Résolution de la CES sur les pistes de travail de la CES en matière de migration et d’asile (2019-2023)

Bruxelles, le 5 février 2020

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Résolution de la CES sur les pistes de travail de la CES en matière de migration et d’asile (2019-2023)

Adoptée lors du Comité exécutif des 17 et 18 décembre 2019

Champ d’application de la résolution
Cette résolution fait référence aux conditions d'entrée, de séjour et de travail des ressortissants de pays tiers en Europe. Un migrant est une personne qui vit en Europe mais qui possède la citoyenneté d'un pays tiers.
Par Europe, on entend tous les pays européens couverts par la CES.
Cette résolution se fonde sur une analyse quantitative et qualitative approfondie des arrivées en provenance de pays non européens. Elle ne couvre pas les personnes exerçant leur droit à la libre circulation conformément aux règles de l'UE telles qu'elles s'appliquent aux pays membres et non membres de l'UE. Toutefois, les mouvements intracommunautaires peuvent être pris en compte pour mieux comprendre les caractéristiques de la migration en Europe. Une analyse approfondie a été réalisée pour en savoir plus sur les conditions de vie et de travail des ressortissants de pays tiers en Europe.
Les personnes de la deuxième et de la troisième génération, lorsqu'elles sont naturalisées ou qu'elles ont obtenu la nationalité du pays où elles vivent, ne sont pas concernées par la présente résolution. Alors que certaines situations peuvent être liées à leur origine ethnique et que certaines formes d'exclusion peuvent être le résultat de mesures d'intégration déficientes ayant affecté leurs parents, les problèmes spécifiques des deuxième et troisième générations seront traités dans un document séparé.

Résumé

L’immigration est un phénomène normal et habituel lié au développement humain que le changement climatique amplifie (on estime à 150 millions le nombre de personnes qui quittent leur pays pour des raisons liées au changement climatique). Les États membres devraient être conscients de l’importance historique que revêt aujourd’hui l’ouverture aux personnes qui recherchent une protection internationale. La CES rejette toute forme de discours populiste, alarmiste et raciste. Elle défend au contraire un cadre commun européen de référence pour l’intégration des immigrants intégrant des règles communes là où elles s’imposent. Le mouvement syndical ne peut renoncer à sa responsabilité pédagogique et d’information et doit consacrer davantage d’efforts pour expliquer la normalité des mouvements migratoires. Il a été démontré qu’une migration correctement gérée produit des résultats positifs pour l’ensemble de la société et de l’économie. Le mouvement syndical en particulier doit réaffirmer son engagement en faveur des droits des personnes et singulièrement des travailleurs étrangers spécialement vulnérables en raison de leur statut de migrants.

Par cette résolution, la CES prend position en faveur du plein respect des droits de tous les migrants, quel que soit leur statut. Il ne peut y avoir aucune ambiguïté sur la position des syndicats : la CES et ses membres appellent l'UE à garantir les droits de tous les migrants, y compris les demandeurs d'asile, les réfugiés et les migrants sans papiers. La CES lutte pour le renforcement des valeurs fondamentales de l'UE, telles que le respect des droits humains, la solidarité, la démocratie et la tolérance. La CES dénonce les actes de violence perpétrés contre des migrants aux frontières d’États membres ou dans des pays tiers résultant de pratiques de refoulement illicites.

L'UE et tous ses États membres devraient être mieux préparés à gérer la migration dans ses dimensions internes et externes. La démographie, une population vieillissante, les pénuries de main-d’œuvre et l’inadéquation des compétences sont des tendances communes à tous les États membres. Certains d'entre eux ouvrent à nouveau des voies légales pour la migration économique et améliorent leurs politiques d'intégration. Les personnes en demande de protection représentent et représenteront une part plus importante des flux migratoires en raison de l'instabilité politique qui règne aux portes de l'UE et des effets du changement climatique, en particulier en Afrique.

Malheureusement, le fait d'être issu de l'immigration reste une cause de discrimination au travail créant une nouvelle segmentation du marché du travail de l'UE. La négociation collective et le dialogue social peuvent en fait réduire les risques de dégradation des conditions de travail des migrants. Dans le cadre de la gouvernance économique de l'UE, des analyses et des recommandations par pays ont déjà mis en évidence les différences de traitement des personnes issues de l'immigration sur les marchés locaux du travail. Ces différences doivent être supprimées et les travailleurs locaux doivent être solidaires des travailleurs migrants, par exemple à travers des conventions collectives négociées avec les employeurs et garantissant un traitement égal pour tous et toutes.

