Résolution sur la stratégie énergétique pour l'Europe 2011-2020

Bruxelles, 01-02/12/2010

Préambule

L’objectif de cette résolution est de donner un socle à la CES et à ses fédérations pour mener une campagne sur l’énergie dans les prochains mois. Ceci s’avère nécessaire au vu de l’agenda européen. En effet, le 3 décembre 2010, le Conseil Energie de l’Union Européenne se penchera sur la stratégie énergétique pour l’Europe 2011-2020. Ce point sera également à l’ordre du jour du Conseil Européen des chefs d’Etats du 4 février 2011 et fera l’objet de décisions stratégiques importantes en 2011. Il est donc fondamental que la CES puisse en temps utiles faire entendre ses préoccupations ainsi que ses propositions.
Alors que la résolution offre une analyse et des propositions détaillées, le dernier chapitre reprend 20 priorités de la CES pour la politique énergétique de l’Union Européenne à l’horizon 2020, afin de faciliter la communication de la CES et de ses fédérations au cours de cette campagne.
Introduction
La stratégie énergétique pour l’Europe pour la période 2011-2020 posera les jalons des futures activités de l'UE dans ce domaine politique, étroitement lié à l'économie, à la société et à l'environnement.
La CES considère que le débat actuel sur l’avenir de la politique énergétique offre une occasion de créer une économie à faibles émissions de CO2, durable aux plans social et environnemental,[[Résolution de la CES sur un nouveau deal durable pour l’Europe et dans la perspective du sommet de Cancún : p. 1]] par le biais de régulateurs démocratiquement contrôlés garantissant des prix abordables pour tous, la sureté et sécurité des approvisionnements, la maîtrise de la demande et des emplois décents. Nos membres, tant comme travailleurs que comme consommateurs, comprennent l’importance pour l’économie d’une énergie sure, fiable, durable et accessible pour les entreprises et les communautés. Nos emplois et nos communautés dépendent de politiques claires garantissant que l’énergie soit considérée comme un service d’intérêt général.

Dans cette optique, une politique énergétique européenne cohérente est une condition essentielle pour opérer une transition juste vers une économie à faibles émissions de CO2. De plus, l’énergie est à la fois une source importante d’émissions de gaz à effet de serre et l’un des principaux facteurs de production de l’industrie européenne.
Nos entreprises font face à la concurrence sur des marchés fortement mondialisés. Dans un contexte économique fragile, la reprise de l’industrie européenne risque d’être compromise par une hausse rapide des prix de l’électricité, des perturbations de l’approvisionnement énergétique et des augmentations exorbitantes des prix internationaux des matières premières de base. L’avenir de nos entreprises dépend de prix de l’électricité abordables. Des prix plus élevés ont toutefois entraîné des améliorations de l’efficacité énergétique dans l’industrie européenne, qui ont contribué à la réduction des émissions et à l’investissement dans l’innovation.
La CES considère que des factures d’énergie compétitives, grâce à des prix régulés et à des politiques et mesures permettant davantage d’efficacité énergétique, sont un élément essentiel pour améliorer les perspectives d’avenir et les possibilités de transformation des entreprises européennes vers des modes de production et des emplois plus respectueux de l’environnement pour les travailleurs de l’industrie manufacturière en Europe. Par conséquent, les propositions suivantes de la CES visent à concilier la réduction des émissions et la compétitivité des factures d’énergie.
Les prix de l’énergie vont inévitablement augmenter. Des investissements importants dans les infrastructures énergétiques (remplaçant et rénovant d’anciennes capacités de production, de nouvelles capacités (durables), des adaptations des infrastructures aux différentes sources énergétiques, la prise en compte de la contribution de l’utilisation de l’énergie aux émissions de gaz à effet de serre, la concurrence accrue pour l’accès aux énergies et la raréfaction des ressources telles que le pétrole et le gaz contribuent à l’augmentation des prix.
C’est pourquoi il est nécessaire d’élaborer des politiques et de prendre des mesures pour améliorer l’accès à l’énergie pour tous, éviter les conséquences sociales négatives de la hausse des prix de l’énergie pour les consommateurs et garantir que le montant de la facture énergétique ne soit pas un obstacle à la satisfaction de leurs besoins fondamentaux liés au chauffage, à l’éclairage et à la mobilité. Des prix régulés garantiront qu’ils ne payent pas trop cher l’électricité, le gaz et d’autres combustibles.
La CES demande une politique énergétique européenne efficace, y compris la mise en place en Europe d’un réseau intelligent de production et de distribution d’électricité et de gaz, sur la base d’un bouquet énergétique durable, pour garantir la sécurité de l’approvisionnement à un coût abordable pour les entreprises et les ménages. Ceci suppose un réexamen de la stratégie de la Commission sur la libéralisation des marchés de l’énergie, le rôle accru des pouvoirs publics nationaux et des institutions européennes sur les marchés de l’énergie, par l’intermédiaire d’une Agence européenne de l’énergie, la planification et la mise en œuvre de nouveaux projets ambitieux de production d’énergie au plan national, pour garantir l’approvisionnement en électricité à long terme et l’investissement dans l’efficacité énergétique, le développement des technologies énergétiques, la gestion des mutations industrielles et l’anticipation des évolutions sociales qui en résulteront.

