Un cadre financier pluriannuel 2028-2034 qui protège les travailleurs et favorise l'investissement, la justice sociale et la transition juste

Un cadre financier pluriannuel 2028-2034 qui protège les travailleurs et favorise l'investissement, la justice sociale et la transition juste

Adoptée à la réunion du Comité exécutif des 19 et 20 novembre 2025

 

En juillet 2025, la Commission européenne a présenté une série de propositions visant à réformer en profondeur la structure, la mission et la gouvernance du CFP. La CES exprime sa profonde préoccupation quant au fait que ces propositions réduisent les ressources disponibles pour les travailleurs, compromettent l'efficacité des politiques sociales, ne comblent pas les lacunes en matière d'investissement et diminuent la pertinence du dialogue social. La CES regrette également que des pouvoirs discrétionnaires plus importants aient été accordés aux gouvernements nationaux au détriment des régions et des acteurs locaux. Des inquiétudes ont également été exprimées concernant l'augmentation des dépenses militaires au détriment des objectifs de cohésion sociale et de durabilité. Cela nuira aux services sociaux et publics, avec un impact potentiel sur les niveaux d'emploi.

Le CFP est au cœur de l'action politique de l'UE. Si le marché unique est conçu comme le moteur économique de l'économie européenne, le CFP est sans aucun doute associé à la solidarité et à la cohésion. La prospérité et la compétitivité, associées à la solidarité et à la justice sociale, sont elles-mêmes des moteurs de la compétitivité, de la cohésion et de la durabilité. Malheureusement, si les propositions de l'UE sont adoptées telles qu'elles sont actuellement prévues, elles continueront à privilégier la croissance économique au détriment de la justice sociale, et pourraient même affaiblir davantage ces deux aspects.

C'est pourquoi, lorsqu'elle plaide en faveur d'une réforme du CFP, la CES fonde ses revendications sur le principe selon lequel une augmentation du budget de l'UE devrait renforcer considérablement le potentiel de solidarité et de cohésion de l'Union. Nous attendons un budget européen qui tienne compte des questions de genre, inclue les jeunes générations et soit résolument orienté vers le soutien aux travailleurs grâce à des transitions professionnelles équitables.

La proposition relative au CFP fera l'objet de longues négociations entre les législateurs de l'UE. Il est important que le CFP ne serve pas les intérêts des entreprises, mais reflète plutôt l'ambition de l'UE en matière d'économie durable et de progrès social. La CES et ses affiliés agiront de manière coordonnée pour concentrer leurs efforts de plaidoyer, de négociation et de lobbying sur :

  • Le FSE en tant que fonds dédié et identifiable. La CES demande que le FSE+ soit maintenu en tant que fonds distinct et identifiable, avec des ressources garanties et accrues, au-delà de la part actuelle de 14 % des allocations aux dépenses sociales dans le règlement PNR. La CES demande donc que, outre le maintien du FSE en tant que fonds distinct et doté de ressources suffisantes, l'exigence de 14 % de dépenses sociales soit strictement appliquée tant aux plans de partenariat nationaux qu'au Fonds européen pour la compétitivité, afin de garantir une augmentation globale significative des ressources consacrées aux politiques sociales. Les 14 % de ressources allouées aux « dépenses sociales » laissent une marge de manœuvre importante quant à leur destination et leur montant effectif, tandis que les programmes de l'UE peuvent garantir une alignement total avec le plan d'action EPSR, y compris ses objectifs d'éradication de la pauvreté et d'inclusion sociale, et la feuille de route pour des emplois de qualité. Les mesures sociales prévues dans les règlements du CFP devraient être revues afin de mieux répondre aux défis du marché du travail, en mettant particulièrement l'accent sur la promotion de véritables négociations collectives et l'extension de la couverture des conventions collectives signées par des partenaires sociaux représentatifs.

  • Conditions sociales. La CES invite les législateurs à introduire des conditions sociales strictes dans tous les instruments financés au titre du CFP, préservant ce qui existe aujourd'hui dans la PAC et l'étendant au Fonds européen pour la compétitivité. Des clauses sociales horizontales, comparables au mécanisme de l'État de droit, doivent également être introduites. Les conditions sociales doivent promouvoir des emplois de qualité et la négociation collective, et garantir le respect des droits fondamentaux, des conventions collectives et des conditions de travail décentes. (Politique industrielle pour des emplois de qualité - Conditions sociales pour le progrès social | CES).