Le Pacte mondial pour une migration sûre, ordonnée et régulière est essentiel pour assurer une gouvernance globale de la migration. Les États membres sont invités à respecter les obligations qui leur incombent en vertu de la convention des Nations unies de 1951, du protocole de 1967 [1], de la convention de 1990 sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, de la convention 143 de l’OIT sur les travailleurs migrants et de la convention 97 de l’OIT sur la migration pour emploi, et à accélérer la ratification de ces conventions. Les droits humains, le droit international et l'état de droit doivent être respectés dans chaque pays de l'Union. Ce n'est pas toujours le cas aujourd'hui. Par exemple, les observateurs dénoncent des violations des droits de l'homme dans les centres d’accueil établis en Italie et en Grèce, comme l'a récemment rapporté l'Agence des droits fondamentaux de l'UE. La coopération avec les pays tiers est indispensable pour renforcer la position de l'UE en matière de protection mondiale des travailleurs migrants, en particulier dans la région méditerranéenne, le voisinage oriental de l’UE et les pays subsahariens.

La question des réfugiés est une urgence humanitaire et un défi géopolitique. Les opposants de l'UE voient dans la gestion des personnes déplacées une façon de déstabiliser l'UE. L'UE et ses États membres doivent défendre ensemble leurs valeurs communes de solidarité et d’humanitarisme en restant fidèles aux principes fondamentaux et en s'unissant contre ceux qui veulent opposer les Européens entre eux. Il est aujourd’hui évident que la Turquie et la Libye ne sont plus des partenaires fiables et que de nouvelles solutions internationales sont nécessaires pour les 3 millions de personnes qui se sont installées en Turquie et les milliers d’autres qui sont bloquées ou renvoyées dans les centres de détention libyens au mépris du respect des droits humains.

Aujourd'hui plus que jamais, la solution réside dans une politique européenne pour laquelle les États membres unissent leurs forces au nom et au sein des institutions européennes. Nous devons dénoncer l’incapacité politique de l’UE à élaborer une stratégie migratoire effective et faire ici la distinction entre le rôle du Conseil, qui s’est opposé aux changements, et les tentatives de la Commission européenne visant à améliorer la coordination et la coopération entre États membres. Un plan spécial doit être établi pour apporter des solutions immédiates aux défis actuels et préparer l'UE à faire face aux défis et urgences futurs en matière d'asile et de migration.

L’UE et les États membres doivent mettre en place une politique plus compatible avec nos valeurs et principes en développant la coopération et les partenariats avec les pays africains et les mouvements démocratiques et progressistes d’Afrique sur base des droits humains et de l’Agenda 2030.

SUR L’ASILE

La grande majorité des migrants en provenance du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord qui viennent en Europe sont des demandeurs d’asile. La CES appelle les États membres à respecter leurs obligations aux termes de la convention des Nations unies de 1951 et du protocole de 1967 [1], d’assurer une protection juridique aux demandeurs d’asile et de ne pas renvoyer les demandeurs d’asile ou les réfugiés dans un pays où leur vie et leur liberté seraient gravement menacées, et à être particulièrement attentifs à agir contre toute forme de violence à l’encontre des migrants aux frontières nationales ou de l’UE.

La CES condamne les États membres qui ont, à tort, défini les demandeurs d’asile comme étant des « migrants économiques » et qui manquent à leur obligation légale internationale de leur offrir protection. Les demandeurs d’asile et les réfugiés doivent avoir le droit de travailler, d’être couverts par des conventions collectives et de s’affilier à un syndicat pour faire valoir leurs droits au travail. Le droit à l’éducation des enfants et des mineurs doit être assuré sans discrimination et soutenu afin de combler les écarts linguistiques et éducatifs.