1. Augmenter les économies d’énergie et l’efficacité énergétique



Dans son document d’inventaire « Towards a new Energy Strategy for Europe 2011-2020 », la Commission européenne identifie la sous-utilisation du potentiel en matière d’économies d’énergie comme l’un des principaux défauts du Plan d’action pour l’efficacité énergétique qu’elle a lancé en 2007.[[Commission européenne (2010) : Stock taking document: Towards a new Energy Strategy for Europe 2011-2020, http://ec.europa.eu/energy/strategies/consultations/doc/2010_07_02/2010_07_02_energy_strategy.pdf, p. 5]]
Dans ce contexte et pour parvenir à diminuer la consommation européenne d’énergie primaire d’au moins 20 % au cours de la prochaine décennie[[Manifeste de la Spring Alliance : p. 11]] avec des objectifs séparés pour chaque Etat membre, la CES appelle à la fixation pour chaque État membre d’un objectif contraignant en matière d’économies d’énergie[[Position de la CES sur le paquet « changement climatique et énergie » (2008) : point 3]], une position soutenue par une étude récemment publiée par un groupe de chercheurs allemands et néerlandais, qui considèrent l’imposition d’objectifs contraignants comme étant une mesure indispensable à la réussite du plan d’action à l’horizon 2020.
Il serait en outre possible de parvenir à une plus grande réduction de la consommation d’énergie ainsi qu’à une meilleure efficacité énergétique en mettant sur pied un programme de transformation similaire à celui proposé dans le Manifeste de la Spring Alliance.
Une réorientation des fonds structurels et de la politique d’attribution de la Banque européenne d’investissement (BEI) et l’emploi des recettes provenant de la mise aux enchères des droits d’émission accroîtrait considérablement la base financière qu’il serait possible d’affecter aux économies d’énergie.
La CES propose également de lancer une initiative financière européenne en faveur de la croissance durable, en vertu de laquelle la BEI lèverait des fonds sur le marché international des obligations et les prêterait (en supplément de subventions gouvernementales) aux acteurs investissant dans les économies d’énergie et la protection contre le changement climatique. Cette initiative augmenterait temporairement les déficits publics mais apporterait énormément d’avantages : création d’emplois, stabilisation économique, augmentation du pouvoir d’achat et de la qualité de vie des citoyens[[Position de la CES sur le paquet « changement climatique et énergie » (2008) : point 2]].
Il serait qui plus est possible de promouvoir les économies d’énergie en établissant et en surveillant l’application d’exigences européennes d’efficacité énergétique minimale des systèmes et équipements de chauffage et d’air conditionné ainsi qu’en appliquant à ceux-ci le concept de meilleure technologie disponible[[Manifeste de la Spring Alliance : p. 11]] et en encourageant des modes de production et de consommation durables. La CES a soutenu l’intégration de critères sociaux et environnementaux dans les marchés publics (travaux, biens et services) et demande à la Commission Européenne de développer un cadre avec les partenaires sociaux, visant à préciser comment de tels critères incluant l’énergie et l’efficacité énergétique peuvent être utilisés dans les contrats publics.
L’énergie et l’industrie
Le prix de l’énergie est un facteur de production important pour les entreprises en Europe et doit être pris en considération. Il convient de noter que plusieurs branches de l’industrie (tel que la sidérurgie, l’aluminium et le papier) situées en dehors de l’Europe bénéficient de prix de l’énergie qui sont moins élevés qu’en Europe.
Une augmentation considérable du prix de l'énergie en Europe pourrait par conséquent fortement affaiblir la compétitivité et avoir des conséquences négatives supplémentaires sur l’emploi. C’est pourquoi des factures énergétiques compétitives devraient être garanties par :
La régulation, les régulateurs devant contrôler les prix de sorte à garantir un retour sur investissements reflétant les coûts et évitant des profits excessifs ;
Des politiques et mesures garantissant que les nécessaires investissements permettant l’amélioration de l’efficacité énergétique se fassent dans les secteurs industriels, leur permettant de diminuer leurs factures énergétiques du fait de moindres volumes d’énergie nécessaires à leur fonctionnement en découlant ;
Des politiques et mesures aidant au développement par les industries d’unités de cogénération de chaleur et d’électricité, ainsi qu’à leur accès à des ressources énergétiques et à des unités de production d’électricité décentralisées dédiées, notamment parce que le processus de libéralisation n’a pas débouché sur des prix compétitifs.[[CES et al.: Le changement climatique, les nouvelles politiques industrielles et les sorties de crise, p. 15]] C’est pourquoi nous sommes pour une économie sociale du marché énergétique régulé.
Il convient par ailleurs de réaliser une triple analyse avant de procéder à la fermeture des entreprises menacées par les défis de la transition vers une économie à faibles émissions de CO2. Cette analyse doit notamment aborder les aspects sociaux, énergétiques, technologiques et environnementaux, afin de déterminer quelles sont les adaptations technologiques nécessaires aux entreprises et aux secteurs menacés. Ces informations doivent être utilisées pour accroître les connaissances sur les exigences que suppose la transition vers une économie à faibles émissions de CO2 pour les entreprises, pour permettre la protection de l’emploi (y compris la protection sociale et les revenus) au cours de ce processus, la création d’emplois de qualité en Europe, la lutte contre la pauvreté et la réduction des inégalités.
L’un des principaux enjeux de la transition vers une économie à faibles émissions de CO2 est la réduction de la perte de compétitivité à court terme, imputable, par exemple, à des prix de l’énergie plus élevés suite à la fixation d’un prix intérieur du carbone. Afin d’éviter les effets négatifs des « fuites de carbone » sur la croissance et l’emploi en Europe, les obligations de lutte contre le changement climatique doivent prévoir des mesures fermes pour améliorer la compétitivité internationale.
Ces dispositions doivent comprendre notamment le dialogue social entre les pouvoirs publics, les entreprises et les syndicats aux plans national et européen, l’investissement dans les méthodes de production à faibles émissions de CO2 et l’enseignement et la formation. La recherche d’accords sectoriels internationaux est la principale solution, mais la traçabilité du carbone constitue une condition technique de leur mise en place et représente une puissante incitation à leur mise en œuvre.[[Résolution de la CES (2009): Le changement climatique, les nouvelles politiques industrielles et les sorties de crise, pp. 5-6 ]]
En coordination avec les plans de relance européens et suite à une révision du système communautaire d’échange de quotas d’émission, un programme de transformation doit encourager les investissements dans de nouvelles politiques industrielles. Ce programme doit soutenir les entreprises qui :
Mettent en œuvre d’autres solutions à faibles émissions de CO2 sur la base des meilleures technologies disponibles;
Réduisent leurs besoins énergétiques et par conséquent leurs factures énergétiques et leurs émissions de gaz à effet de serre ;
Conservent leur compétitivité en conséquence ;
Investissent dans la R&D dans le domaine des technologies durables ;
Investissent dans des programmes de formation pour les travailleurs afin d’adapter leurs compétences à l’évolution technologique ;
Créent des emplois et des services nouveaux et de qualité qui contribuent au développement durable.[[Spring Alliance : Manifeste, p. 8.]]