  • Volume du CFP et ressources propres. La CES demande une augmentation substantielle du volume global du CFP, avec des dépenses en matière de cohésion sociale, territoriale et économique clairement renforcées et stables dans le temps. La CES exhorte les États membres à faire preuve d'ambition dans l'adoption de la décision relative aux ressources propres telle que proposée par la Commission et insiste sur le fait que toutes les composantes de la société (y compris les entreprises et les personnes les plus riches) doivent supporter une part équitable de la charge financière. À cet égard, la CES se félicite de la proposition CORE. Si aucun consensus ne peut être trouvé au sein du Conseil, la Commission devrait présenter des alternatives crédibles, telles qu'une taxe sur les services numériques ou une taxe sur les bénéfices exceptionnels, afin de garantir un financement durable du budget de l'UE. Les nouveaux instruments fiscaux relevant des ressources propres doivent systématiquement anticiper les répercussions sectorielles et sur l'emploi et intégrer dès le départ des mesures de transition juste, tout en veillant à ce que les recettes qu'ils génèrent soient directement réinvesties dans les objectifs qu'ils sont censés soutenir, notamment la transformation industrielle et la décarbonisation.

  • Plus d'investissements. Les investissements nécessitent un effort financier plus important, notamment par une utilisation plus structurée de la dette commune émise par l'UE, à l'instar du mécanisme SURE. La CES se félicite de la possibilité pour l'UE d'emprunter afin d'apporter une aide financière aux États membres sous la forme des nouveaux instruments de prêt « Catalyst Europe » et « Crisis Response Mechanism », mais souligne que leur portée reste insuffisante pour répondre aux besoins d'investissement de l'UE. La CES propose donc la création d'une véritable facilité d'investissement de l'UE financée par la dette commune, englobant les fonctions d'investissement du Mécanisme européen de financement de la cohésion (ECF).

  • Non à la centralisation. La CES s'oppose fermement au projet actuel de fusionner les ressources destinées à la politique de cohésion, à la PAC, à la pêche, à la migration et à la sécurité en un seul fonds, car une telle fusion pourrait créer d'importants conflits de répartition, les objectifs de cohésion, de développement social et rural risquant d'être évincés par les priorités à court terme en matière de sécurité et de migration. Une révision approfondie des PNRP doit garantir l'autonomie et la prévisibilité des fonds de cohésion.

  • Plus de solidarité et de progrès social. La CES demande la suppression de l'approche « de l'argent contre des réformes » qui lie le versement des financements du CFP aux réformes découlant du pacte de stabilité et de croissance réformé.  Alors que la CES continue de plaider et de faire pression pour que le semestre contribue au progrès social et à la création d'emplois de qualité, les règles budgétaires imposent des limites et des compromis politiques qui poussent les États membres à mettre en œuvre des réformes pénalisant les travailleurs, et le lien avec le CFP doit être évité. Les dépenses devraient être fondées sur les principes de solidarité et de besoins, avec des ressources plus importantes allouées aux régions et aux groupes les plus démunis. Les régions en transition devraient bénéficier d'un soutien spécifique.

  • Équité dans le FEC. La stratégie de réduction des risques du FEC transfère les risques des investisseurs privés vers le budget public par le biais de financements mixtes et de garanties. La CES met en garde contre le fait que cela pourrait conduire à la privatisation des infrastructures et des services publics. En l'absence du FST et du FEM, la CES demande qu'au moins 14 % des ressources du FEC soient consacrées à la transition juste, en soutenant la reconversion et le perfectionnement des travailleurs touchés par les mutations industrielles. Le FCE doit appliquer des critères de convergence, et pas seulement des critères d'excellence, afin que toutes les régions puissent accéder au financement et que la compétitivité serve également le renouveau industriel local. Cette approche doit refléter l'idée d'Enrico Letta du « droit de rester », qui permet aux travailleurs et aux communautés de construire un avenir durable dans leur propre région. 

  • Le dialogue social est négligé. La CES insiste sur le fait que le futur CFP doit :

    - Garantir la pleine participation des syndicats à la gouvernance du CFP et aux programmes financés.

    - Reconnaître la valeur spécifique et le rôle démocratique du dialogue social et prévoir qu'au moins 1 % des dépenses sociales soient consacrées au renforcement des capacités des partenaires sociaux dans chaque État membre.

    - Garantir la représentation syndicale au sein du comité consultatif des parties prenantes de l'ECF.

  • La CES demande également que la participation des partenaires sociaux, qui n'a pas été satisfaisante au cours du cycle actuel, soit encore renforcée. Un principe de partenariat plus fort et plus efficace est nécessaire, en particulier dans le cadre proposé, qui risque d'être très fragmenté.