L’instabilité politique et les guerres qui sévissent juste au-delà des frontières de l’UE sont des conséquences directes de politiques prédatrices, de l’absence de liberté et de violations des droits humains universels, conséquences dont la responsabilité incombe partiellement à l’UE et ses États membres et qui sont source d’inquiétude pour la population européenne. Des entreprises européennes ont également contribué aux émissions de carbone dans les pays du Sud provoquant une augmentation du nombre de réfugiés climatiques cherchant protection en Europe. L’UE a accueilli environ 2 millions de nouveaux arrivants mais c’est largement insuffisant eu égard aux circonstances actuelles. Les politiques d’asile sont en outre souvent mal gérées. Il y a, au sein de la population européenne, un sentiment très répandu de responsabilité et de solidarité vis-à-vis des réfugiés qui s’accompagne de la crainte qu'il n'y ait pas de fin aux situations d’urgence qui poussent un nombre croissant de personnes vers les frontières de l’UE pour y chercher protection. Les citoyens ont besoin d'une réponse politique qui repose sur un exposé des faits fondé sur la vérité et sur des solutions fiables pour le contrôle aux frontières, la sécurité, l'accueil et l'intégration des demandeurs d’asile.

En 2019, plus de 1000 demandeurs d'asile sont morts de façon tragique en Méditerranée. C’est une honte. La protection des personnes aux frontières de l’UE reste une urgence humanitaire. Le sauvetage en mer est une obligation morale et légale en vertu de la convention internationale sur la recherche et le sauvetage maritimes. Interdire l’accès des demandeurs d’asile aux ports est une pratique illégale.

Les États membres ont décidé d'agir seuls et ils ont échoué. Le cadre institutionnel de l’UE a été inefficace et les actions individuelles entreprises par certains États se sont révélées insuffisantes lorsqu’elles ont failli au respect des droits fondamentaux et du droit international. L’inaction de l’UE a été en partie compensée par les efforts d’une société civile organisée – ONG, syndicats et autres organisations – qui ont agi dans le respect des principes et des valeurs de l’UE et par l’engagement volontaire de milliers d’hommes et de femmes qui ont aidé et accueilli des personnes qui recherchaient et recherchent encore protection auprès de l’UE. Les syndicats exhortent les États membres à faire un meilleur usage des institutions de l'UE en matière de politique commune d'asile et de migration.

Nos priorités

La CES demande à l’UE de faire en sorte que ses politiques commerciales soutiennent les objectifs de développement durables et la création de structures démocratiques. La CES a défini les éléments clés d’une politique de commerce équitable dans sa position de 2017[1]. Elle appelle l’UE à veiller à ce que les entreprises agissent dans le cadre de l’accord de Paris et réduisent leurs émissions de carbone.

De nouveaux canaux sûrs et réguliers pour les demandeurs de protection. La sécurité des voies légales doit être renforcée au-delà des 36.000 personnes accueillies jusqu’à présent pour atteindre un nombre de réinstallations annuelles proportionnel à la capacité d'absorption accrue de l'UE et conforme à son programme de réinstallation qui impose à tous les États membres d’assurer un nombre suffisant d'entrées légales et sûres dans l'UE. Cela éviterait que les demandeurs de protection tombent aux mains de trafiquants d’êtres humains. Les pays qui protègent un plus grand nombre de migrants devraient bénéficier de davantage de moyens du budget de l'UE.

Tous les États membres doivent garantir le droit de travailler aux demandeurs d’asile. Le statut d’immigrant concerne les demandeurs d’asile tandis que le droit à l’emploi concerne la dignité du travailleur – nul ne doit être privé du droit de travailler en raison de sa situation irrégulière. Il en va de même pour les enfants de demandeurs d’asile et les mineurs cherchant une protection internationale. Leur statut ne peut être une raison de les priver du droit à fréquenter l’école ou à accéder à une éducation de qualité.

Une politique d’accueil et d'asile commune de l'UE serait bénéfique pour tous les citoyens européens. Les propositions législatives de 2015 et 2016 font actuellement l’objet d’un contrôle politique de la part de la nouvelle Commission. Conformément au droit international, l'UE devrait être reconnue comme un territoire unique aux fins de la protection et de la répartition des demandeurs d'asile. Cela exige un cadre législatif renforcé qui favorise le débarquement et l’installation des demandeurs d’asile, des conditions décentes dans les centres d'accueil ou les logements, des droits renforcés concernant l'accès au travail (six mois après le dépôt de la demande d’asile) et l'égalité de traitement au travail. Une agence européenne peut soit intervenir pour soutenir les États membres en cas d’un nombre important de demandes d'asile, soit réorienter les demandes vers l'État membre concerné, selon des règles prédéfinies. L’agence devrait disposer d’une base de données d’identification renforcée permettant d’établir la sécurité juridique de la position des demandeurs d’asile sur le territoire de l’UE en respectant leur droit à la protection de leurs données personnelles et en veillant à la prémunir de tout accès illicite. Ce serait également une condition pour le renforcement de la lutte contre la migration clandestine, le principe premier des politiques de rapatriement étant la protection de la dignité des personnes et le respect des droits fondamentaux de l’UE et du droit international. Un paquet législatif de l'UE est déjà à un stade avancé d'analyse. Son adoption constituerait une amélioration qui permettra à l'UE d'être équipée pour faire face à de nouvelles situations d'urgence et rassurera les citoyens européens quant à la capacité des institutions européennes et nationales à concilier missions humanitaires et impératifs de sécurité.