L’énergie dans le secteur du bâtiment
Une autre avancée importante pourrait être obtenue en augmentant les investissements dans les mesures d’économies d’énergie telles que l’isolation des bâtiments. Une étude réalisée par la European Climate Foundation a démontré que la Hongrie pourrait réduire de 85 % ses besoins en énergie de chauffage si elle procédait au lancement d’un vaste programme de modernisation de ses maisons [[European Climate Foundation (ECF) (2010) : Employment Impacts of a Large-Scale Deep Building Retrofit Programme in Hungary. Executive Summary, p. 3 ]], un chiffre qui révèle l’ampleur du potentiel d’économie dont pourraient bénéficier les ménages vulnérables si de telles mesures étaient appliquées aux logements sociaux.
Par ailleurs, l’Alliance allemande pour le travail et l’environnement constitue un exemple de mise en œuvre effective des moyens permettant de renforcer l’efficacité énergétique dans le secteur du bâtiment. Cette alliance a rassemblé des représentants des pouvoirs publics, des ONG environnementales, des organisations syndicales et patronales, qui ont étudié les possibilités et les exigences en termes de technologie et de compétences pour le réaménagement des bâtiments. « Le programme a contribué au réaménagement de 342 000 appartements, où l’isolation des toits, des fenêtres et des murs a été améliorée, des systèmes de chauffage et de ventilation perfectionnés ont été mis en place et des équipements alimentés aux énergies renouvelables ont été installés. Sur la période 2001-2006, 5,2 milliards de subventions publiques ont stimulé un investissement total de 20,9 milliards de dollars, créant ou préservant environ 140 000 emplois. Le dispositif a permis de réduire de 2 % environ les émissions annuelles en provenance des bâtiments. Près de 4 milliards de dollars des apports du secteur public ont été récupérés par l’impôt et les prestations de chômage évitées. En 2005, les pouvoirs publics ont accru leur financement au programme pour le porter à près de 2 milliards de dollars par an. Ainsi, 145 000 emplois supplémentaires équivalent plein temps ont été créés en 2006. Le réaménagement des bâtiments est devenu l’un des éléments essentiels de la stratégie du gouvernement allemand, qui vise à réduire les émissions de 40 % d’ici à 2020. »[[Green Jobs: Towards decent Work in a sustainable, low-carbon world. Policy messages and main findings for decision makers, http://www.ilo.org/wcmsp5/groups/public/---dgreports/---dcomm/---webdev/documents/publication/wcms_098487.pdf, p.23]]
La CES demande la mise en place d’un tel programme pour l’entièreté du parc immobilier européen afin de parvenir à une réduction rapide et considérable de la consommation d’énergie pour le chauffage et le conditionnement d’air tout en fournissant une aide ciblée au logement pour les personnes vivant dans la pauvreté et en promouvant les villes denses. Ces mesures doivent être soutenues par des services qui valorisent les comportements favorisant l’efficacité énergétique des clients, sous la responsabilité des villes et des communes. Elles doivent également être soutenues et accompagnées par le dialogue social, la négociation et les conventions collectives, afin de créer des emplois de qualité dans les secteurs concernés.
La CES réaffirme par conséquent la position qu’elle a déjà émise en tant que membre de la Spring Alliance, à savoir qu’il est nécessaire « d’établir à l’échelle européenne une norme minimale spécifiant que tous les nouveaux logements devront être passifs ou à énergie positive d’ici à 2015 » et appelle à la mise en place d’un programme de rénovation de l’ensemble du parc immobilier en vue réduire rapidement et significativement la consommation d’énergie dédiée au chauffage et à l’air conditionné ; ce programme devra par ailleurs apporter une aide ciblée aux personnes pauvres et privilégier le modèle de villes compactes[[Manifeste de la Spring Alliance : p. 11]]. Ces mesures devront être soutenues par des services faisant la promotion des comportements « basse consommation » auprès des consommateurs dépendant des municipalités[[Dupressoir (2010) : Impact of climate change on public services in Europe. Projet FSESP (version définitive) : 37. Manifeste de la Spring Alliance : p. 21]]. En outre, la Directive sur l’efficacité énergétique des bâtiments, qui fixe des normes minimales pour les nouveaux immeubles à partir de 2020, devrait être étendue pour également couvrir les immeubles existants, comme cela a été proposé par le Parlement Européen dans sa position sur le projet de directive.
Énergie et mobilité
La mobilité et le transport doivent être appréhendés comme un système cohérent, structuré pour répondre à des besoins particuliers. Les zones urbaines et les régions rurales ont différentes exigences de mobilité. Ceci implique que les coûts de la mobilité ne deviennent pas prohibitifs en raison des prix de l’énergie. Les systèmes de transport individuels et collectifs doivent être repensés en tenant compte de cet aspect. Des investissements sont à la fois nécessaires dans la mobilité et l’amélioration de l’efficacité des moteurs à combustion interne.
Il est nécessaire d’investir plus dans les transports publics pour réduire la facture énergétique des ménages à faibles revenus[[Position de la CES sur le paquet « changement climatique et énergie » (2008) : point 5 ]]. La promotion du covoiturage permettrait par ailleurs de réduire les coûts liés à la mobilité des travailleurs qui doivent utiliser leur voiture en raison de leur horaires ou des insuffisances de l’infrastructure.
La CES estime également qu’il est nécessaire de créer un réseau transeuropéen de transport qui donnerait la priorité aux projets liés à la prévention du changement climatique (ferroutage, liaisons fluviales). Il convient d’étudier la possibilité de financer ces projets par une nouvelle taxe européenne sur le transport maritime à fort tonnage et le kérosène utilisé dans l’aviation civile[[Résolution de la CES (2006) : Lutter contre le changement climatique : une priorité sociale, des pistes pour l’action : point 21]].{{
}}Il est par ailleurs nécessaire de privilégier les transports collectifs, de préférence gérés par le secteur public afin d’en garantir la qualité et la disponibilité, afin de réduire les dépenses en énergie des ménages à faibles revenus[[Position de la CES sur le paquet « changement climatique et énergie » (2008) : point 4]].
Des investissements publics dans les nouvelles technologies de réseaux sont nécessaires pour garantir que le transport par rail et par route électrifié contribue efficacement à la réduction des émissions.[[Fédération internationale des ouvriers de transport (2010): Travailleurs des transports et changement climatique: Vers une mobilité durable, sobre en carbone, http://www.itfcongress2010.org/files/extranet/-2/FRA/24239/10Fr-42%20C-Climate%20Change%20Discussion%20Document.pdf, p.45]]
Ces mesures ambitieuses dans le secteur des transports doivent être inclues dans la législation européenne par le biais d’une directive portant sur la mobilité durable.[[Résolution de la CES (2009): Sur le changement climatique, les nouvelles politiques
industrielles et les sorties de crise, p. 9]]
2. Protéger les consommateurs d’énergie vulnérables
La CES appelle à la prise de mesures visant à neutraliser les effets sociaux négatifs de la hausse des prix de l’énergie, la priorité allant à la réduction des besoins en énergie par l’investissement dans l’efficacité énergétique des logements sociaux et à la fourniture d’alternatives basse énergie abordables pour les consommateurs vulnérables.
La CES demande à la Commission d’évaluer les conséquences sociales du paquet « changement climatique » dans le contexte de la libéralisation des marchés du gaz et de l’électricité ainsi que son incidence sur les consommateurs vulnérables et les obligations des services publics en matière d’électricité[[Résolution de la CES (2008)]], surtout au regard de la hausse de 15 à 20 % des prix de l’électricité que son introduction pourrait provoquer d’ici 2020[[Position de la CES sur le paquet « changement climatique et énergie » (5) : point 5 ]]. {
}Il est indispensable de prévoir des tarifs sociaux afin de garantir à tous les citoyens vivant en Europe un accès aux services énergétiques essentiels, et par conséquent de faire respecter les exigences prévues par les directives sectorielles existantes en termes d’accès universel et abordable à ces services, notamment en y ajoutant des dispositions concernant l’accès à un « service énergétique minimum » visant à prémunir les plus pauvres contre les coupures d’énergie. Pour garantir la qualité des services énergétiques, il est nécessaire de modifier les règles européennes relatives aux marchés publics et d’y inclure des critères de qualité contraignants. En outre, la CES demande que soit mise en œuvre la demande du Parlement européen concernant l’évaluation de l’incidence de la libéralisation et de la privatisation sur les services essentiels ; une analyse qui devra impliquer tous les acteurs, y compris et en particulier les utilisateurs[[Manifeste de la Spring Alliance : p. 17]].
Les Plans d’action nationaux pour l’efficacité énergétique doivent par ailleurs prévoir plus de mesures visant à réduire la « pauvreté énergétique » ; mesures qui pourraient être rendues plus efficaces par une meilleure coordination avec les Plans d’action nationaux pour l’inclusion et la protection sociales[[Manifeste de la Spring Alliance : p. 18]].
3. Moderniser le réseau
La CES réaffirme la position inscrite dans le Manifeste de la Spring Alliance relativement à l’adoption d’un « cadre réglementaire et financier destiné à promouvoir le renforcement de la capacité des réseaux intelligents afin de favoriser les économies d’énergie et de permettre une contribution optimale des énergies renouvelables de la production décentralisée et de la production combinée de chaleur et d’électricité »[[Manifeste de la Spring Alliance : p. 12]]. La CES est aussi en faveur d’une forte propriété publique des réseaux de transport d’électricité. En effet, depuis le 19ème siècle, nous savons que les investissements à moyen et long terme dans le cadre de rendements croissants favorisent les groupes oligopolistiques.
Outre des investissements accrus dans les réseaux centraux et décentralisés, il est également nécessaire d’accroître les investissements dans le stockage de l’énergie, afin de permettre au réseau de faire face aux variations résultant d’un apport plus important des énergies renouvelables dans le réseau. Une attention prioritaire accordée à la promotion de la production à partir du gaz et de la cogénération permettrait également d’améliorer l’ajustement de la production d’électricité à ces fluctuations et de renforcer la sécurité de l’approvisionnement. L’ajustement de la production d’électricité entre les marchés nationaux doit être encouragée de sorte à utiliser les moyens de production les plus durables pendant les pointes.
Les compteurs intelligents, associés à des réseaux intelligents, sont souvent présentés comme un instrument nécessaire pour encourager les économies d’énergie dans les ménages particuliers. La CES considère qu’il n’appartient pas aux consommateurs de supporter les coûts de cet investissement, directement ou indirectement, et que les mesures adoptées doivent garantir la protection de la vie privée des consommateurs. La CES demande une évaluation complète de l’impact des compteurs intelligents, y compris l'incidence sur l’emploi, l’efficacité énergétique et l’accessibilité universelle.
4. Diversifier les sources d’énergie et garantir la sécurité d’approvisionnement
L’Europe doit assurer son indépendance énergétique et diversifier ses sources énergétiques, par une planification stratégique et par un rééquilibrage ambitieux en faveur des énergies renouvelables, au détriment des énergies fossiles.[[Résolution de la CES (Mars 2006): 6]] Dans ce cadre l’Union européenne doit s’atteler aux défis auxquels sont confrontés les nouveaux Etats membres.

