Mémorandum syndical à l'attention de la Présidence belge de l'Union européenne

Bruxelles, 28/06/2010

1. INTRODUCTION

La Présidence belge sera confrontée à toute une série de défis majeurs, notamment à cause de la montée rapide du chômage et de la vague de mesures d'austérité néfastes pour la relance économique dans une tentative désespérée de convaincre les marchés. La période clé sera le début de l’automne et l’hiver lorsque les gens réaliseront l’ampleur de la baisse des salaires et des retraites et la chute du nombre d’emplois. Cela pourrait aussi devenir un sujet brûlant, notamment lors de la Journée d’action européenne organisée par la CES en septembre.

Les travailleurs qui paient le prix de la crise sont de plus en plus en colère, une colère parfaitement justifiée. Les conditions imposées par l’Union européenne (UE) à la Grèce afin de l’aider à sortir de sa crise budgétaire sont bien trop strictes. Ses chances de réussite sont minces à cause de ces contraintes qui dépassent de loin les recommandations du Fonds monétaire international (FMI). La résolution du problème grec n’est pas favorable à l’Europe. Bien au contraire.

Le fait que l’OCDE, le FMI et le G20 encouragent les baisses et le retrait de tout autre plan de relance a des répercussions néfastes sur ces institutions. En 2007/2008, les dirigeants mondiaux n’ont pas suivi l’exemple du Président Hoover et des dirigeants de l'époque en 1931. Ils n'ont pas imposé de réductions simultanées des dépenses publiques créant ainsi un retour de la Grande Dépression. Il y a deux ans, ils ont renfloué les banques, maintenu le niveau des dépenses et, dans certains cas, mis en place des plans de relance. Ils appliquaient de manière exemplaire les principes keynésiens. Aujourd’hui, à l'exception des Etats-Unis, ils agissent comme le Président Hoover en 1931 et les marchés exercent une immense influence sur la politique économique.

Si l’UE souhaite sortir du marasme économique dans lequel elle est actuellement plongée, elle doit faire preuve de détermination et replacer la croissance en tête de la liste de ses objectifs. A l’heure actuelle, la CES ne voit aucune stratégie dans ce domaine. Son approche semble au contraire entièrement basée sur un conseil : inciter les Etats-membres à rembourser leurs dettes. La CES attend donc de la Présidence belge qu’elle fasse de la croissance l’une de ses priorités.

La Stratégie 2020 est devenue la nouvelle initiative-phare de la Commission et la CES est convaincue qu'il s'agit là d'une erreur. Les problèmes immédiats doivent figurer en tête de la liste des priorités, notamment des mesures créatrices d'emplois, surtout à destination des jeunes, une gouvernance économique européenne, une régulation financière efficace permettant de renverser la tendance de la spéculation à hauts risques et la transition vers une économie sobre en carbone. La Stratégie 2020 de l’UE n'offre aucune réponse quant à une sortie de crise crédible et manque clairement de ligne d'attaque concernant la promotion d'un retour à la croissance économique. L’UE et la zone euro doivent élaborer une stratégie de croissance, à l’opposé de l’approche actuelle qui consiste à procéder à d'importantes coupes budgétaires qui pourraient donner naissance à une récession. C’est exactement ce qui s'est produit en 1931. Réduire les dépenses en période de croissance faible et de chômage élevé, tel a été le choix des dirigeants internationaux en 1931. Cela ne fera que renforcer le marasme économique et aggraver le chômage. Cela n’améliorera pas la situation budgétaire puisqu'une économie affaiblie entraîne une baisse des recettes fiscales et réduit à néant les économies réalisées suite à la baisse des dépenses gouvernementales.

La CES est particulièrement déçue par la position adoptée par le Conseil de l'UE en mars concernant la Stratégie 2020 de celle-ci : selon ce document, la crise et ses conséquences sont temporaires et tout va progressivement revenir à la normale grâce à la dérégulation et à une flexibilité accrue du marché. Nous rejetons cette approche et demandons au contraire l’élaboration d’un plan de relance européen couplé à un New Deal social et écologique représentant 1 % du PIB de l’Union européenne afin de stimuler l’emploi, l’investissement et la croissance. L’adoption de mesures d’austérité présentées comme un électrochoc qui permettra à l'Europe de sortir de la crise constitue une véritable menace pour la croissance et le pouvoir d'achat. Ces mesures entraineront aussi une réduction de la protection sociale, le dernier rempart contre l'exclusion sociale et ne feront qu'accentuer une précarité déjà largement répandue. La rigueur budgétaire tuera tout espoir de relance dans l’œuf. La CES espère que la Présidence belge se focalisera sur la croissance, l’emploi et le développement durable et industriel. Les dirigeants européens peuvent et doivent faire mieux.

La CES s’inquiète des conséquences des récentes décisions de la CJE qui ont placé la libre circulation au-dessus du respect des conventions collectives et permis l’existence d’une rémunération réduite et inégale. Pour conserver le soutien des travailleurs, l'UE doit, de toute urgence, revoir les objectifs sociaux des règles du marché intérieur. La CES espère que la Présidence belge mettra un terme au silence émanant actuellement de la Commission grâce à la promotion d'actions dans ce domaine.

Premièrement, la CES exhorte la Présidence à tout mettre en œuvre pour promouvoir l’adoption d’un Protocole de progrès social [[Texte disponible à l’adresse suivante : http://www.etuc.org/a/5176 ]] afin d’orienter la CJE quant à la nécessité de respecter les droits sociaux fondamentaux dans le marché unique. Ce Protocole devrait être joint aux Traités, posséder le statut juridique et l’autorité nécessaires à une orientation claire de l’interprétation des articles des Traités. La prochaine opportunité d’adopter un tel Protocole interviendra lors des prochains élargissements.

Deuxièmement, la CES exhorte la Présidence belge à prendre toutes les mesures nécessaires à la révision de la Directive sur le Détachement de Travailleurs.

