Résolution de la CES: Pour une protection plus effective des migrants et des réfugiés, de leur vie et de leurs droits aux frontières de l'UE

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RÉSUMÉ

- Les événements dramatiques de Lampedusa ont provoqué une vague d'indignation à travers l'Europe et dans le monde. Il s'agit là d'une tragédie récurrente dont sont victimes les migrants aux frontières de l'Europe, notamment en mer Méditerranée.

- Les guerres, les persécutions et les catastrophes naturelles qu'endurent les populations d'Afrique et du Moyen-Orient alimenteront les routes migratoires du Sud. L'instabilité politique de ces régions réduit les marges de coopération avec les pays d'origine et de transit.

- La politique migratoire et d'asile de l'UE s'est améliorée au cours des dernières années, mais elle révèle encore des domaines dans lesquels les instruments de l'UE ne sont pas appropriés pour répondre effectivement aux urgences actuelles dans un esprit de solidarité. Les États membres sont moins coopératifs; la législation est fragmentée et mal appliquée; les ressources pour les interventions de l'UE sont insuffisantes.

La CES :

Demande aux États membres de faire preuve d'une plus grande coopération pour la protection internationale des réfugiés, une caractéristique de longue date de la politique migratoire de l'UE ;

Demande davantage de moyens légaux pour les migrants, en particulier pour les réfugiés et les personnes ayant besoin de protection internationale ;

Dénonce la criminalisation injustifiée des migrants sans papiers et l'usage disproportionné de la détention illégitime, souvent dans des conditions inhumaines ;

L'UE a besoin d'une politique ferme en matière de lutte contre la traite, poursuivant résolument les passeurs, trafiquants et facilitateurs. La coopération avec les pays d'origine et de transit ne peut se limiter à des opérations de police mais elle doit permettre le développement économique et social des régions du monde les moins développées.

La CES soutient les propositions du Parlement européen en faveur d'une réforme du cadre de l'asile et de la migration à l'échelle de l'UE. Parallèlement, la CES propose 4 mesures urgentes pour répondre à l'urgence actuelle :

1. Les institutions et agences européennes doivent avoir le pouvoir de mettre en œuvre une véritable politique commune de l'asile et de la migration, basée sur le respect des droits fondamentaux de l'UE et des normes internationales de protection des migrants. Les institutions et agences européennes doivent être soutenues par des ressources adéquates.

2. Le refoulement des réfugiés de la mer doit être remplacé par le devoir de recherche et de sauvetage.

3. Un règlement européen doit supprimer toute législation nationale permettant l'exercice de poursuites pénales contre ceux qui portent assistance aux personnes dans le besoin.

4. Dans les régions exposées à des afflux disproportionnés, des structures d'accueil doivent être mises en place sous l'égide de l'UE, afin de contribuer à une réinstallation plus effective des migrants, conformément au Règlement Dublin II et au respect des droits fondamentaux tels qu'ils sont prévus par le droit communautaire.

CONTEXTE

Une urgence européenne

Le 3 octobre 2013, à quelques mètres de la côte de Lampedusa, 366 migrants sont morts après avoir traversé la Méditerranée sur une embarcation précaire. Cet événement a provoqué partout une vague d'indignation et fait planer l'ombre de la honte sur l'UE. Les autorités côtières italiennes ont été accusées d'avoir causé la tragédie en ne portant pas assistance en temps utile au bateau en détresse. Les mêmes allégations pèsent sur la population locale pour n'avoir pas apporté une assistance appropriée aux migrants à la dérive. Certaines législations nationales n'établissent pas de distinction claire entre ceux qui apportent une assistance humanitaire ou réalisent un sauvetage en mer et ceux qui facilitent l'accès clandestin. Cette situation fait peser une contrainte supplémentaire sur la population locale apportant une aide aux personnes en détresse. Cette forte solidarité manifestée par les populations locales est en contradiction avec les tentatives menées par les institutions afin de criminaliser les personnes qui arrivent illégalement sans distinctions de statut.