La révision des règles de Dublin rendrait la politique d'asile de l'UE efficace et durable, harmoniserait les normes de protection des demandeurs d'asile dans tous les États membres et établirait des mécanismes clairs et obligatoires pour la réinstallation des demandeurs d'asile et des réfugiés. Un programme européen global de migration et d'asile qui engage tous les États membres est nécessaire et doit être fondé sur la solidarité, la responsabilité et le plein respect des droits de l'homme, y compris des mesures pour l'inclusion socio-économique des demandeurs d'asile et des réfugiés. La révision des règles en matière d'asile devrait également introduire une protection pour ceux qui, ayant déjà un emploi ou ayant participé à des programmes d'intégration, verraient leur dignité humaine brisée s'ils étaient expulsés ou contraints à la clandestinité.

Les contrôles aux frontières ne peuvent pas être confiés à des autorités non-membres de l’UE. C'est inefficace et dangereux. Nous devons agir pour mettre fin aux refoulements et aux retours forcés de demandeurs d'asile – qui sont contraires au droit international – vers des pays tels que la Libye où la torture est systématiquement pratiquée sur les migrants et où des personnes sont délibérément tuées en mer par les garde-côtes comme l'ont signalé plusieurs ONG. Ces situations exposent l'UE et ses États membres à d’odieux chantages, comme ce fut le cas avec le gouvernement turc qui a esquivé les sanctions de l'UE lors de l'invasion militaire de la Syrie. Il est donc urgent d’évaluer et de contrôler de manière transparente et démocratique les missions de l’agence européenne FRONTEX.

Nous devons combattre les faux mythes sur la migration. Le plus fréquent concerne les entrées par voie maritime. 90% des demandeurs d'asile nouvellement arrivés se présentent aux autorités nationales en quête de protection. C'est alors une décision discrétionnaire des autorités de les laisser rester sans papiers ou de les pousser à la clandestinité en raison d'un choix administratif ou d'une législation inefficace. Chaque migrant arrivant en Europe devrait avoir droit à des papiers pendant la durée de son séjour quelles que soient les mesures de protection auxquelles il peut prétendre.

Soutien aux travailleurs des services publics et privés d'aide aux migrants, aux réfugiés et aux demandeurs d'asile. La CES exprime sa solidarité et son respect envers le personnel employé dans les structures d'accueil et d'intégration des opérateurs publics et privés. Il s'acquitte d'une tâche délicate et importante en rendant leur dignité aux personnes en difficulté. Toutefois, ces structures sont souvent en sous-effectif et leur personnel sous-payé et même critiqué voire injurié par l'opinion publique. La CES demande que les services publics puissent être correctement financés et que les personnes employées dans les services qui gèrent les structures d'asile et de migration soient bien rémunérées et protégées. De plus, le personnel travaillant avec des migrants dans d’autres domaines tels que l’éducation et la formation, la santé, l’aide sociale, etc. doit être soutenu et pouvoir compter sur une formation professionnelle appropriée et continue pour gérer la diversité culturelle et les besoins spécifiques des migrants.

En décembre 2017, les partenaires économiques et sociaux et la Commission ont signé un partenariat pour l'intégration des réfugiés énonçant les principes et engagements clés pour soutenir et renforcer les possibilités d'intégration des migrants sur le marché du travail européen. Les signataires s'engagent à traduire le partenariat en actions concrètes au niveau national en veillant à ce que son champ d'application couvre les migrants récemment arrivés, tels que les demandeurs d'asile, les réfugiés et les personnes détenant un permis de protection subsidiaire ou humanitaire. L'action LABOUR-INT est le cadre dans lequel la CES appelle tous ses membres à s'engager. Des actions sont déjà en cours dans plusieurs régions ou villes comme Athènes, Liège, le Tyrol, la Slovénie et Naples.