Dans le cas contraire, la pression poussant les syndicats à se retourner contre le marché unique va s’intensifier, ce qui ne fera qu’ajouter aux difficultés de la crise actuelle. Dans la crise économique actuelle, les partis d’extrême-droite et/ou les partis nationalistes ont gagné du terrain. Ces partis ont un comportement nationaliste, raciste et xénophobe à l’égard des travailleurs migrants. Voici un exemple récent : au Pays-Bas, le parti d’extrême-droite est devenu le troisième parti du pays et, dans le même temps, le nombre de sièges des Chrétiens Démocrates a diminué de moitié. En Belgique, le Parti nationaliste flamand N-VA a rencontré un certain succès. Le paysage politique européen connait de profondes mutations au détriment de l’Europe. L’Europe doit officiellement réagir et apaiser les inquiétudes des citoyens et du mouvement syndical européen.

Il est, de même, nécessaire de clarifier les responsabilités institutionnelles au sein de l’UE suite à l’adoption du Traité de Lisbonne. Il était peut-être compréhensible que la Présidence espagnole souhaite s’en tenir à son programme d’activités mais, en cette période cruciale, il semble exister une certaine confusion entre la Présidence tournante, le Président du Conseil et le Président de la Commission et leurs différents champs d’action. La Présidence belge est bien placée pour mettre un terme à cette confusion.

2. IMPACT DE LA CRISE FINANCIERE, ECONOMIQUE ET SOCIALE

A cause de la crise économique et financière, la pression croissante en faveur d’un retour prématuré à l’assainissement des finances publiques est contre-productive. Si une telle décision est prise, les Etats membres ne pourront pas tirer avantage d'une possible relance économique et cela portera préjudice aux services publics. En ces temps de crise, la politique sociale et les services publics à travers toute l’Europe doivent être préservés, renforcés et non affaiblis par une application rigide du Pacte de Stabilité, imposant des réductions prématurées et significatives des déficits budgétaires dès l’apparition des premiers signes de reprise de l’activité économique.

L'Europe doit investir, au cours des trois prochaines années, 1 % de son PIB annuel afin de créer des emplois plus nombreux et de meilleure qualité, de promouvoir l’innovation, la recherche, le développement et l’emploi dans des secteurs clé, d’investir dans des technologies vertes, innovantes et durables, de maintenir des services publiques de qualité, d’offrir aux travailleurs les qualifications nécessaires à une technologie verte d’avenir respectueuse de l'environnement et de meilleurs emplois qualifiés.

4 millions d’emplois ont été perdus au sein de l’UE depuis le début de la crise, bien que les conséquences aient été légèrement atténuées grâce à des systèmes de chômage partiel et autres. Bien qu’importantes, ces mesures à court-termes ne sont pas en elles-mêmes suffisantes pour garantir une sortie de crise réussie. Les politiques en matière d’emploi doivent se focaliser sur la préparation de la transition à une économie sobre en carbone. Les jeunes supportent les conséquences de la contraction de l’emploi. Près de 25 millions d’entre eux sont au chômage au sein de l’UE et leur nombre devrait continuer à augmenter.

Toutefois, une régulation financière ne suffira pas à restaurer la justice sociale. Les responsables de la crise, née d’un comportement collectif irresponsable, devront porter une grande partie du fardeau qui pèsera sur nos sociétés à l’avenir. La CES demande d’application du principe de « pollueur – payeur » aux marchés financiers et demande à la Présidence belge de commencer à élaborer une loi-type de taxe sur les transactions financières (TTF) applicable au niveau européen, voire au-delà, sur la base des propositions du WIFO et de Spahn. Cette taxe européenne sur les transactions financières serait applicable à l’ensemble des traders et non aux pays et, en tant que telle, serait indépendante de la situation géographique des principales places boursières. Dans le même temps, cela pourrait générer des recettes fiscales significatives qui pourraient servir à soutenir une politique sociale au niveau européenne une fois la crise terminée.

La CES est convaincue qu’il faut faire davantage au niveau européen pour mettre un terme aux paradis fiscaux, empêcher l’évasion fiscale et restaurer la justice fiscale entre le capital et le travail, entre les riches et les pauvres. La Présidence belge participerait largement à une fiscalité transfrontalière efficace en faisant avancer les travaux relatifs à une Directive en matière de fiscalité des revenus de l'épargne qui aurait pour objectif de combler les brèches existantes et d’empêcher l’évasion fiscale et s’appliquerait à tous les acteurs, toutes les formes de revenus du capital et au-delà des frontières européennes.

Dans le domaine de la fiscalité des sociétés, la Présidence belge devrait : - soutenir une nouvelle proposition de la Commission européenne en faveur d’une directive sur l’Assiette commune consolidée pour l'impôt sur les sociétés (ACCIS) ; - renforcer le Code de Déontologie actuel de la fiscalité des entreprises ; - et œuvrer en faveur de meilleures normes comptables qui engloberait l’intégralité de l’assiette pour l’impôt sur les sociétés en créant un système de reporting européen applicable aux entreprises multinationales pays par pays. Actuellement, l’accent est mis par les autorités européennes sur l’assainissement des finances publiques comme cela s’est produit en 1931 sous l’impulsion de tous les gouvernements. La CES est convaincue que les économies les plus solides devraient élaborer de nouveaux plans de relance et que l’Europe devrait disposer d'instruments tels que le Fonds de relance pour des secteurs plus respectueux de l’environnement et plus durables.

La CES prévoit que les vagues de protestations, les grèves et les manifestations en Grèce et ailleurs vont s’intensifier. La CES aura l’occasion de répéter ses priorités lors de la manifestation européenne qu’elle organise le 29 septembre à Bruxelles. Les pays ont tous leurs propres traditions et leur méthode pour faire pression et il est primordial que tous les moyens soient mis en œuvre pour éviter que les évènements de 1931 ne se reproduisent, à savoir l'instauration de réductions dans l'ensemble des économies. La CES espère que la Présidence belge proposera au G20 d’adopter une taxe sur les transactions financières et des réglementations strictes pour les banques, les fonds spéculatifs et autres animaux sauvages de la jungle financière de Wall Street.