L'événement de Lampedusa est une des tragédies récurrentes dont sont victimes les migrants aux frontières de l'Europe, notamment en mer Méditerranée. De la Grèce à l'Espagne, de nouveaux murs sont édifiés pour empêcher les gens de circuler. Les murs séparant l'Espagne du Maroc sont pourvus de lames qui blessent les gens (parfois mortellement) qui tentent de les escalader, tout comme les murs d'une prison. Deux kilomètres de murs séparent les frontières grecques et turques à Evros. Des milliers de migrants perdent la vie en essayant d'atteindre l'Europe et sont souvent décrits comme des délinquants et traités comme tels. Trop souvent, les migrants sont privés de leur droit de demander une protection internationale dans un endroit sûr . Dans de nombreux États membres, les demandeurs d'asile sont traités comme des délinquants et sont soumis à de longues détentions , souvent dans des conditions inhumaines, indépendamment de leur statut. Il est reproché aux opérations de patrouille frontalière conduites dans le cadre de la coordination de FRONTEX de ne pas en faire assez pour observer les droits fondamentaux de l'UE .

Les flux migratoires ne cesseront pas

En dépit d'une forte réduction du nombre de migrants sans papiers recensés entre 2011 et 2012, les risques associés au franchissement illégal des frontières terrestres et maritimes restent très élevés, en particulier dans le sud de l'UE. FRONTEX prévient que « il est encore probable que des situations de crise se produisent à la frontière sud et que des milliers de personnes tentent de franchir illégalement les frontières au cours d'une période de plusieurs semaines ou mois. Les expériences passées montrent que ces crises entraînent la perte de vies humaines et qu'il est très difficile de les prévoir et d'y faire face sans une réponse coordonnée » .

Mais ce n'est pas la première fois que l'Europe fait face à un afflux massif de personnes déplacées, comme ce fut le cas lors des guerres de l'ancienne Yougoslavie en 1992 et du Kosovo en 1998/1999. Ces événements se sont traduits par des décisions du Conseil européen visant à assurer un équilibre entre les efforts consentis par les États membres pour protéger les personnes déplacées par la mise en place de mécanismes de solidarité, qui ont ensuite été définis dans la directive 2001/55/CE sur la protection temporaire en cas d'afflux massif de personnes déplacées. On peut regretter que les États membres n'aient pas eu recours à cet instrument récemment .

La honte qui plane sur l'Europe aujourd'hui semble être imputable à l'appauvrissement d'une coopération véritable plutôt qu'à un renforcement du phénomène migratoire. Compte tenu de l'instabilité des côtes méridionales de la Méditerranée et du Moyen-Orient, ainsi que des effets dramatiques de la crise économique et politique mondiale et des changements environnementaux, les afflux massifs devraient se reproduire, mais demeurent assez imprévisibles. Cependant, il existe et il continuera d'exister un nombre très important de personnes qui cherchent légitimement protection dans l'UE. Pour sa part, l'Union a la responsabilité d'ouvrir son territoire de liberté aux personnes en besoin de protection . C'est pourquoi la Commission européenne propose des structures communes pour l'asile, la protection temporaire des migrants et l'ouverture de canaux légaux.

Les frontières méridionales de l'UE sont fragiles. Les patrouilles de contrôle des frontières maritimes représentent un exercice coûteux souvent exacerbé par la capacité des organisations criminelles de rediriger les flux migratoires vers les lieux où elles détectent des failles dans le contrôle des frontières. Les chiffres de FRONTEX sur les entrées irrégulières détectées montrent comment des flux irréguliers modifient leurs itinéraires d'année en année afin d'éviter les contrôles .

L'instabilité politique dans les pays d'origine et de transit, qui est également une conséquence de la série de Printemps arabes, rend la coopération avec ces pays d’autant plus nécessaire que sont incertains les résultats qui pourront en découler en temps utile. Des mesures plus urgentes sont nécessaires pour faire de l'espace méditerranéen un lieu sûr (à la fois pour l'UE et les migrants) tout en mettant en œuvre une approche globale de la migration et de la mobilité .