Nos actions

La CES continuera à plaider en faveur d'une politique d'asile européenne fondée sur la solidarité et la responsabilité (y compris une réforme du règlement de Dublin) ainsi que sur le Pacte mondial sur les migrations, la Convention de Genève, le principe de non-refoulement et les droits de l'homme. Elle plaidera également en faveur de l'adoption rapide des initiatives législatives de l'UE qui contribuent à la mise en œuvre de la présente résolution.

Personne ne devrait mourir en mer ou dans le désert en raison du processus appelé « externalisation des frontières européennes ». La CES plaidera en faveur d'un programme européen de recherche et de sauvetage conçu conjointement avec la Commission et déployé par les autorités nationales. Cela devrait inclure la participation légitime et directe des ONG pour rendre le système d'asile global plus efficace, transparent et responsable.

La CES continuera à veiller à la poursuite et à la mise en œuvre du partenariat pour l'intégration des réfugiés et des demandeurs d'asile au niveau national en assurant la continuité des projets LABOUR-INT. Au cours des deux dernières années, la CES a démontré que l'inclusion socio-économique des demandeurs d'asile et des réfugiés est possible. L'accès à l'emploi est un vecteur efficace d'intégration. Le partenariat européen pour l'intégration et les projets LABOUR-INT montrent la voie à suivre et doivent être davantage soutenus. Ils s’inscrivent clairement en faveur de l’accès des migrants à l’éducation et à la formation professionnelle et prônent la reconnaissance des aptitudes et des compétences ainsi que de l’expérience de travail afin d’offrir de meilleures opportunités de décrocher un emploi et d’optimiser les moyens alloués aux mesures d’intégration des demandeurs d’asile et des réfugiés. L’approche du partenariat pour l’intégration tout comme celle de LABOUR-INT demande un investissement accru dans le personnel travaillant avec les demandeurs d’asile et les réfugiés. Cela reste une exigence politique de la CES et un point clé de sa stratégie d’intégration.

La CES et ses organisations membres soutiendront les demandeurs d'asile et les réfugiés ayant le droit de travailler afin qu’ils soient protégés par des conventions collectives et puissent adhérer à un syndicat pour faire valoir leurs droits au travail.

La CES agira de concert avec ses membres, les organisations de la société civile et tout autre acteur concerné pour s’opposer à la criminalisation de la solidarité, appelant l’Union européenne et ses États membres à mettre un terme à la pénalisation des personnes et des organisations qui soutiennent ceux qui en ont besoin. La législation actuelle est ambigüe sur ce point. La CES œuvrera pour la suppression de tout préjugé direct ou indirect envers les syndicats, les organisations de la société civile et les initiatives citoyennes de solidarité qui pourrait exister dans le droit national et le droit communautaire.

SUR LES MIGRATIONS ECONOMIQUES

La circulation des personnes est un phénomène en augmentation alimenté par de nombreux facteurs, y compris l’instabilité politique, la pauvreté, le manque de démocratie, le changement climatique ou encore l’impossibilité de mener une vie digne dans des pays disposant d’institutions très faibles. L’UE est une destination populaire parmi les migrants mais qui présente de profondes différences régionales selon les pays. Parmi les grands pays, l'ampleur de l’immigration est plus importante en Allemagne et au Royaume-Uni qu'en Italie, en France ou en Espagne. D'autres pays comme la Suisse, la Belgique, les Pays-Bas, le Danemark et la Suède contribuent également plus que d'autres pays. Les pays de l'Est enregistrent souvent des soldes migratoires nets négatifs, ce qui se traduit par des tendances démographiques négatives et des performances socio-économiques inférieures. L'analyse de la CES montre que, partout, l'UE connaît des pénuries de main-d'œuvre et des inadéquations de qualifications. Outre l'inefficacité des politiques migratoires actuelles des États membres, la mauvaise gestion des migrations apparaît comme l'une des raisons d'une segmentation socio-économique accrue de la population de l'UE. Des pays tels que le Portugal ont développé des cadres juridiques en matière de migration et d’intégration qui se sont révélés efficaces aussi bien pour les populations locales que pour les migrants. Il existe de nombreux exemples dans l’UE qui montrent qu’une convergence vers de meilleures pratiques est possible.