La Spring Alliance a appellé à ce que la part des énergies renouvelables soit portée de manière contraignante à 35 % de l’offre d’électricité à l’échelle européenne d’ici à 2020 et à la promotion de la décentralisation de la production et de la consommation d’électricité, de chauffage et d’air conditionné[[Manifeste de la Spring Alliance : p. 12]].
La CES rappelle que des investissements énormes et immédiats, publics et privés, sont nécessaires pour atteindre cet objectif relatif aux énergies renouvelables, notamment des investissements dans l’approvisionnement de l’électricité produite à partir des renouvelables, mais également de gros investissements dans les réseaux intelligents, le stockage de l’énergie et les capacités de production qui peuvent être mises en œuvre rapidement (essentiellement avec le gaz naturel, y compris par cogénération) lorsque la production à partir de sources renouvelables est insuffisante.
De même, les conséquences négatives sur l’emploi, par exemple en raison d’une perte de compétitivité causée par la hausse des factures d’énergie, doivent être évitées.
L’augmentation de l’utilisation du bois comme biomasse pour la production d’énergie fait courir le double risque de pertes d’emplois et de production nette d’émissions de CO2. L’utilisation énergétique du bois et les subsides publics l’encourageant contribuent à ce que l’industrie du bois paye des prix plus élevés pour ses matières premières et peut aussi conduire à des pénuries de bois, entraînant des pertes d’emplois dans toute la chaîne de production liée à l’utilisation industrielle du bois. Par ailleurs, la quantité de nouveaux emplois liés à la production d’énergie est très limitée du fait que la chaîne de production est plus courte dans le cas de l’utilisation énergétique du bois.
Du point de vue du changement climatique, brûler le bois matière première plutôt que l’utiliser pour fabriquer des produits du bois crée des émissions nettes de CO2. Dans les produits du bois, le CO2 reste stocké pour une très longue période, après laquelle le bois peut encore souvent être recyclé pour être utilisé par l’industrie de l’ameublement, permettant ainsi encore le stockage du carbone. C’est seulement quand le recyclage n’est plus possible que le bois devrait pouvoir être brûlé pour produire de l’énergie. Sur base des qualités uniques du bois, le GIEC a aussi plaidé en faveur d’une augmentation de l’utilisation du bois comme matériel de construction.[[Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat(2007): Climate change 2007: Rapport du Groupe de travail II - Conséquences, adaptation et vulnérabilité, http://www.ipcc.ch]] Pour la CES, les subsides publics visant à augmenter l’utilisation du bois comme source d’énergie devrait être très limitée et définie de manière telle que les effets négatifs sur l’utilisation industrielle du bois seraient minimisés.

Une autorité de régulation européenne devrait vérifier que chaque État membre s’est fixé un objectif approprié quant à la part des énergies renouvelables, sur la base d’indicateurs, comme le niveau de développement économique et les possibilités d’augmentation de la production d’énergie renouvelable.
Dans cette optique, il est souhaitable qu’une décision politique soit prise en faveur d’un pacte européen de solidarité énergétique lors du prochain sommet sur l’énergie. Un tel pacte donnerait suite à l’inclusion de la « solidarité » et de la politique énergétique dans le traité de Lisbonne et formerait le socle de politiques énergétiques européennes communes et ambitieuses. Il ne porterait pas simplement sur les transferts financiers entre pays, mais sur l'exploitation collective d'un potentiel renouvelable entre les régions d'Europe, sur un bouquet énergétique durable et l’établissement d’une relation de confiance et de liens d’infrastructure entre les pays en matière d’approvisionnement énergétique. Il renforcerait la coopération européenne, au-delà de marchés nationaux coordonnés, mais fragmentés, avec un rôle de premier plan pour les pouvoirs publics.

Quoi qu’il en soit, les énergies renouvelables ne seront pas capables à elles seules de contribuer suffisamment à réduire les risques de pénurie d’offre énergétique.

