentale au travail.
- Pour répondre à la transformation numérique, nous avons besoin d'une directive sur l'IA sur le lieu de travail, intégrant le principe de "l'humain aux commandes".
- Nous attendons toujours une directive sur le télétravail et le droit à la déconnexion, qui réponde aux réalités du travail moderne.
- Nous avons également besoin d'un nouveau cadre pour renforcer la démocratie au travail, y compris lesdroits à l'information, à la consultation et à la participation.
- Outre l'application de la directive sur le salaire minimum, nous avons besoin d'investissements pour renforcer les négociations collectives.
- Une révision des règles relatives aux marchés publics afin que l'argent du contribuable soutienne les employeurs qui respectent les droits des travailleurs et négocient avec les syndicats.
- Mettre fin au travail précaire eninterdisant les contrats zéro heure et les stages non rémunérés, et en garantissant l'accès à un emploi permanent et à temps plein.
Permettez-moi d'insister sur une importante mise en garde:
La feuille de route du paquet ne doit pas retarder les propositions et les processus déjà existants. Nous nous attendons à ce que divers dossiers se développent parallèlement au processus d'établissement du paquet.
Les propositions du paquet sur les emplois de qualité doivent être de nouvelles initiatives, et non des modifications de directives ou de règlements existants qui risqueraient d'affaiblir les protections existantes.
La qualité doit également être mesurable. C'est pourquoi nous avons besoin de développer des indicateurs solides pour suivre les progrès réalisés en matière de qualité de l'emploi, tant au niveau de l'UE qu'au niveau national.
Ces indicateurs devraient aller au-delà des chiffres clés de l'emploi et refléter les conditions réelles de travail - stabilité de l'emploi, couverture des conventions collectives, accès à la formation, équité salariale, etc.
Sans indicateurs, nous ne pouvons pas mesurer. Sans mesure, nous ne pouvons pas nous améliorer. Et sans amélioration, nous perdons la confiance des citoyens.
Les collègues,
Nous croyons au dialogue. En tant que partenaires sociaux, la CES est prête à s'engager, à contribuer et à participer de bonne foi.
Mais nous sommes également clairs : la Commission européenne doit prendre l'initiative.
Ce processus ne peut pas être un simple exercice d'écoute. Il doit déboucher sur des propositions concrètes, des actions législatives et des investissements ciblés.
Les emplois de qualité ne sont pas le fruit du hasard : ils requièrent une volonté politique.
Ne nous y trompons pas : investir dans des emplois de qualité n'est pas seulement un impératif social, c'est une nécessité économique et une garantie démocratique.
L'Europe dispose des outils, des ressources et des connaissances nécessaires. Ce dont nous avons besoin maintenant, c'est d'action.
La CES est à la table, prête à travailler ensemble pour une Europe où chaque emploi est un emploi de qualité pour chaque travailleur, dans chaque secteur et dans chaque région.
Je vous remercie de votre attention.