L'UE devrait poursuivre l'amélioration des conditions de travail et de vie de tous les travailleurs et des membres de leur famille, quel que soit leur statut migratoire. Le socle européen des droits sociaux doit s'appliquer à toute personne qui travaille. Dans l'effort commun pour améliorer le niveau de vie et de travail des travailleurs européens, les migrants (environ 10% de la main-d'œuvre) ne peuvent être laissés pour compte. En particulier lorsqu'ils sont exposés à l'exploitation et à l'emploi non déclaré, leurs droits en tant que travailleurs devraient conduire à la régularisation de leur situation professionnelle et assurer la continuité de leurs revenus et leur dignité de vie.

Nos priorités

Davantage d’opportunités de migration légale. La CES défend une Europe ouverte, avec des opportunités pour les migrants économiques d'entrer et de travailler dans l'UE. Les États membres devraient être libres de décider des flux. Toutefois, le droit de l’Union peut encore lier les législations nationales au respect de droits minimums, de normes de travail décentes et du principe d'égalité de traitement en faveur de tous les travailleurs, indépendamment de leur statut migratoire, y compris le droit garantissant la transition d'un emploi irrégulier à un emploi régulier.

Il faut définir différentes formes de régularisation permanente des migrants présents sur le territoire européen sans permis de séjour. Il faut en même temps abroger toutes les lois et règlements en matière de sécurité ainsi que les pratiques discriminatoires liées à l’immigration qui ont été adoptés jusqu’à présent par les États membres et mettre en place des politiques migratoires nouvelles et efficaces visant à garantir une inclusion réelle et une acceptation véritable ainsi qu’une plus grande cohésion sociale.

Lutter contre la discrimination et la segmentation du marché du travail. Les migrants sont souvent victimes des formes de discrimination les plus graves en matière d’emploi. Ceci reflète la discrimination et le racisme structurels présents sur le marché du travail. La discrimination sur le marché du travail est préjudiciable à tous les travailleurs dont les conditions de travail risquent d’être dégradées par des employeurs peu scrupuleux, des institutions du marché du travail inefficaces, un affaiblissement de la négociation collective ou des lois qui la tolèrent. Il est avéré que les ressortissants de pays tiers souffrent de discriminations fondées sur leur nationalité. Le marché du travail européen ressemble à un gâteau à trois couches : les travailleurs locaux occupant la couche supérieure, les migrants de l'UE celle du milieu et les ressortissants de pays tiers étant relégués à la couche inférieure. Les différences sont visibles dans les taux d'emploi, les conditions de travail et l'accès à la protection sociale. Dans le même temps, le marché du travail européen enregistre une pénurie de main-d’œuvre qui ralentit la croissance économique dans de nombreux pays de l'UE. C'est notamment le cas dans les pays qui connaissent une forte décroissance démographique ou un vieillissement rapide de la population et dans les pays où les politiques migratoires sont inefficaces.

Amélioration de la politique migratoire de l’UE et cadre juridique adéquat et flexible. Il serait souhaitable de définir un cadre européen unique qui fixe le statut juridique des ressortissants de pays non-membres de l’UE résidant dans l’UE ainsi que les droits et obligations des travailleurs venant de pays tiers. Les directives européennes (telles que celles relatives à la carte bleue, aux TIC et aux emplois saisonniers) créées pour ouvrir des voies légales sont mal utilisées. Seule la directive du permis unique semble représenter un nombre important des permis délivrés chaque année en Europe. La législation de l'UE devrait garantir des emplois décents dans le plein respect du principe de l'égalité de traitement et de l'accès aux droits en matière d’emploi. Statut d’immigration et droits en matière d’emploi devraient être séparés pour garantir que tous les travailleurs puissent faire valoir leurs droits sur le marché du travail. Il est impératif que les syndicats organisent les travailleurs migrants pour qu’ils puissent ensuite faire valoir ces droits. L'adhésion à un syndicat reste la clé d'une intégration réussie des migrants dans les communautés d'accueil.

Au sein de l’UE, les femmes migrantes restent confrontées à toute une série de défis et de discriminations liés à leur statut migratoire, leur origine ethnique et leur genre. La deuxième enquête sur les minorités et la discrimination menée par l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne montre qu’un nombre élevé de jeunes femmes migrantes (âgées de 16 à 24 ans) ne travaillent pas, ne suivent pas d’études ni une quelconque formation. Dans de nombreux pays, cela est dû au manque ou à l’inaccessibilité de structures les empêchant de décrocher un emploi ou de suivre des cours pour apprendre la langue du pays d’accueil. La CES demande donc que les gouvernements ainsi que les autorités régionales et locales apportent davantage de soutien à toutes les familles indépendamment de leur situation particulière.