Une politique européenne d'asile renforcée

La politique européenne d'asile a fortement évolué au cours des dernières années. L'acquis communautaire fournit un cadre juridique permettant aux États membres d'intervenir dans un esprit de coopération et d'équité envers les ressortissants de pays tiers dans le respect absolu de la Charte européenne des droits de l'homme et des conventions internationales. Les agences et programmes de l'UE assurent l'existence d'une branche opérationnelle au service de la politique commune .

Ces progrès ne se reflètent pas dans l'attitude des gouvernements nationaux, qui préservent jalousement leurs compétences dans un domaine auquel leurs citoyens sont assez sensibles. Les institutions européennes ne sont appelées à la rescousse que lorsque les États membres font face à de réelles difficultés, offrant la perspective détestable d'une décharge de responsabilités.

La volonté de l'Europe n'est autre que la volonté des gouvernements nationaux. Le champ d'action attribué à la Commission européenne et aux agences de l'UE n'est autre que le champ d'action qui leur est attribué par les États membres. Pour qu'une politique commune tire parti de tout son potentiel, la Commission européenne doit être compétente, disposer d'un mandat clair et de ressources adéquates.

Une partie de l'acquis communautaire peut être améliorée pour mieux s'adapter aux caractéristiques changeantes des flux migratoires. Malgré la directive 2001/55/CE concernant l'octroi d'une protection temporaire et la directive 2004/83/CE sur la qualification de l'asile (sur les réfugiés et la protection subsidiaire), il existe au moins 60 formes différentes et non harmonisées de statut de protection, ce qui complique l'examen de la situation dans chaque pays ou la garantie du respect des normes minimales de protection des migrants .

Le mécanisme européen de réinstallation des demandeurs d'asile est loin d'être optimal. Cette situation prive les migrants de la possibilité d'atteindre leur destination finale désirée, où ils peuvent avoir un membre de leur famille, un ami, un soutien ou une possibilité d'emploi. En outre, l'absence de mécanisme efficace de réinstallation des réfugiés est considérée comme une lacune dans la gestion commune des frontières extérieures méridionales des États membres.

Le déplacement des réfugiés est encore possible dans le cadre du régime institué par le règlement de Dublin, mais les statistiques démontrent que la réinstallation des demandeurs d'asile se résume à quelques cas. Une coopération plus étroite entre les autorités nationales et les institutions européennes peut produire des mécanismes de soutien réciproque, dans le cadre d'une approche équilibrée, en tenant compte de la population et de la disponibilité du marché du travail de chaque pays et, partant, en atténuant les difficultés des États membres soumis à un afflux disproportionné.

Le programme EUREMA montre que les règles actuelles peuvent déjà constituer une base juridique suffisante pour mettre en place des programmes de partage des charges, dans le respect absolu des droits des migrants . Les opérations coordonnées de FRONTEX en Grèce ont apporté le soutien de l'UE aux autorités grecques afin de renforcer les patrouilles de contrôle des frontières terrestres et maritimes, les aidant par ailleurs à commencer à rétablir le respect des droits de l'homme dans les centres de détention .

Faire face à l'urgence en mer Méditerranée

Suite aux événements de Lampedusa, le Conseil et le Parlement européen ont adopté une position pour imprimer un nouvel élan aux politiques de l'UE tout en exigeant des États membres qu'ils assument leurs responsabilités.

Le Conseil de l'UE, dans les conclusions du sommet (conclusions du Conseil européen des 24/25 octobre ; point V : flux migratoires), reconnaît qu'il est essentiel de détecter les navires et les entrées illégales, contribuant ainsi à protéger et à sauver des vies aux frontières extérieures de l'UE. Le Conseil européen invite la nouvelle Task Force Méditerranée, dirigée par la Commission européenne, et à laquelle sont associés les États membres, les agences européennes et le Service européen pour l'action extérieure (SEAE), à identifier - sur la base des principes de prévention, de protection et de solidarité - les actions prioritaires pour une utilisation à court terme plus efficace des politiques et instruments européens.