Le charbon peut fournir une partie de la solution à condition d’utiliser les technologies de combustion propre et les technologies de captage et stockage du carbone. Le charbon est distribué de manière plus diversifiée que le gaz et le pétrole, et les ressources sont importantes. Les technologies du charbon propre offrent des perspectives importantes d’exportation dans les pays émergents, à condition d’y associer les exigences de santé et sécurité des travailleurs, notamment en Chine mais aussi, plus près de l'UE, en Ukraine.[[Résolution de la CES (Mars 2006): 7]]

Pour ce qui concerne le nucléaire, il est essentiel que la prise de décision comme la mise en œuvre se fassent dans la plus grande transparence et démocratie, s’appuyant sur des contributions d’experts et de scientifiques indépendants. Cela implique une meilleure protection des salariés de cette industrie et que des règles strictes soient adoptées en matière de sécurité et traitement des déchets, et leur respect rigoureusement contrôlé. La revue stratégique proposée devra impérativement examiner dans quelle mesure la libéralisation des marchés permet d’assurer ces exigences[[Résolution de la CES (Mars 2006): 7]] et devra mener à des décisions d’adoption de politiques et mesures requises si ce n’est pas le cas, de sorte à garantir que ces exigences soient respectées.

L’Union Européenne devrait considérer les implications d’offres sous contrainte en particulier du pétrole, de son prix croissant et de ses réserves en diminution, aussi appelées « peak oil », pour l’économie européenne. Les partenaires sociaux doivent être impliqués dans cette recherche.

Pour sécuriser ses approvisionnements de l’énergie, l’Europe doit parler d’une seule voix dans ses relations avec les fournisseurs extérieurs d’énergie et doit promouvoir, dans ces dialogues, une dimension sociale incluant le respect des droits humains et syndicaux, et la démocratie.[[Résolution de la CES (Mars 2006): 6]]
Les Traités énergétiques et les dialogues sur l’énergie doivent comprendre un chapitre sur les aspects sociaux basés sur le « memorandum of understanding » sur les aspects sociaux de la communauté de l’énergie. La commission européenne et le pays concerné devraient aussi s’assurer de discussions entre les syndicats de l’Union Européenne et du pays concerné.

Une politique énergétique européenne efficace ne peut pas faire abstraction d’une gestion avisée des stocks stratégiques. Celle-ci vise à assurer la fourniture régulière de pétrole et de gaz, même en cas d’interruption complète des fournitures extérieures, et à décourager l’utilisation des fournitures de pétrole et de gaz à des fins politiques. Cela pourrait passer, pour le pétrole, par l’introduction de critères pour l’exploitation des gisements pétroliers situés sur le territoire européen, obligeant à une gestion prudente des ressources, associée au maintien d’une capacité minimale de raffinage sur le territoire européen. Pour le gaz, une action efficace doit prévoir la constitution obligatoire de stocks stratégiques associée au principe de « secours réciproque » entre Etats Membres.[[Résolution de la CES (Mars 2006): 6
]]
5. Créer une Agence européenne de l’énergie pour promouvoir une politique énergétique européenne commune et améliorer la régulation du marché de l’énergie
Une Agence européenne de l’énergie démocratiquement contrôlée doit être instituée afin de promouvoir une politique énergétique européenne cohérente, au moyen de la coordination, du soutien et de la supervision. La cohérence de la politique énergétique est essentielle, en particulier dans les domaines des investissements dans les réseaux, de la R&D et de l’innovation, des contrats d’importation d’énergie, des investissements dans les infrastructures de production et des services énergétiques destinés à améliorer l’efficacité énergétique et à accroître les économies d’énergie. Une telle institution devrait inclure les partenaires sociaux, des représentants des ménages défavorisés, des ONG environnementales par exemple dans son conseil d’administration ou par le biais d’un conseil consultatif à lui associer.