Prévenir les abus, l'exploitation et le trafic. Les migrants devraient avoir les mêmes droits, opportunités et salaires que la main-d'œuvre locale. L'égalité de traitement doit être la règle pour protéger les travailleurs vulnérables et le protocole de l'OIT de 2014 sur le travail forcé doit être mis en œuvre et appliqué sans délai. La traite des êtres humains, dont les femmes exploitées sexuellement sont les principales victimes, doit être combattue par tous les moyens appropriés.

Les migrants sans papiers doivent pouvoir faire valoir leurs droits au travail. Dans de nombreux États membres, les travailleurs sans papiers ne sont pas en mesure de réclamer leur droit au travail parce que la législation lie les droits en matière d’emploi au statut migratoire. Des employeurs sans scrupules profitent donc de la situation pour obliger les travailleurs sans papiers à accepter des conditions abusives sans qu’ils puissent s’en plaindre aux autorités sauf à risquer l’emprisonnement ou la déportation. Il est impératif que les États membres séparent le statut migratoire et les droits au travail afin d’éviter de tels abus. Compte tenu du grand nombre de travailleurs migrants présents en Europe, de l’exploitation à laquelle ils sont souvent soumis et de la grande difficulté à les rapatrier, une solution politique doit être trouvée au niveau européen. Les migrants non ressortissants de l'UE doivent en particulier être protégés contre les formes illégales ou irrégulières d'emploi et bénéficier d'une régularisation au cas par cas de leur situation. Le socle européen des droits sociaux doit être interprété de manière à protéger pleinement tous les ressortissants de pays tiers « qui sont au travail dans des activités légales » ou en séjour régulier.

UnionMigrantNet est le réseau syndical d'aide à l'intégration des migrants. Il s'est révélé être un facteur de visibilité pour le mouvement syndical au niveau de l'UE et un instrument efficace pour tirer parti des meilleures pratiques. En tant que réseau syndical global, UnionMigrantNet a attiré l’attention d’institutions européennes et démontré sa valeur ajoutée pour le renforcement de la coopération que les syndicats mettent en place en Europe ou avec des pays tiers. A partir de janvier 2020, la CES entraînera tous ses membres dans un processus de consolidation accrue du réseau en développant également un nouveau portail web qui pourrait finalement devenir un point de référence pour tous les migrants en Europe. UnionMigrantNet peut aussi être renforcé pour répondre à la priorité de la CES de mieux impliquer les migrants et autres groupes minoritaires marginalisés dans la vie syndicale et les processus décisionnels.

Nos actions

La CES plaidera en faveur d'un agenda global de l'UE en matière de migration, fondé sur les valeurs et principes des droits de l'homme, d'égalité de traitement, de solidarité, d'intégration et d'inclusivité au bénéfice de tous. Nous exigerons également la mise en place urgente de nouvelles voies de migration sûres et régulières et relierons les conditions de travail des migrants au socle européen des droits sociaux.

La CES continuera à sensibiliser à l’importance des travailleurs migrants par des actions visant à améliorer les conditions de tous les travailleurs et, en tant que membres de nos communautés, de leur rôle clé dans l’industrie et les services publics. La CES encouragera l’ouverture un dialogue structuré avec la Commission européenne et les partenaires sociaux afin d'élaborer des points de vue communs et des propositions politiques, dont la négociation collective, pour une meilleure gestion des compétences, la reconnaissance des aptitudes et l’accès à l’emploi et au marché du travail pour les travailleurs issus de l'immigration.

Les travailleurs migrants sans papiers continuent d'être victimes de formes graves d'exploitation par le travail. La CES demande que le statut migratoire et les droits en matière d’emploi soient séparés pour permettre aux travailleurs sans papiers de faire valoir leurs droits. Nous réclamerons également un dialogue structuré avec la Commission européenne et les employeurs afin d'identifier les pistes d'amélioration de la directive sur les sanctions à l'encontre des employeurs, y compris la délivrance de permis de séjour aux travailleurs signalant une exploitation et le renforcement des inspections du travail. Nous demanderons en outre l'activation de l'Autorité européenne du travail afin de promouvoir le droit des travailleurs en situation irrégulière à passer d'un emploi irrégulier à un emploi régulier. Il faut de plus contrôler la pleine application par les États membres de la directive européenne 52/2009 ainsi que son efficacité toute relative. De manière générale, la CES promeut et contrôle l’application des directives européennes qui protègent les droits des migrants et des demandeurs d’asile.