Ici encore, le Parlement européen va plus loin et demande instamment à l'Union européenne et aux États membres d'en faire davantage pour éviter d'autres pertes de vie en mer. L'assistance aux migrants en détresse et le sauvetage en mer comptent parmi les principales priorités de la mise en œuvre du système EUROSUR adopté récemment .

Le Comité économique et social insiste sur le devoir de garantir les droits de l'homme des immigrés, que ce soit en détention ou en haute mer.

Les instruments juridiques existants et les mesures actuelles sont insuffisants.

Malgré les progrès accomplis, la politique européenne de la migration et de l'asile souffre de lacunes évidentes. Les deux chapitres précédents révèlent les domaines pour lesquels les instruments de l'UE (législation, mesures politiques et programmes opérationnels) ne sont pas appropriés pour faire face efficacement aux problèmes et urgences actuels.

Cette situation peut être imputable à certains facteurs, notamment:

• L'attitude des États membres qui ne manifestent que peu d'intérêt à coopérer au plan européen. Les engagements pris dans les conclusions du Conseil mentionnées plus haut semblent plus formels que substantiels ;

• L'acquis communautaire est encore trop fragmenté pour produire des niveaux satisfaisants d'harmonisation ou d'établissement de normes communes. Mais surtout, la législation européenne actuelle est transposée formellement, mais à peine appliquée ;

• Les ressources nécessaires aux actions opérationnelles au plan européen sont insuffisantes par rapport à l'ampleur des défis auxquels ont à faire face la Commission européenne et ses agences.

RÉSOLUTION DE LA CES

En raison des lacunes mentionnées plus haut, une résolution de la CES est nécessaire sur le sujet spécifique faisant l'objet de la présente analyse de fond et sur la base des principes généraux établis par le Plan d'action de la CES sur la migration (adopté en mars 2013).

Le Plan d'action affirme qu'au cours des dernières années, nous avons été les témoins du mépris systématique affiché à l'égard des règles internationales relatives aux demandeurs d'asile et aux réfugiés ainsi que des violations de la Convention des Nations Unies (Genève). Les Etats membres ne peuvent déroger à leur responsabilité vis-à-vis de la communauté internationale et, plus important encore, vis-à-vis de l'obligation de respecter la vie des personnes en recherche de protection ou des demandeurs d'asile.
La CES demande à l'UE de faire office d'exemple au plan international et elle encourage les Etats membres à ratifier et à mettre en œuvre les normes internationales de protection des migrants et de leurs familles.

Les points suivants sont soumis à l'adoption du Comité exécutif

POSITIONS DE LA CES

Règlement de Dublin 2 . Les procédures actuelles de réinstallation dans le cadre du règlement de Dublin ne constituent pas une raison suffisante pour remettre en place la demande de protection dans un Etat membre différent sur demande du demandeur d'asile. En outre, le règlement ne constitue pas une base solide en termes de solidarité et de confiance mutuelle entre les Etats membres.

La CES souligne que les progrès accomplis jusqu'à présent en termes de solidarité entre les États membres et d'équité à l'égard des migrants n'ont pas été à la hauteur de l'ampleur des événements sur les autres rives de la Méditerranée.

La CES demande un renforcement de la politique de développement économique et social avec les pays d'origine, afin de créer les conditions d'un bon développement humain dans les régions moins développées du monde, éliminant ainsi les raisons d'une migration forcée.