3. EUROPE SOCIALE ET DIMENSION SOCIAL DU MARCHE INTERIEUR

Vous trouverez ci-dessous, des propositions que la CES souhaiterait voir reprises et développées lors de la Présidence belge de l’Union européenne.

{{Vers un nouvel élan pour une stratégie plus équilibrée du marché intérieur

}}La CES salue le rapport de l’ancien Commissaire européen, Mario Monti, sur la manière dont l'UE devrait relancer son marché unique et sur des mesures permettant de compléter un marché unique actuellement déséquilibré. Monti considère que le marché unique est à un tournant puisque la « lassitude de l’intégration » et la « lassitude du marché » s'ajoutent alors que le soutien politique et social s’érode et laisse place à la suspicion et à l’hostilité ouverte. Les efforts de Monti pour s’attaquer aux défis posés par les affaires portées devant la CJE sont plutôt utiles si la Commission souhaite éviter toute avancée. La CES salue tout particulièrement le fait « qu’on ne saurait attendre qu'un éclaircissement soit apporté sur ces questions à la faveur des recours susceptibles d'être portés » et que « les forces politiques doivent rechercher une solution conforme à l'objectif du traité d'instaurer une économie sociale de marché ». L’un des messages centraux de ce rapport est que les tensions entre la lassitude du marché et les objectifs sociaux doivent être apaisées. Ces recommandations n’apparaissent par simple accident : le Professeur Monti est l’auteur de la célèbre « Clause Monti » dans le cadre du Règlement Monti (1999 n° 2679/98) qui a confirmé le droit de grève dans le cadre de la libre circulation des marchandises (et a inspiré la proposition de la CES concernant l’ajout d’un Protocole de progrès social aux Traités). La coordination fiscale est une autre proposition tirée du rapport qui sera suivie par la Présidence belge.

Si le marché unique est perçu comme un outil d’abolition des droits sociaux et comme un outil de dumping social et de concurrence déloyale, la base du consensus entourant l’intégration européenne va rapidement s’éroder. Traiter de ce rapport est un exercice particulièrement périlleux. La CES apporte son soutien aux recommandations de M. Monti qui souhaite que les inquiétudes soient apaisées de manière proactive et que les règles régissant le marché unique soient modifiées afin de les rendre durables et compatibles avec les droits fondamentaux. La Présidence belge est priée de formuler des propositions destinées à renforcer les droits des travailleurs, la coordination fiscale, des services publics de qualité, accessibles et abordables garantissant une plus grande sécurité légale qui permettraient de créer des missions durables des services publics et de garantir les droits fondamentaux.

La CES réclame une évaluation critique approfondie des libéralisations et privatisations antérieures avec la participation de tous les acteurs majeurs et maintient sa demande de moratoire concernant les libéralisations. La CES demande en particulier à la Commission de déclarer qu’elle n’a pas l’intention de soumettre des propositions visant à libéraliser l’eau ou les déchets ainsi que le transport ferroviaire domestique de passagers et qu’elle respectera cette déclaration.

La CES espère que le futur « paquet Altmark » sur les aides et les initiatives gouvernementales en matière de partenariats public-privé institutionnalisés, de concessions et de marchés publics tiendra compte des dispositions du nouveau Traité. La CES réclame une évaluation approfondie des Partenariats public-privé (PPP). Il n’est pas acceptable pour la Commission de prôner, sans une évaluation critique des problèmes et échecs, une extension du champ d’application des PPP et d’exercer unilatéralement une pression afin que le secteur privé aient un rôle accru. La Commission estime que l’affirmation selon laquelle les PPP améliorent l’efficacité et réduisent les charges pesant sur les budgets publics est une évidence, ce que contestent de nombreux chercheurs. Les PPP devraient être évalués de manière indépendante et les conséquences juridiques, économiques et sociales des contrats et sous-contrats de PPP devraient être beaucoup plus transparentes. Les pouvoirs publics compétents devraient disposer de fonds publics suffisants pour financer les services publics. Les exigences comptables concernant les déficits publics ne devraient pas conduire à promouvoir indirectement les PPP.

Depuis plus de six ans, la CES demande un manuel sur les achats publics sociaux expliquant comment inclure les considérations sociales et éthiques, ainsi que les questions d’emploi, dans les processus de passation de contrats, qui vont de la communication d’informations au respect de la protection de l’emploi, des conditions de travail, en passant par le respect des Conventions de l’OIT et des conventions collectives.

{{Services publics
}}
Les services publics jouent un rôle clé dans la crise financière actuelle parce qu’ils assurent la cohésion sociale et territorial tout en atténuant les effets de la crise et pourraient même jouer un rôle encore plus important. Même les néolibéraux ont reconnu que les services publics sont la fois des « stabilisateurs automatiques » économiques et sociaux. La CES insiste donc sur le fait que le financement des services publics doit être fondé sur des mesures fiscales appropriées, y compris l’introduction de systèmes de taxation progressifs et plus équitables (par ex. taxation des transactions financières) ainsi que l’amélioration de l’efficacité de la perception de l’impôt. Les stratégies de sortie et les ajustements des finances publiques doivent être planifiés sur le moyen et le long terme.

Les services publics sont aujourd’hui confrontés à un double défi : la pire crise depuis les années 1930 et la politique actuellement menée par les institutions européennes qui prône la mise en place de mesures d’austérité. Le secteur public est devenu le moyen ultime pour compenser les déficits budgétaires générés par le sauvetage financier de banques défaillantes. Des réductions drastiques des dépenses publiques sont imposées par plusieurs gouvernements nationaux et cela menace gravement la justice et l’intégration sociales. La Commission européenne met les Etats membres sous pression en accordant la priorité absolue à l’assainissement des finances publiques au détriment de la croissance. Cela ne fera qu’aggraver encore la récession et se traduira par une montée du chômage.

La CES est convaincue que le nouvel article 14 du TFUE, associé au nouveau protocole 26, constitue une obligation à agir. Il est inacceptable que la Commission continue de refuser toute action. La CES demande à la Présidence belge de faire pression sur la Commission pour qu’elle élabore une proposition législative sur la base du nouvel article 14. La précédente demande de « directive cadre » qui était basée sur les règles du marché intérieur (article 114 du TFUE) est dès maintenant remplacée par la nouvelle demande de règlement(s).