Une évaluation approfondie du marché intérieur de l’électricité et du gaz est nécessaire. La CES soutient l’idée d’une économie sociale du marché de l’énergie régulé mais rejette les propositions de la Commission de libéraliser davantage ces marchés sans que soient clairement établies les implications pour l’emploi, les investissements, les prix, la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Les partenaires sociaux devraient être impliqués dans chaque étape de cette évaluation ainsi que dans la définition des étapes suivantes. L’institution mentionnée ci-dessus doit évaluer le processus de libéralisation, qui n’a pas contribué à garantir des prix compétitifs[[CES et al.: Le changement climatique, les nouvelles politiques industrielles et les sorties de crise : 15]] et à encourager les investissements dans les capacités de production nécessaires en Europe. Elle devrait adopter les politiques et les mesures nécessaires pour atteindre ces objectifs, y compris des contrats à long terme pour les importations d’énergie et des dispositions en matière de planification stratégique et d’investissements.
Simultanément, cette autorité doit pouvoir garantir le respect de normes de sécurité élevées dans la production d’énergie nucléaire et la gestion des déchets nucléaires, et plus particulièrement éviter leur érosion résultant d’une concurrence accrue, afin de protéger les travailleurs et les citoyens. D ès lors, des mesures de contrôle spéciales sont nécessaires pour les travailleurs dans les entreprises contractantes, afin d’éviter qu’elles contournent les obligations de standards élevés.
Le prix de l'énergie devrait par ailleurs être calculé en fonction de ses coûts, en tenant compte du cycle de vie complet de chaque source, y compris la production d'énergie, la distribution, le recyclage, le démontage des installations de production, le stockage de l'énergie et des déchets.
Il convient en outre d’établir un « bilan carbone » de chaque système de transport et de chaque système de production d’énergie (ex. nucléaire, solaire, biomasse) dans le cadre d’une expertise indépendante. Cette analyse doit prendre en considération le cycle de vie complet des sources d’énergie, y compris les stades de production, le transport, le traitement des déchets, le recyclage et le démontage des installations de production.
Une table ronde doit être organisée avec les partenaires sociaux dans ce contexte afin d’examiner ces questions et de promouvoir le progrès social en Europe et en dehors de l’Europe, par l’intermédiaire de dispositions en matière d’énergie, y compris le besoin de respecter les droits de l’homme, du travail et la démocratie.
6. Donner les signaux économiques corrects pour réduire les émissions de gaz à effet de serre dans le cadre des politiques énergétiques{
}La CES considère que l’Union européenne doit donner les signaux économiques corrects, en particulier un signal de prix, qui pourrait prendre la forme d’une taxe sur le CO2 (en considérant notamment que la Chine est sur le point d’adopter ce type de taxe), pour autant qu’un certain nombre de conditions soient remplies, y compris[[Position de la CES sur le financement et la gestion des politiques climatiques (2006), http://www.etuc.org/a/7396]] : inscrire toute taxe sur le CO2 dans une stratégie environnementale destinée à donner un signal de prix plutôt que dans une logique budgétaire; l’extension de cette taxe au domaine de l’énergie ; la révision du SCEQE ; ne pas appliquer cette taxe aux secteurs qui relèvent déjà du SCEQE et éviter la double imposition (il existe déjà une taxe sur l’utilisation de l’énergie dans certains pays) ; la création d’un organe de réglementation européen ; la mise à disposition d’alternatives durables à des prix accessibles (transports publics efficaces et réguliers, logements à basse consommation, etc.) ; l’adoption de mesures de compensation ciblées, secteur par secteur ; l’intégration de critères sociaux et environnementaux aux processus de décision de tous les pouvoirs publics ; l’utilisation des recettes intégralement et de manière transparente à des mesures d’investissement interne visant à réduire les émissions, à l’aide aux pays en développement en matière de climat et au financement de mesures de compensation pour les ménages à faibles revenus.[[Résolution de la CES (octobre 2010), pp. 8-9]]
Dans le secteur automobile, un signal économique a été donné par l’annonce d’une taxe en cas de non respect d’un plafond d’émissions de CO2 / km. Ceci peut être considéré comme un exemple positif à appliquer à d'autres secteurs, notamment dans la perspective de la négociation d'accords sectoriels à l'échelle mondiale.
Il convient également de mettre en place des mécanismes institutionnels destinés à éviter la spéculation financière, qui exerce aussi une influence croissante sur les prix de l’énergie. L’objectif est de garantir que les spéculations, résultant essentiellement d'acteurs sur les marchés offshore, ne se répercutent pas sur les prix de l'énergie à l'avenir.
7. Accroître le financement, la régulation et l’efficacité de la recherche et développement(R&D)
En ce qui concerne le financement, le soutien financier des pouvoirs publics pour la recherche joue un rôle essentiel dans la transition vers une société à faibles émissions de CO2, en particulier dans le domaine des technologies et services verts, comme les énergies renouvelables et les services d’audit énergétique et d’efficacité énergétique. Le financement public renforce l’innovation et contribue simultanément à soutenir les investissements et l’emploi dans ce secteur.[[European Centre for the Development of Vocational Training (CEDEFOP) (2010): Skills for Green Jobs – European Synthesis Report, http://www.cedefop.europa.eu/EN/publications/16439.aspx, p. 6]] De même, les obstacles au développement de la production d’énergie renouvelable telle que solaire, éolien, biocarburants durables, hydraulique, des vagues et géothermique, y compris les opérations sur le marché, doivent être levés. Il convient par ailleurs d’encourager la production et l’utilisation locales de ces sources d’énergie, y compris la facturation nette et la promotion au mérite.
En outre, la planification stratégique constitue un outil utile pour éviter les conséquences négatives pour l’environnement et la société[[Manifeste de la Spring Alliance, p. 12]].
Les investissements publics, la réorientation des flux financiers et la régulation seront aussi essentiels dans le domaine de la R&D relative à la capture et au stockage du carbone. Celle-ci s’avère en effet inéluctable dans une phase transitoire, tant en lien avec la production d’électricité qui restera partiellement basée sur le charbon et le gaz, qu’en lien avec les conditions de durabilité et de sécurisation d’approvisionnement en électricité à haute puissance de nombreux secteurs industriels. Le déploiement de cette technologie exigera toutefois que l’on satisfasse à plusieurs conditions : des investissements en R&D et programmes de démonstration coordonnés au niveau européen, des programmes de formation spécifiques des travailleurs et des initiatives pour promouvoir la conscience et la confiance du grand public, qui passeront par une régulation publique du transport et du stockage du carbone.[[Résolution 2009, brochure 2010 p 26]]
En accord avec la position qu’a formulée la Commission dans une communication sur le Plan SET et selon laquelle « un apport de financements publics se justifie pleinement pour réaliser les objectifs de politique publique et permettre de surmonter les défaillances du marché[[Commission européenne (2009) : Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions, http://ec.europa.eu/energy/technology/set_plan/doc/2009_comm_investing_development_low_carbon_technologies_fr.pdf, p. 16. ]] », la CES appelle à une revalorisation des financements publics aux niveaux européen, national et sectoriel, ce qui peut être fait en renforçant l’engagement des États membres à consacrer 3 % de leur PIB à la recherche et développement et à faire en sorte qu’au moins un tiers de ces fonds proviennent de sources publiques[[Document de position de la Spring Alliance : p. 21]].

Il convient par ailleurs de créer un Fonds européen[[Projet de résolution de la CES (2010) : 6]] de promotion de la R&D et d’améliorer les politiques de transfert de technologies afin de stimuler le développement et la diffusion des technologies. Il serait par exemple possible d’améliorer l’efficacité de la R&D en intensifiant l’utilisation des plateformes technologies mises en place au niveau européen et de la coopération entre l’industrie et les centres de recherches. La participation des syndicats doit être garantie. Ces plateformes de coopération européenne en R&D doivent disposer de ressources adéquates et leurs conclusions doivent être mises en application.