La lutte contre la traite des êtres humains doit être poursuivie sans hésitation. La directive 2011/36/EU doit être mise en œuvre et appliquée dans tous les Etats membres. Une application adéquate de la directive sur les sanctions à l'égard de l'employeur devrait dissuader les trafiquants et protéger les victimes d'exploitation au travail. Les employeurs doivent garantir une rémunération appropriée et les migrants doivent avoir le droit d'être assistés pour faire valoir effectivement leurs droits.

La CES demande une plus grande transparence dans la mise en place de moyens légaux pour ceux qui ont besoin de protection. En 2012, seuls 20 % des demandes de protection internationale présentées se sont traduites par une réponse positive. Trop souvent, les États membres refusent le droit à la protection internationale (ex. : permis octroyés aux demandeurs d'asile) sur une base discrétionnaire et pour des raisons autres que la situation individuelle du demandeur (par exemple, lorsque les demandes dépassent le nombre de permis qu'ils ont prévu d'accorder au cours de telle ou telle année). La délivrance de permis pour des raisons de protection internationale ne peut être soumise à des plafonds ou à des quotas, mais doit être basée sur une évaluation objective de la situation de la personne qui recherche une protection internationale et sur la situation de son pays d'origine.

En outre, la CES déplore la criminalisation des migrants sans papiers, en particulier lorsqu'ils sont exposés à des traitements dégradants et à une détention illégitime. La migration sans papiers, en particulier dans l'objectif de demander asile, ne peut jamais être considérée comme un délit et être traitée comme tel. Les États membres qui ont adopté des dispositions juridiques dans ce sens doivent les modifier, et la Commission européenne doit superviser ce processus.

Dans le contexte des problèmes liés au contrôle des migrations venant de pays tiers, la Confédération européenne des syndicats condamne vigoureusement toute mesure prise ou tout moyen utilisé portant atteinte à la dignité morale ou à l’intégrité physique des personnes. Nous sommes en particulier opposés aux moyens utilisés aujourd’hui par le gouvernement espagnol – par exemple l’utilisation de lames coupantes - pour empêcher l’immigration de personnes venant d’Afrique.

Les demandes d'asile doivent être traitées en un temps limité et proportionné et une telle procédure ne doit jamais impliquer une détention illégitime. Le droit de recours contre le refoulement doit être garanti.

La CES demande aux États membres d'assumer leurs responsabilités et de faire preuve de davantage de coopération avec les institutions européennes. Les initiatives et programmes de l'UE doivent apporter un soutien et des ressources supplémentaires, et ne pas se substituer aux responsabilités qui incombent aux États membres. Dans la mise en œuvre de leurs programmes et dans l'accomplissement de leurs tâches, l'UE et les agences européennes doivent rendre des comptes aux parties prenantes afin de garantir le respect des droits fondamentaux des migrants.

La CES réaffirme que toute action entreprise dans le cadre des politiques migratoires et d'asile ou par chaque État membre doit toujours s'inscrire dans le respect des droits de l'homme tels qu'ils sont prévus par le droit international. La CES réitère son appel en faveur de la ratification de la Convention des Nations Unies sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille.

La coopération avec les pays d'origine ou de transit est nécessaire dans le cadre de l'approche globale de la migration afin de prévenir les flux illégaux et de lutter contre le trafic des êtres humains. Les partenariats ou accords, conclus par l'UE ou un État membre, doivent être subordonnés à l'adhésion par le pays tiers concerné à la Convention internationale sur les droits de l'homme et les droits fondamentaux des migrants et à sa capacité de garantir leur application. La coopération euro-méditerranéenne peut constituer une plateforme permettant une meilleure gestion des flux de migration et une prise en compte plus effective des urgences humanitaires.

Les États membres doivent mettre à la disposition des bénéficiaires des outils de protection temporaires pour obtenir un statut migratoire différent lorsque leur régime de protection touche à sa fin. Par conséquent, la directive 2011/51/UE doit être transposée et appliquée dans tous les États membres.

La politique d'asile et migratoire est récente, ce qui explique pourquoi le champ d'action des institutions européennes n'a pas encore été pleinement exploité. La méthode communautaire doit prévaloir et le Parlement européen doit y jouer un rôle central, permettant une gouvernance plus transparente et une participation accrue des parties prenantes.