Le contenu d’un tel règlement devrait renforcer la « mission de service public » des services publics et stipuler que (1) le pouvoir de définition incombe aux pouvoirs publics locaux, régionaux et nationaux compétents, (2) l’exercice de cette liberté d’appréciation ne devrait pouvoir être remis en cause dans le cadre d’une procédure légale sauf en cas d’erreur manifeste, et (3) la charge de la preuve devrait incomber à la Commission européenne ou tout autre plaignant et non à l’autorité locale, régionale ou nationale. Il est possible d’envisager davantage de dispositions. Les règles de subsidiarité sont essentielles à la création d’un équilibre entre les services publics créés au plan national et les règles européennes en matière de concurrence et le marché intérieur.

Outre les règlements, les Etats membres et les pouvoirs publics locaux et régionaux peuvent (au niveau approprié) mettre en place un registre des services d’intérêt général non-économiques, qui sont exclus de l’application des règles régissant la prestation de services, la concurrence et les aides gouvernementales. Cette nouvelle approche dualiste présente l’avantage de permettre de tenir pleinement compte de la diversité des traditions, cultures, valeurs nationales, etc. et un Etat membre ayant une définition ambitieuse des services publics peut établir une liste plus longue qu’un Etat membre moins ambitieux.

Les directives sectorielles existantes devraient être révisées et améliorées à la lumière des nouvelles dispositions du traité et complétées en particulier par la clause Monti (Règl. CE 2679/98) et une clause sociale. L’objectif de cette clause est d’ancrer les droits fondamentaux dans toute législation portant sur le marché intérieur. Elle garantirait que l’application des libertés économiques fondamentales du marché intérieur n’entrave pas les droits à la négociation collective et le droit de grève tels que définis par la législation nationale.

{{Services sociaux

}}La CES soutient les efforts du Parlement européen et de la Présidence belge visant à améliorer la sécurité, la qualité et la disponibilité des services sociaux d’intérêt général. Les services sociaux font partie d’une « zone grise » qui nuit à l’accomplissement des missions qui leur sont confiées. Ils sont confrontés un niveau croissant d’insécurité, d’incertitudes et de litiges juridiques. Les règlements sur les services de santé et les services sociaux devraient donc pleinement tenir compte des nouvelles dispositions du traité. Une dérogation aux règles du marché intérieur devrait être appliquée en vertu de l’art. 86, paragraphe 2 CE, pour autant que le développement du commerce ne soit pas réellement affecté[[(dans le cas de services sociaux : absence de souci de rentabilité, services de proximité : article 106.2 TFUE : « le développement des échanges ne doit pas être affecté dans une mesure contraire à l’intérêt de l’Union », fonctionnement sur la base du principe de solidarité)]]. Il faut inverser la précarisation larvée des services publics. La décision de la Commission contre les Pays-Bas sur le logement social, qui fixe une limite de revenu (de 33 000 €) et empêche de mélanger des habitants issus de classes sociales différentes, constitue une violation manifeste des règles de subsidiarité et devrait être remise en question. La CES reste sceptique vis-à-vis des cadres volontaires sur la qualité des services sociaux. La qualité du travail, le dialogue social et le financement garanti sont des éléments de stratégies essentiels destinés à promouvoir des services publics de qualité.

{{ {Services de santé
} }}{{
}}En ce qui concerne les services de santé, la CES a dûment pris note de la proposition de directive concernant des services de santé transfrontaliers datant du 2 juillet 2008 et les améliorations qui y ont été apportées, en avril dernier, lors de son adoption en première lecture par le Parlement européen. La balle est maintenant dans le camp du Conseil.

En conséquence, la CES espère avant tout que la Présidence belge confirmera les avancées nées du débat au Parlement, particulièrement au regard de :

- la confirmation des compétences des Etats membres en matière d’organisation de leur système de santé et de définition et de mise en œuvre des conditions d’accès aux services de santé ;
- la limitation de la mobilité transfrontalière à celle des patients ;
le respect de l’égalité de traitement entre les patients nationaux et les patients migrants.

Ces améliorations peuvent en réalité consolider et protéger les systèmes nationaux de santé tout en permettant aux patients d'utiliser leur droit à circuler librement et de leur garantir des services de santé optimums.

Néanmoins, la CES a l'intention de s’assurer de deux nouvelles améliorations majeures : (i) la première concerne la question de l’autorisation préalable. La CES est convaincue que cela doit demeurer la règle lorsque cela est nécessaire parce qu'il s'agit d'un instrument légitime permettant de réglementer l'accès aux systèmes de santé nationaux tout en maintenant leur équilibre financier. En d’autres mots, la CES souhaite que la formulation de l’Article 8 paragraphe 3 du projet de loi soit révisé ; (ii) la seconde amélioration souhaitée par la CES concerne le fondement juridique de la directive qui, selon nous, devrait être complété par une référence à l’Article 168 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, ce qui consoliderait sans équivoque la dimension sociale intrinsèque aux systèmes de santé et ne les confinerait pas seulement aux considérations du marché intérieur.
{{
Réglementation intelligente}}

Dans l’attente de la Communication de la Commission sur une réglementation intelligente prévue pour cet automne, la CES exhorte la Présidence belge à s’assurer que cette nouvelle initiative constituera un véritable effort d'amélioration de la législation et non une réduction de celle-ci.

Pour améliorer la législation existante, la Commission devrait se demander si les actes remplissent leurs objectifs. Toutefois, jusqu’à maintenant, l’objectif de la Commission a été de réduire les procédures administratives des entreprises sans étudier les conséquences sociales de cette démarche. La CES est donc préoccupée des « bilans de la qualité » et des exercices pilotes annoncés par la Commission dans les domaines de l'environnement, du transport, des politiques sociales, des politiques industrielles et des politiques en matière d'emploi afin d'identifier des « charges excessives ».