Pour financer ces nouveaux efforts, il est envisageable de lier l’octroi des droits d’émission aux dépenses des entreprises en R&D. Il convient également d’étudier de nouveaux instruments de financement, par exemple l’instauration de la taxe sur les transactions financières[[Projet de résolution de la CES (2010) : 7]].
La présidence belge de l’Union Européenne travaille avec la commission européenne à la mise sur pied d’une table ronde des industries énergétiques qui rassemblerait les acteurs industriels clé en Europe, afin d’examiner ensemble comment rencontrer ces défis technologiques et ces besoins financiers importants. La CES se réjouit de cette initiative et demande que les organisations syndicales soient parties prenantes à cette table ronde, les travailleurs étant les les principaux acteurs de terrain des transformations technologiques et les premiers concernés par les évolutions de compétences et qualifications, ainsi que par les questions de santé et de sécurité au travail et de qualité de l’emploi qui y sont associées.
8. Mettre en place des programmes d’emploi juste afin d’anticiper les évolutions structurelles des schémas d’emploi, tirer parti de la création d’emploi et permettre aux travailleurs d’éviter les conséquences économiques et sociales négatives que provoqueront le passage à l’économie bas carbone
Les revenus, l’emploi et les conditions de travail vont très certainement changer profondément dans les secteurs qui émettent le plus de gaz à effet de serre et dans lesquels ces émissions sont difficiles à convertir[[CES et al. (2007) : Changement climatique et emploi. Impact sur l’emploi du changement climatique et des mesures de réduction des émissions de CO2 dans l’Union européenne à 25 à l’horizon 2030, p. 169]] ; les secteurs de l’électricité, de l’automobile, du fer et de l’acier, en particulier, ont un rôle important à jouer dans la mise en œuvre des mesures de prévention du changement climatique. La CES demande que la Commission Européenne aborde de manière transversale les questions d’emploi, d’éducation et de formation professionnelles dans ses politiques sectorielles. Plusieurs secteurs, tels que les secteurs de l’électricité et du gaz, ont une force de travail vieillissante, ce qui peut avoir des effets négatifs dans la réalisation de nombreux objectifs ambitieux que l’Union Européenne se fixe. La non prise en compte e cette dimension dans la Stratégie énergétique 2020 récemment publiée est inacceptable. Sans des hommes et des femmes qualifiés, le futur énergétique de l’Europe ne se réalisera pas.
Selon l’étude de la CES sur le climat et l’emploi publiée en 2007, dans le secteur de l’électricité, les politiques salariales et de formation devraient permettre aux employés des installations de production d’énergie fossile de trouver du travail dans le secteur en pleine croissance des énergies renouvelables, surtout dans le domaine de la maintenance. La création d’emploi dans le secteur des énergies renouvelables s’accompagne toutefois du risque que ces nouveaux postes soient moins sûrs et moins bien rémunérés que dans les secteurs mieux établis ; la CES souligne donc l’importance d’un suivi adéquat de la qualité des emplois nouvellement créés[[CES et al. (2007) : Changement climatique et emploi : 77]].
Selon une étude sur l’incidence de la prévention du changement climatique sur l’emploi, la technologie CCS, qui pourrait être disponible à partir de 2030, pourrait jouer un rôle essentiel dans le développement du secteur de l’électricité ; celle-ci pourrait réduire les émissions de gaz à effet de serre générées par les combustibles fossiles et limiter les pertes d’emploi[[CES et al. (2007) : Changement climatique et emploi. Impact sur l’emploi du changement climatique et des mesures de réduction des émissions de CO2 dans l’Union européenne à 25 à l’horizon 2030, p. 169]].
Une analyse des futurs défis auxquels devra faire face le secteur de l’automobile révèle qu’à l’horizon 2030, l’adaptation au changement climatique n’aura qu’une incidence limitée sur l’emploi dans le domaine de l’assemblage moteur ; en effet, en raison de l’adoption de la technologie hybride, la plupart des moteurs de l’avenir devraient toujours être conventionnels. D’ici 2030, le passage aux moteurs électriques devrait certes provoquer des pertes d’emploi, mais celles-ci seront sans doute compensées par la création d’emploi dans d’autres secteurs, comme celui de la fabrication d’équipement. Les principaux défis que rencontrera le secteur de l’automobile, y compris ceux de l’hybridation, de l’électrification et de la réduction des motorisations, portent en leur sein un potentiel de création d’emploi ; mais pour en bénéficier, il sera nécessaire de restructurer les processus de production des moteurs thermiques. Les effets de cette transition sur l’emploi dépendent fortement des politiques de soutien qui seront adoptées aux niveaux européen, national et sectoriel, politiques qui devront être accompagnées de l’octroi de ressources financières adaptées[[Syndex et al. : Le changement climatique, les nouvelles politiques industrielles et les sorties de crise : 51-52]].
En raison de sa très forte consommation d’énergie et de son exposition à la concurrence internationale, le secteur du fer et de l’acier est particulièrement vulnérable aux « fuites de carbone » ; l’octroi de droits d’émissions gratuits jusqu’en 2020 et l’investissement dans les nouvelles technologies (par exemple la combinaison du recyclage des gaz de haut fourneau et du CCS) devrait cependant lui permettre de protéger l’emploi et de s’adapter aux nécessités de la protection climatique.[[CES : Emploi et politiques climatiques en Europe : 7 ]]
Par ailleurs, les données disponibles sur les émissions des entreprises devraient permettre de d’effectuer un classement de ces dernières, ce qui les pousserait à adopter les dernières technologies bas carbone et favoriserait leurs efforts d’adaptation au changement climatique sans les mettre en péril sur le plan économique.[[Sandbag (septembre 2010) : Cap or trap? How the EU ETS risks locking-in carbon emissions : 11]]
Selon l’ECF, l’amplification des effets de la transition sur l’emploi nécessite le lancement de programmes de formation si nous voulons assister à la création d’emplois de qualité et au développement de nouveaux services et produits durables. Les domaines les plus importants à cet égard sont les énergies renouvelables, l’efficacité énergétique (notamment dans les secteurs ayant de grands besoins en termes de main-d’œuvre, comme la rénovation immobilière[[ECF (2010) : 6]]) et les transports publics.
La CES réitère par conséquence son appel (lancé via la Spring Alliance) à « la mise au point, en collaboration avec les acteurs concernés, de programmes de transition visant à accompagner les changements prévus en termes de schémas d’emploi ». Il convient également de concocter d’ici 2011 un cadre européen visant à ajuster les programmes de formation aux futurs changements environnementaux et sociaux ; cadre qui devra assurer la formation d’une chaîne complète de fournisseurs, installateurs et distributeurs dans le domaine de l’énergie renouvelable et de l’efficacité énergétique[[Manifeste de la Spring Alliance : p. 21]].
Par conséquent, la CES demande la mise en place des conditions permettant une évaluation exacte de la situation de l’emploi, par État membre et par secteur, sous la coordination de la Commission européenne, au regard des impératifs du changement climatique. Ainsi, la Commission européenne sera en mesure, avec les États membres et les acteurs sociaux, de définir les besoins et les ressources nécessaires à la mise en œuvre de la transition vers une économie à faibles émissions de CO2 en Europe. Un exemple de qualification clé permettant davantage d’efficacité énergétique dans les bâtiments est la formation spécifique à donner aux travailleurs de la construction afin d’ouvrir de nouvelles filières professionnelles comme celles de « conseillers énergie ».
Selon le CEDEFOP, ces mesures, disponibles publiquement, doivent principalement cibler les PME, dans la mesure où le ralentissement économique actuel a encore accru leurs difficultés d’accès aux moyens de financement[[CEDEFOP (2010) : 6]]. Le passage à l’économie bas carbone dépend plus de l’adaptation et de l’amélioration des compétences existantes que du développement de compétences spécifiquement « vertes », comme le soulignent les études effectuées par la CES en 2007 et 2009 ainsi que celle récemment publiée par le CEDEFOP[[CEDEFOP (2010) : 8]]. Cette dernière insiste également sur le rôle essentiel de la généralisation de l’éducation écologique dans les systèmes de formation et d’enseignement[[CEDEFOP (2010) : 15]].
En outre, la CES insiste sur le rôle crucial de l’éducation en matière de développement durable et d’efficacité énergétique dès le plus jeune âge, par le biais des programmes d’enseignement primaire et des programmes de formation initiale d’adolescents.
Il faut profiter de la transition vers une économie bas carbone pour créer des emplois de qualité[[Manifeste de la Spring Alliance : p. 21]] ; à cet égard, l’initiative phare Europe 2020 ne suffit pas[[Position de la CES sur le financement et la gestion des politiques climatiques (2010) : 4 ]]. Pour créer des emplois verts stables, il est nécessaire d’avoir des politiques de protection climatiques cohérentes et s’inscrivant dans le long terme, comme par exemple des programmes d’isolation pour les maisons[[European Climate Foundation (ECF) (2010) : Employment Impacts of a Large-Scale Deep Building Retrofit Programme in Hungary. Executive Summary, p. 7]].
Il est également possible de promouvoir la qualité de l’emploi en liant l’octroi des subventions publiques à l’adhérence aux normes sociales et environnementales[[Position de la CES sur le financement et la gestion des politiques climatiques (2010) : 3]] ; la définition de critères écologiques et sociaux dans les contrats de gestion des transports publics favorise le développement durable dans ce secteur[[European Transport Workers’ Federation (ETF) (2010) : Trade Union Vision on Sustainable Transport, http://www.itfglobal.org/files/extranet/-75/9205/Brochure_TRUST_EN.pdf : 17]] ; en raison de la tendance qu’ont les entreprises à vouloir réduire leurs frais de personnel à cause de la concurrence, il convient de faire appliquer les normes négociées dans le cadre du dialogue social pour éviter le dumping social[[ETF (2010) : 19]].{
}Enfin, un élargissement du Fonds européen d’ajustement à la mondialisation en vue de financer la protection des travailleurs affectés par les mesures de lutte contre le changement climatique permettrait de réduire les conséquences socio-économiques négatives de ces dernières en fournissant à ces travailleurs des alternatives en termes d’emploi et une meilleure protection des revenus[[Position de la CES sur le paquet « changement climatique et énergie » (2008) : point 2. Manifeste de la Spring Alliance : page 21]]{.
}9. Instituer la consultation permanente des partenaires sociaux sur l’incidence sociale et économique des politiques de lutte contre le changement climatique[[Position de la CES sur le paquet « changement climatique et énergie » (2008) : point 2]] {
}Le dialogue social, qui repose sur l’expérience des partenaires sociaux, est un instrument permettant d’identifier efficacement les possibilités offertes par le processus de transition et d’encourager l’évolution professionnelle des travailleurs (exemple : le redéploiement des anciens ouvriers de la construction dans l’audit énergétique). Il permet par conséquent aux travailleurs comme aux employeurs de bénéficier du potentiel positif que recèle la nécessité de s’adapter au changement climatique[[CES et al. : Changement climatique et emploi. Impact sur l’emploi du changement climatique et des mesures de réduction des émissions de CO2 dans l’Union européenne à 25 à l’horizon 2030 - Synthèse, p. 9]].
La CES appelle à la promotion des instruments de dialogue social ainsi que des conventions collectives à tous les niveaux (européen, national, régional, sectoriel, entreprises, etc.) pour que la croissance verte et sociale puisse être mise en œuvre aussi efficacement que possible[[CES (2009) : Résolution du Comité exécutif sur le changement climatique, les nouvelles politiques industrielles et les sorties de crise : 12 ]].
Pour anticiper les changements structurels qu’introduiront en termes d’emploi la protection climatique, la recherche de l’efficacité énergétique et la mise en œuvre des (nouvelles) technologies relatives à la production et à la consommation d’énergie, il convient de réunir les conditions nécessaire à une évaluation précise de l’impact de la transition sur l’emploi dans les différents secteurs et États membres, évaluation qui devra être supervisée par la Commission européenne.
Il est par conséquent nécessaire de créer un cadre européen réunissant Commission, États membres et partenaires sociaux et visant à favoriser la discussion ainsi que la définition des besoins et des mesures qui autoriseront une transition juste vers l’économie bas carbone[[Projet de résolution de la CES (2010) : 8 ]]. Un tel dialogue social permettrait d’identifier et d’aborder plus sereinement les changements qui nous attendent en matière d’emploi et de compétences[[Position de la CES sur le paquet « changement climatique et énergie » (2008) : points 2 et 3]].
En outre, une Agence Européenne devrait assurer la traçabilité carbone des produits, en particulier de ceux où les fuites de carbone pourraient résulter en pertes d’emplois et d’investissements au profit de pays n’ayant pas pris les mêmes engagements en matière de réduction des émissions de CO2[[Résolution de la CES (octobre 2010), p.6]], et organiser une table ronde pour discuter de ce problème des fuites de carbone, à laquelle participeraient les syndicats et autres parties prenantes impliquées. Rencontrer efficacement le problème des fuites de carbone est une pré-condition à une politique ambitieuse face au changement climatique au sein de l’Union Européenne.