La CES soutient la résolution du Parlement européen lorsqu'elle :

• Souligne l'importance du partage des responsabilités afin de réduire la pression sur les États membres qui reçoivent le nombre le plus élevé de demandeurs d'asile et de bénéficiaires de la protection internationale, en termes absolus ou proportionnels ;

• Soutient les propositions de la Commission de déployer une opération de recherche et sauvetage de Chypre à l'Espagne et de renforcer FRONTEX par une augmentation de son budget et un renforcement de ses capacités ;

• Demande à l'Union et à ses États membres d'envisager la possibilité d'établir des mécanismes permettant d'identifier les lieux sûrs pour le débarquement de réfugiés et de migrants secourus lorsque le débarquement n'implique pas nécessairement la seule responsabilité de l'État sur le territoire duquel les personnes secourues en mer sont débarquées ;

• Rappelle que la solidarité de l'UE doit aller de pair avec la responsabilité, et que les États membres ont une obligation légale d'assistance aux migrants en mer ;

• Demande à l'UE et aux États membres de modifier ou de réviser toute législation sanctionnant les personnes assistant les migrants en détresse en mer afin de clarifier que l'aide humanitaire aux migrants en détresse en mer doit être bienvenue, et n'est pas une action susceptible de conduire à une quelconque forme de sanction ;

• Demande aux États membres de respecter le principe de non-refoulement, conformément au droit international et communautaire en vigueur, et de mettre immédiatement fin à toute pratique de détention étendue et inappropriée en violation du droit international et communautaire, et souligne que les mesures de détention des migrants doivent toujours faire l'objet d'une décision administrative dûment fondée et de caractère provisoire.

PROPOSITIONS DE LA CES : QUATRE MESURES URGENTES POUR FAIRE FACE À L'URGENCE ACTUELLE

Après avoir établi les principes généraux et les mesures à long terme nécessaires, certaines mesures sont plus urgentes parce que, l'année prochaine, ce sont des milliers de migrants de plus qui traverseront encore la Méditerranée. Les quatre propositions ci-dessous visent à assouplir les rigidités des politiques actuelles qui deviennent des raisons de ne pas assister des personnes en détresse ou d'accepter des morts qui en réalité peuvent être évitées.

PREMIÈRE PROPOSITION : les institutions européennes et leurs agences doivent être compétentes pour mettre en œuvre une véritable politique commune de l'asile et de la migration et disposer des ressources adéquates pour mener à bien leur mission. Elles doivent être tenues au respect des droits humains fondamentaux tels qu'ils sont ancrés dans les traités européens et en être responsables.

Les traités et la législation secondaire clarifient les responsabilités entre les États membres et l'UE. Davantage d'Europe signifie davantage de ressources matérielles et d'autonomie dans leur gestion. Les institutions et agences européennes travaillent avec les moyens mis à leur disposition par les États membres, mais elles doivent pouvoir bénéficier d'un budget plus important pour que cette gestion autonome soit possible. Cette évolution ne sera pas sans incidence sur la responsabilité des différentes parties prenantes, publiques et privées, qui sont actives dans ce domaine spécifique.

DEUXIÈME PROPOSITION : remplacer le refoulement des réfugiés de la mer par le devoir de recherche et de sauvetage en mer.

Le principe européen du non-refoulement, bien que prévu par l'article 78 TFUE, est trop souvent inobservé. Il comprend également le « devoir de sauvetage », qui souvent est ignoré, à l'appui de la prétention selon laquelle aucun navire à la dérive n'a été détecté. Le principe suprême demeure la protection des vies humaines. Que des organisations criminelles tentent de tirer profit de cette valeur fondamentale ne peut être une raison pour l'ignorer. Nous serons toujours l'Union européenne si nous sommes capables de placer la protection des victimes au premier rang de nos priorités.