La CES appelle la Présidence belge à s’assurer que les partenaires sociaux sont bien consultés. Toute révision de la législation régissant les politiques sociales et d'emploi doit impliquer les partenaires sociaux. De plus, les mesures destinées à améliorer la législation ne doivent pas contrecarrer l’objectif de l’acte juridique en question, par exemple en abaissant les normes.
{{
Droit des sociétés

}}La CES a, à maintes reprises, exprimé une vive inquiétude concernant la proposition de la Commission au regard du Statut de société privée européenne. Alors que la CES encourage les initiatives améliorant les conditions du marché pour les entreprises, et se félicite de toute proposition visant à améliorer les performances des PME sur le marché, il est impératif que leur flexibilité ne soit pas être renforcée au détriment du droit qu’ont les travailleurs de siéger au Conseil d’administration de leur entreprise. Une refonte profonde du Statut de SPE proposé est donc nécessaire. Il est notamment essentiel que ce statut s’accompagne de règles régissant les normes minimales concernant la participation des travailleurs. Il est également essentiel que la SPE ne mette pas sous pression les formes juridiques nationales, ainsi que les droits de participation qui leur sont liés. Une dimension transfrontalière et des exigences minimales en matière de fonds propres sont donc des conditions préalables essentielles à la création d’une SPE.

Les discussions concernant le Statut de SPE proposé ont donc à nouveau mis en lumière la nécessité de veiller à ce que les entreprises n’abusent pas des possibilités offertes par le marché intérieur pour échapper aux obligations légales qui leur seraient autrement applicables en vertu du droit national. De ce fait, la CES renouvelle son appel à un débat ouvert avec les partenaires sociaux au regard d’une 14ème Directive « Droit des sociétés » sur le transfert transfrontalier du siège statutaire des sociétés de capitaux afin d’empêcher la création d’entreprises « boîtes aux lettres ». Une telle initiative constitue un préalable indispensable à toute évolution ultérieure du droit européen des sociétés, y compris, notamment à l’adoption du statut de la SPE.

Globalement, la CES recommande une approche plus durable au regard de la participation des travailleurs au droit européen des sociétés. Les entreprises sont de plus en plus internationales et l’Union doit se demander si une rationalisation, au niveau européen, des dispositions régissant la participation des employés peut être obtenue et, si oui, de quelle manière. Cette réflexion ne doit pas être axée vers une atténuation des dispositions nationales existantes mais doit plutôt étudier de quelle manière l'Union pourrait promouvoir des formes de sociétés européennes compétitives et socialement responsables. La CES appelle la Présidence belge à encourager un tel débat avec les Partenaires sociaux européens.
{{
Détachement de travailleurs
}}
Les arrêts de la CJE susmentionnés ont soulevé des questions importantes quant à la manière dont les États membres et les syndicats à travers toute l’Europe seront autorisés à établir et défendre des normes du travail dans l’ère de la mondialisation. Il est capital que les États membres soient autorisés à mettre en œuvre la directive sur le détachement de travailleurs, non seulement en conformité avec leurs traditions nationales, mais également en répondant à ses objectifs initiaux, à savoir renforcer la protection des travailleurs dans le marché unique et garantir un climat de concurrence loyale.

La CES demande instamment à la Présidence belge de l’UE de lancer la révision de la directive sur le détachement des travailleurs afin de restaurer ses objectifs initiaux. La CES va contribuer activement à ce débat. Elle a récemment d’ailleurs formulé des recommandations concrètes en vue de sa révision. Pour la CES, il ne fait aucun doute que, bien que cette Directive ait été adoptée à une large majorité au sein du Parlement européen et du Conseil afin d’empêcher clairement la concurrence déloyale au regard du salaire et des conditions de travail (dumping social), les récents arrêts de la CJE contredisent les intentions initiales du législateur européen.
{{
Sous-traitance
}}
La CES demande instamment aux institutions de l’UE d’adopter toutes les mesures nécessaires pour clarifier les droits et obligations des parties impliquées dans les chaînes de sous-traitance, afin d’éviter de priver les travailleurs de leur capacité à faire valoir efficacement leurs droits, notamment dans les cas de sous-traitance transfrontalière. La CES renouvelle donc son appel à la création d’un instrument européen qui réglemente la responsabilité conjointe et solidaire des entrepreneurs principaux et des intermédiaires, au moins en ce qui concerne le paiement des impôts, des cotisations sociales et des salaires, et demande à la Présidence belge d’apporter son soutien à celui-ci.
{{
Inclusion active

}}La CES demande la mise en œuvre de politiques ambitieuses en matière d’inclusion active au sein de l’Union européenne intégrant des objectifs quantitatifs visant à réduire la pauvreté. L’inclusion active est d’autant plus importante puisque la crise a donné naissance à de nouvelles formes d’exclusion et exposé un grand nombre de travailleurs au risque de sombrer dans la pauvreté. Par conséquent, la CES souhaite que la Présidence belge s’engage à surveiller étroitement les progrès effectués en matière de réduction de la pauvreté en plaçant les gens et les questions sociales au cœur des mesures de lutte contre la pauvreté et à donner la priorité à des systèmes publics de sécurité sociale basés sur la solidarité.