Du point de vue de la CES, les points soulevés dans cette résolution sont cruciaux pour permettre à tous, travailleurs et consommateurs, de bénéficier d’une politique énergétique européenne et de contribuer efficacement à l’objectif de tendre vers une société bas carbone.

20 priorités de la CES pour la politique énergétique de l’UE à l’horizon 2020


Développer un pacte européen de solidarité énergétique
Garantir la sécurité d’approvisionnement
Créer une Agence Européenne de l’Energie démocratique pour promouvoir une politique énergétique européenne commune d’intérêt général et améliorer la régulation du marché de l’énergie
Garantir que les factures d’énergie reflètent de justes prix (socialement équitables, abordables, basés sur un retour équitable sur investissements et non sur des profits excessifs)
Protéger les consommateurs d’énergie vulnérables et réduire les factures énergétiques des ménages à bas et moyens revenus
Donner les bons signaux économiques pour réduire les émissions de gaz à effet de serre par le biais des politiques énergétiques
Assurer le financement, la régulation et l’efficacité de la recherche et développement
Intégrer des critères sociaux et environnementaux dans les marchés publics d’infrastructures énergétiques et n’octroyer des financements publics qu’aux entreprises qui ont des politiques solides de RSE
Moderniser les réseaux en adoptant un cadre réglementaire et financier destiné à promouvoir le renforcement de la capacité des réseaux intelligents, de favoriser les économies d’énergie et de permettre une contribution optimale des énergies renouvelables, de la production décentralisée et de la production combinée de chaleur et d’électricité
Accroître les économies d’énergie et l’efficacité énergétique dans les secteurs de l’industrie, du bâtiment et des transports, et atteindre une réduction globale de la consommation d’énergie primaire d’au moins 20% au cours de la décennie à venir par le biais d’un objectif contraignant d’économie d’énergie pour chaque Etat membre
Etablir un programme de transformation encourageant les investissements dans de nouvelles politiques industrielles fondées sur de faibles émissions carbone
Etablir un programme de rénovation de l’entièreté du parc immobilier
Fournir des transports publics durables et abordables
Diversifier les sources d’énergie en développant les énergies renouvelables et d’autres alternatives peu émettrices de CO2 telles que la cogénération de chaleur et d’électricité
Etablir une directive en matière de mobilité durable assurant une meilleure coordination des moyens de transport et des systèmes de production et de distribution
Utiliser la transition vers une économie bas carbone comme opportunité de créer des emplois de qualité
Assurer des programmes d’emploi de qualité et durables, anticipant les changements structurels et évitant les conséquences sociales négatives du passage à une économie bas carbone
Etablir une consultation permanente des partenaires sociaux sur les impacts socio-économiques de politiques climatiques
Promouvoir les droits humains, du travail et la démocratie en les utilisant comme critères conditionnant les financements publics et lors de la mise en place de dialogues et de coopérations en matière énergétique
Garantir des normes élevées de santé et de sécurité dans le secteur énergétique et dans les divers secteurs d’utilisation et d’efficacité énergétique pour protéger les travailleurs et la population


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