TROISIÈME PROPOSITION : Un règlement européen devrait supprimer toute législation nationale permettant des poursuites pénales à l'encontre de ceux qui portent assistance aux personnes dans le besoin.

Il est possible de distinguer les trafiquants et les passeurs de ceux qui portent assistance aux personnes dans le besoin. Il est inacceptable que quiconque assiste une personne dans le besoin puisse être passible de poursuites pénales ou administratives. Sur la base de l'article 78 TFUE et de la Charte des droits fondamentaux, il est urgent de prendre une initiative législative, afin d'interdire toute forme de poursuite de ceux qui portent assistance aux migrants en danger de mort ou de ceux qui les tirent d'une situation de danger.

QUATRIEME PROPOSITION : mise en œuvre d'un programme appelé FRONTAID destiné à créer des structures d'accueil sous les auspices de l'UE dans les régions exposées à des afflux disproportionnés, des structures d'accueil doivent être mises en place sous l'égide de l'UE, par la création de lieux qui sont « territoire de l'ensemble des États membres », dans le respect des droits fondamentaux tels qu'ils sont prévus par le droit communautaire.

Dans le cadre d'un projet spécifique mené par une agence européenne, un certain nombre de structures d'accueil doivent être établies dans les États membres situés le long des zones les plus exposées, comme les côtes de la Méditerranée. Dans le cadre du programme FRONTAID, les migrants débarqués relèveraient de la responsabilité de l'UE jusqu'au moment où toutes les procédures préliminaires ont été traitées et ensuite assignées à l'Etat membre compétent. Le débarquement de migrants (dont le véritable statut ne peut être déterminé à un stade initial) ne déclenche pas le mécanisme de la « responsabilité unique », qui attribue au migrant tout type de procédure, y compris la procédure d'asile, du pays concerné. Les migrants relèvent de la responsabilité de l'UE jusqu'au traitement des procédures préliminaires et à l'attribution à l'État membre compétent.

La mise en place de ces structures FRONTAID comme « territoire de l'ensemble des États membres » encouragera les actions de recherche et sauvetage et découragera le refoulement des migrants à la mer. Il s'agirait là d'une contribution pratique à la solidarité permettant la réinstallation au sein de l'UE des demandeurs d'asile, conformément aux dispositions du règlement Dublin II. Ceci entraînerait une accélération de toutes les procédures concernant l'asile et permettrait d'éviter les cas de détention illégitime des demandeurs.

36.3. Ces structures d'accueil permettront de :

• fournir des soins de première urgence ;

• d'engager et de gérer les procédures relatives à l'identification des migrants ;

• procéder à un examen préliminaire de la demande d'asile afin de désigner l'État membre compétent, conformément au règlement Dublin II ;

• faciliter la coopération avec l'État membre compétent pour présenter une demande d'autres types de permis ;

• superviser la mise en œuvre des procédures de retour, le cas échéant.

Ces structures devront prendre en charge les migrants, notamment ceux qui ont été sauvés dans les eaux internationales (ou découverts en essayant de traverser des frontières terrestres dans des conditions dangereuses), et viser à soulager la situation des États confrontés à des afflux massifs. Elles peuvent également être averties de situations d'urgence humanitaire afin d'anticiper des difficultés prévisibles. Ces structures s'inscrivent dans les efforts en faveur d'une coopération administrative intégrée et renforcée de gestion des politiques migratoires avec des agences comme le Bureau européen d'appui en matière d'asile (EASO) et FRONTEX, avec la participation du HCR, de la FRA et des parties concernées.

SUIVI

La CES et ses affiliés soumettront les positions et propositions de cette résolution à la Commission européenne, aux agences européennes compétentes, au Parlement européen et au Conseil, aux gouvernements des États membres et à toute autre autorité compétente, afin d'atteindre les objectifs des stratégies syndicales dans le domaine de la migration des réfugiés et des demandeurs d'asile.