Le cadre juridique actuel de l'UE régissant les voies de migration régulière (regroupement familial, séjour de longue durée, travailleurs saisonniers, directive sur le permis unique) devrait être amélioré afin de garantir une harmonisation des droits au travail, une protection accrue sur le marché du travail et des mesures d'application adéquates de l'acquis communautaire. Tant dans la législation existante que dans les nouvelles initiatives, la CES encouragera un échange entre experts juridiques et praticiens afin d’identifier toutes les lacunes des directives et de promouvoir un cadre juridique plus efficace pour l'entrée et le travail dans l'UE.

La CES continuera à coordonner et à soutenir le travail d’UnionMigrantNet et à rechercher des opportunités de financement pour améliorer les activités du réseau favorisant sa composante services. UnionMigrantNet est le « réseau des réseaux » des syndicats européens qui aide à l'intégration des migrants. C'est le cadre dans lequel la coopération syndicale transnationale peut prospérer dans l'intérêt de tous les travailleurs. Le réseau RSMMS, impliquant les syndicats européens et africains, peut être l'occasion d'accroître l'action d’UnionMigrantNet dans les pays avec lesquels l'UE construit des partenariats de mobilité et des outils pour une gestion partagée des flux migratoires. Il améliorera également les échanges entre l'Europe et l'Afrique afin de renforcer les capacités syndicales de soutien aux migrants, soit dans le sens sud-nord, soit dans les mouvements sud-sud.

Les formes existantes de coopération entre organisations syndicales nationales doivent également être appréciées dans le cadre d’arrangements bilatéraux ou multilatéraux. Ces arrangements peuvent soutenir les travailleurs migrants, favoriser la sensibilisation et la formation en matière de législation, de réglementation et de droits du travail et, ainsi, encourager les migrants à s’affilier à un syndicat pour faciliter leur intégration sociale et leur entrée dans le marché du travail et devenir des citoyens actifs.

La CES continuera à placer le principe de l'égalité de traitement des travailleurs migrants au premier plan de tout plaidoyer ou travail technique et à contribuer aux projets transnationaux visant à promouvoir la tolérance et l'égalité des droits et des chances. En outre, la CES encouragera tous ses affiliés à mener des campagnes et des actions de sensibilisation afin de contribuer à changer les opinions négatives et mal fondées du grand public sur l'immigration. Une attention particulière sera accordée à la situation des femmes et des enfants en situation de vulnérabilité. Le mouvement syndical a la responsabilité d'identifier, de dénoncer et de mettre fin aux situations qui exposent les femmes et les enfants issus de l'immigration à des conditions de vie et de travail préjudiciables, en particulier au sein des diasporas.

La CES s'opposera à toute tentative de recourir à des arguments racistes ou discriminatoires à quelque niveau que ce soit. Elle encouragera la diffusion d’un discours qui exclut les préjugés et promeut l'unité d’intérêts entre travailleurs locaux et travailleurs migrants. La CES soutiendra les activités de ses membres visant à organiser les travailleurs migrants, y compris ceux sans papiers, et à négocier collectivement pour garantir que tous les travailleurs, indépendamment de leur statut migratoire ou de leur nationalité, soient traités sur un pied d'égalité et voient leurs droits respectés. La CES collaborera avec les principales parties prenantes de la société civile telles que PICUM sur des stratégies communes à long terme.

Le travail forcé et l'exploitation sont encore très répandus dans de nombreux secteurs économiques, tels que le tourisme, l'agriculture et la construction, et il faudrait en faire davantage pour prévenir et lutter contre la discrimination et les abus.

La CES est clairement engagée dans la lutte contre toute forme de discours raciste ou xénophobe et d’attitude culturelle complaisante envers des arguments discriminatoires. Elle s’oppose à toute organisation politique qui choisit d’encourager la discrimination, la violence et la division parmi les gens. La CES travaillera avec les eurodéputés du nouveau parlement pour s’élever contre les politiques xénophobes et discriminatoires et promouvoir les principes syndicaux à l’égard des migrants et des demandeurs d’asile.

[1] https://www.etuc.org/fr/document/resolution-de-la-ces-pour-une-politique-europeenne-progressiste-en-matiere-de-commerce-et