{{Négociations collectives transnationales
}}Les négociations collectives transnationales se sont considérablement développées ces dernières années, en raison de la mobilité accrue des groupes multinationaux dans la nouvelle dimension du commerce mondial. La crise économique actuelle a encore accéléré cette mobilité, comme en témoigne la nouvelle vague de fusions, de restructurations et de délocalisations dans presque tous les domaines de l’industrie européenne : le secteur automobile en particulier et, plus généralement, l’industrie métallurgique mais aussi le secteur bancaire, le bâtiment et le textile.
Les problèmes qui se posent pour l’agenda des négociations concernent la difficulté d’assurer un suivi correct au niveau national, les accords en question n’ayant aucun statut juridique européen. De plus, ni les procédures impliquées dans le lancement de ce processus de négociation à ce niveau, ni l’identité et la représentativité des acteurs à obtenir un mandat et à conclure une convention transnationale ne sont claires. Jusqu’à maintenant, seules la FEM et la FSESP ont adopté des « règles internes » au regard des négociations d’entreprise stipulant des règles de procédures et des mandats de négociation. Les procédures d’appel en cas de non-respect de l’accord transnational ne sont pas claires.
La Commission a inscrit cette question à son Agenda social de 2005, avec l’idée de doter ces accords d’un statut juridique optionnel, si les partenaires sociaux le demandaient. Or depuis, elle a mis de côté certains de ses objectifs, tels que sa volonté de créer un Groupe d'experts. La CES estime que cette initiative est utile, mais considère en même temps qu’elle est inappropriée si l’on garde à l’esprit la valeur stratégique de cette question et les changements qui interviennent actuellement dans ce domaine. La CES est convaincue qu’une initiative politique forte pourrait permettre une fois de plus de lancer le mouvement dans ce domaine.
Directive sur le temps de travail

Après l’échec de la conciliation entre le Parlement européen et le Conseil en 2009, la révision de la Directive sur le temps de travail est revenue au stade où elle était en 2003. La balle est maintenant, et encore une fois, dans le camp de la Commission. Selon la CES, elle devrait en premier lieu prendre des mesures (après avoir refusé de prendre ses responsabilités pendant 9 ans) afin de mettre en œuvre et de faire respecter l’actuelle directive telle qu'interprétée par la CJE. La Cour a en effet confirmé à maintes reprises, dans le cadre d’une jurisprudence constante depuis 2000, que le temps de garde passé sur le lieu de travail doit être considéré comme du « temps de travail » : cela doit être appliqué par tous les moyens disponibles.

Récemment, la Commission a consulté les Partenaires sociaux européens concernant de nouvelles initiatives de révision de cette Directive en suggérant qu'elle soit mise au goût du jour et adaptée aux « besoins modernes » des entreprises et des travailleurs. Selon la CES, toute nouvelle proposition devrait au moins s’assurer que l’« opt-out » est supprimé et que des solutions équilibrées sont élaborées au regard du temps de garde sur le lieu de travail tout en respectant les décisions de la CJE. La DTT devrait être renforcée pour inclure les nouveaux risques liés à l'organisation du travail et du temps de travail. En outre, il est essentiel que la directive sur le temps de travail soit également en mesure de faire face aux défis du XXIème siècle, y compris à la participation accrue des femmes au marché du travail et au vieillissement démographique, ainsi qu’à la nécessité d’adapter l’aménagement du temps de travail aux besoins des travailleurs ayant des responsabilités familiales et des travailleurs âgés.

La directive sur le temps de travail constitue un pilier de l’Europe sociale, mais elle est aussi, au XXIème siècle, un instrument clé de la protection des travailleurs contre les risques de santé et de sécurité découlant d’horaires longs et irréguliers. Cette directive ne doit pas devenir un instrument favorisant la concurrence entre les régimes des différents Etats membres, mais doit au contraire garantir des normes minimales créant des conditions équitables de concurrence au sein de l’UE. La Présidence belge devra jouer un rôle déterminant pour veiller à ce qu’aucune solution simpliste, déséquilibrée ou parcellaire ne soit proposée.
{{
Directive sur la portabilité des droits à pension professionnelle
}}
Sous les deux précédentes présidences de l’UE, aucune initiative n’a été prise dans ce domaine. Néanmoins, les problèmes demeurent et ils nécessitent des solutions rapides si nous souhaitons une mobilité efficace des travailleurs au sein de l'Union européenne.

Selon la CES, les solutions en question devraient couvrir au moins ces trois points : (i) une révision à la baisse des dispositions régissant les périodes minimales d’acquisition des droits (à savoir une période maximale de 2 ans), (ii) l’âge d’inclusion dans les régimes (moins de 21 ans), et (iii) faciliter l’implication des partenaires sociaux dans le suivi des régimes de retraite professionnelle (et ce quel que soit l’organisme gestionnaire).

{{Conciliation de la vie professionnelle, privée et familiale
}}
Le thème de la conciliation de la vie professionnelle, privée et familiale est d’une importance capitale dans le contexte des défis démographiques et économiques auxquels l’Union européenne est confrontée. La Présidence belge est invitée à jouer un rôle proactif, en vertu de sa vaste expérience et de ses succès en la matière, afin de soutenir des politiques et des mesures fortes visant à améliorer l’équilibre entre vie professionnelle et vie familiale, pour les femmes comme pour les hommes. La CES suit attentivement les avancées en matière de révision de la législation de protection de la maternité. La CES est consciente que certaines propositions du PE au sein du Conseil comportent des problèmes majeurs. La Présidence belge devrait soutenir le processus législatif et aider à trouver des solutions appropriées lorsque cela se révèle nécessaire, en tenant compte de la nécessité d’une mise en œuvre effective du droit social fondamental visant à concilier vie familiale et vie professionnelle, prévu à l’article 32, paragraphe 2 de la Charte européenne des droits fondamentaux.

Dans d’autres domaines des politiques de conciliation, tels que la garde d’enfants et les soins aux personnes âgées, la Commission et les partenaires sociaux conviennent que des mesures supplémentaires sont nécessaires aux niveaux européen et national, et que celles-ci devraient être soutenues par le Conseil. Les investissements dans les infrastructures de garde et de soins sont particulièrement importants en cette période de crise économique, afin de préserver les emplois des femmes dans les services publics et privés et de continuer à aider les parents qui travaillent à concilier travail et garde.

Non-discrimination en dehors du marché du travail
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}}Le projet de directive visant à prévenir et combattre la discrimination en dehors du marché du travail couvrant la discrimination en raison de l’âge, de l'orientation sexuelle et de la religion est actuellement débattu par les institutions de l’UE. La CES soutient cette initiative parce qu’elle permettra d’éviter l’existence de règles différentes régissant différents motifs de discrimination, ce qui pourrait donner lieu à des incohérences juridiques et pratiques ou pourrait s'avérer problématique dans les cas de discriminations multiples. Une large directive couvrant tous les motifs mentionnés à l’article 19 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne représenterait un message fort à l’adresse des Etats membres de l’UE et de ses citoyens, selon lequel nous ne pouvons pas construire une société moderne et intégrée sur la discrimination. Avec le vieillissement de la population, la diversité grandissante de nos sociétés en termes d’origine ethnique et de religion et l’intolérance croissante vis-à-vis des gens, fondée sur leur orientation sexuelle différente, des systèmes législatifs cohérents protégeant tous nos citoyens de la discrimination, où qu’ils se trouvent dans l’UE, devraient constituer une cible prioritaire. La CES est en total désaccord avec ceux, à savoir les employeurs, qui déclarent que cette Directive est un « luxe » que les entreprises ne peuvent pas se permettre du fait de la crise économique. L’égalité et la diversité ne représentent pas qu’un coût ou un fardeau administratif, elles constituent aussi un atout potentiel permettant aux entreprises de demeurer ou de devenir plus pérennes et compétitives. La Présidence belge devrait accroître les efforts visant à obtenir le soutien des Etats membres dans ce domaine.
{{
Migration
}}
Au niveau de l’UE, la CES est favorable à une politique globale de migration, d’intégration et de développement, offrant des canaux légaux de migration tout en appliquant et en faisant rigoureusement respecter les normes du travail et en garantissant une égalité de traitement avec les travailleurs locaux.

Le plan d'action du programme de Stockholm qui sera adopté sous la Présidence belge, fixera les priorités pour les politiques migratoires des cinq prochaines années Le nouveau cadre institutionnel mis en place par le Traité de Lisbonne peut offrir les outils nécessaires à l’élaboration d’une politique migratoire équitable et ambitieuse. La CES demande instamment à la Présidence belge de promouvoir une politique migratoire communautaire à la fois ambitieuse et cohérente incluant notamment les éléments suivants :

le code de l’immigration proposé devrait offrir la possibilité de réévaluer les résultats actuels, en vue de les renforcer et de les compléter. La CES est très favorable à un niveau uniforme de droits pour toutes les catégories de migrants. Une simple codification des instruments existants ne serait pas satisfaisante, car elle renforcerait l’actuelle approche à deux vitesses en matière de politique migratoire.
la CES regretterait vivement que la mise en œuvre de l’agenda de Stockholm se concentre sur des mesures répressives concernant l’immigration clandestine, et néglige l’élaboration de politiques migratoires proactives proposant des voies légales de migration et encourageant des politiques d’intégration appropriées.

4. CHANGEMENT CLIMATIQUE ET ENERGIE

{{Politique de l’UE en matière de changement climatique
}}
La CES renouvelle son soutien à une politique climatique européenne ambitieuse d’un point de vue environnemental et socialement durable contribuant à une réduction pouvant atteindre 30 % des émissions d’ici à 2020. Le paquet Changement Climatique de l’UE représente une avancée significative. Toutefois, de nouvelles mesures sociales et professionnelles seront nécessaires pour parvenir au plein-emploi et à des allocations sociales positives. La CES appelle la Présidence belge de l’UE à étudier la possibilité de coupler le Paquet Changement Climatique à « un paquet de transition vers un emploi équitable » qui pourrait inclure :
- un Livre blanc sur le changement climatique, les compétences et les emplois, proposant des solutions pratiques afin de promouvoir une action coordonnée des Etats membres visant à soutenir la formation à de nouvelles compétences dans des secteurs tels que l’efficacité énergétique et les énergies renouvelables et dans tous les autres secteurs majeurs touchés par le changement climatiques (et les politiques connexes) et/ou contribuant aux réductions des émissions, ce qui inclut le transport, le bâtiment, l’agriculture et l’industrie.
- la création d’un fonds européen d’« ajustement à une économie sobre en carbone », en vue du passage à une économie respectueuse de l’environnement, afin de créer des mesures soutenant les ajustements auxquels devront procéder les travailleurs affectés par les mesures liées au changement climatique. Ce fonds serait en partie financé par les revenus tirés de la mise aux enchères des droits.
- une évaluation globale de l’impact du Paquet Changement climatique sur les prix de l’énergie et l’emploi, secteur par secteur, tout en portant une attention toute particulière aux catégories les plus vulnérables de travailleurs et de foyers.
- la création d’un instrument permanent destiné à garantir l’anticipation de la transition socio-économique, en vue de coordonner les instruments existants, tels que les conseils sectoriels, et de renforcer le dialogue entre les partenaires sociaux et les autorités publiques.
- la création d’outils de négociation, en particulier au niveau territorial, permettant de concevoir de nouvelles politiques industrielles contribuant à une économie sobre en carbone.
{{Conférences de la CCNUCC
}}La CES exhorte la présidence belge, puis la future Présidence hongroise de l’UE, à faire tout ce qui est en leur pouvoir pour parvenir à un accord équitable, ambitieux, contraignant et inclusif qui permettrait une réduction, d’ici à 2050, de 85 % des émissions mondiales (par rapport à 1990). Les pays développés doivent montrer l’exemple en matière de réduction des émissions et fixer des objectifs en réduisant, d’ici à 2020, de 25 à 40 % les émissions par rapport au niveau de 1990 conformément aux recommandations du GIEC. Les pays émergents connaissant le développement le plus rapide devraient s’engager à contrôler leurs émissions. De plus, les pays industrialisés doivent s’engager à fournir des fonds, des technologies propres et une formation afin d’aider les pays en voie de développement à remplir ces nouveaux engagements. Le nouvel accord mondial doit explicitement élaborer des mesures de « juste transition » - un investissement dans des nouvelles technologies à faibles émissions de carbone et des emplois décents et respectueux de l’environnement (indemnisation, allocations chômage, protection sociale et droits du travail), des investissements dans une stratégie de formation active en matière de faibles émissions, une économie efficace en termes de ressources (formation, reconversion, formation tout au long de la vie...), des investissements dans le dialogue social permettant de faciliter le processus de transition – et reconnaitre qu’elles sont essentielles à la réalisation des objectifs fixes. Une réorientation fiscale doit avoir lieu dans le cadre d’un système fiscal équitable de redistribution, afin d’assurer un développement durable et de proposer des financements pour les stratégies d’adaptation et d’atténuation des effets des changements climatiques.

Adaptation au changement climatique

L’Europe a besoin d’une stratégie d’adaptation aux inévitables effets des changements climatiques. La Présidence belge devrait exhorter la Commission européenne à formuler des propositions fortes d’aide à l’adaptation en l’incluant à l’ensemble des politiques et programmes européens dont les plans de relance. Des plans sociaux sont nécessaires au niveau sectoriel afin de gérer les inévitables perturbations affectant de nombreux travailleurs, des plans dans le cadre desquels les partenaires sociaux seront pleinement informés.

La Politique énergétique européenne

Peu de progrès ont été réalisés s’agissant de faire avancer la politique énergétique européenne. La CES rappelle une nouvelle fois que l’énergie ne doit pas être laissée aux seules forces du marché. Une véritable politique énergétique industrielle européenne est nécessaire. Elle encouragerait l’investissement dans une infrastructure de distribution intelligente, garantirait les emplois de grande qualité, protégerait les consommateurs vulnérables contre la pauvreté énergétique et garantirait la participation démocratique des acteurs aux régulateurs nationaux et à l’Agence de coopération des régulateurs de l’énergie (ACER).

5. ELARGISSEMENT, RELATIONS COMMERCIALES ET EXTERIEURES

La CES soutient les négociations liées à l’élargissement de l’UE actuellement menées et les considère comme une opportunité unique de diffuser nos valeurs. Toutefois, cela ne doit pas avoir pour conséquence de nuire à notre modèle social, et nous exigeons le respect total des lois et des pratiques de l’Union européenne, en particulier dans le domaine du dialogue social. Les pays candidats doivent satisfaire aux critères d’adhésion que sont le respect de la démocratie et des droits de l’homme, ainsi que le respect et la protection des minorités. La CES espère aussi être consultée lors de l’ouverture du chapitre social des négociations. Nous tenons à souligner qu’en ce qui concerne la Turquie, l’évaluation de la Commission a souligné qu’il devait être mis fin aux graves violations des droits syndicaux si la Turquie souhaite adhérer à l’Union européenne.

La CES estime que les politiques commerciale et de relations extérieures de l’Union européenne devraient contribuer, dans le monde entier, à la croissance durable, au développement du partenariat social et du travail décent, à la promotion de valeurs telles que celles énoncées dans la Charte européenne des droits fondamentaux et au respect universel des conventions internationales, notamment de celles adoptées par l’OIT. La Présidence de l’UE doit réagir rapidement et fermement, en notre nom à tous, face à toutes les violations des droits de l’homme et des droits syndicats quel que soit le pays.

L’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne a des implications majeures pour la politique étrangère de l’Union européenne. La création du poste de Haut Représentant pour les Affaires étrangères – ainsi que celle d’une représentation diplomatique importante à l’étranger par l’intermédiaire du Service européen d’action extérieure - offre des possibilités de faire progresser les objectifs de la CES. Dans les discussions concernant le rôle du Haut Représentant et du SEAE, et leur relation avec la Commission et le Conseil, la CES tient à souligner que ces innovations doivent servir l’Union européenne dans son ensemble, et ne doivent pas refléter les approches intergouvernementales. La CES demande notamment l’inclusion de conseillers en matière de travail et d’emploi, issus notamment des rangs des partenaires sociaux, au sein des principales représentations de l’Union européenne dans le monde, devant rendre des comptes à la Commission.

Le Traité de Lisbonne place la politique commerciale sous la même rubrique d’action extérieure de l’UE que les autres éléments de la politique extérieure européenne, et étend de manière significative les nouveaux pouvoirs conférés au Parlement européen dans le domaine du commerce. Ces avancées devraient améliorer la cohérence des politiques commerciale, extérieure, de développement et d’emploi de l’Union européenne, en vue d’atteindre nos objectifs plus larges, notamment l’inclusion de chapitres forts en matière de développement durable, y compris les normes sociales et environnementales, dans l’ensemble des accords commerciaux et d’association de l’Union européenne, moyennant des dispositions efficaces destinées à assurer leur mise en œuvre ainsi que la participation des partenaires sociaux.

La CES soutient la promotion de l’intégration régionale, liée à des garanties sociales, dans les accords d’association, notamment avec l’Amérique centrale et la Communauté andine. Nous sommes préoccupés par le fait que, dans ce dernier cas, des négociations bilatérales en vue d’accords de libre-échange ont été entreprises après l’échec des négociations unifiées avec la Communauté. Nous continuerons à nous opposer fermement à la conclusion d’un tel accord avec la Colombie au moins tant que les violations des droits de l’Homme et des droits syndicaux ne feront pas l’objet d’une enquête approfondie.

Nous espérons que l’Union européenne va approfondir et élargir ses relations avec l’administration américaine, s’agissant notamment de chercher à élaborer des positions solides en matière de changements climatiques, ainsi que dans le contexte de la crise financière. Nous nous félicitons des mesures prises récemment en vue de conférer à la CES et à l’American Federation of Labor-Congress of Industrial Organizations (AFL-CIO) un statut équivalent à celui dont bénéficient les employeurs dans le cadre du Conseil économique transatlantique, dont l’agenda devrait être élargi et revêtir un caractère plus stratégique. La CES, conjointement au Congrès du Travail du Canada, insiste pour être informée et consultée des discussions actuellement menées concernant un partenariat économique plus étroit.

Nous espérons être consultés dans le cadre des réunions officielles du Forum Europe-Asie (ASEM) durant cette période.

Si les négociations du cycle de Doha redémarrent, nous insistons pour que la déclaration ministérielle finale de l’OMC mentionne un programme de travail de suivi sur le thème du commerce et de l’emploi qui inclurait les relations entre le commerce, le travail décent, les normes fondamentales du travail et le développement et serait placé sous la supervision d’un comité ou d’un groupe de travail de l’OMC.