Résolution de la CES à l’occasion du 60e anniversaire de la Charte sociale européenne du Conseil de l’Europe et du 25e anniversaire de la Charte sociale européenne révisée

ETUC Secretariat 2019

Résolution de la CES à l’occasion du 60e anniversaire de la Charte sociale européenne du Conseil de l’Europe et du 25e anniversaire de la Charte sociale européenne révisée

Adoptée par le Comité exécutif de la CES lors de sa réunion des 22-23 mars 2021

« Accroître l’efficacité des droits syndicaux, des droits des travailleurs et des droits sociaux fondamentaux en renforçant la Charte sociale européenne »

En 2021, la Charte sociale européenne du Conseil de l’Europe (CSE) et la Charte sociale européenne révisée (CSER) fêtent respectivement leur 60e et 25e anniversaire. Toujours en 2021, la Convention du Conseil de l'Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique (« Convention d'Istanbul ») fêtera son 10e anniversaire. À cette occasion et profitant de la dynamique de ces anniversaires, la CES :

  • Rappelle l’importance de la Charte et de ses développements ultérieurs afin de parvenir à une Europe plus sociale ;
  • Exhorte les États membres à respecter pleinement leurs obligations découlant de ces normes sociales et de la jurisprudence respective du Comité européen des droits sociaux (CEDS) et à assurer le respect total et la mise en œuvre efficace des droits de la Charte ;
  • Demande à tous les États membres d’adhérer pleinement à tous les instruments élaborés dans le cadre de la Charte, en particulier à la CSER et au Protocole de procédure de réclamations collectives, ainsi qu’au Code européen de sécurité sociale ;
  • Demande à l’UE et à ses institutions de souligner l’importance du respect par l’Union de tous les droits sociaux consacrés dans la Charte sociale européenne en adhérant à la fois à la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH) et à la CSER (ainsi qu’à la procédure de réclamations collectives) et de veiller à ce que, dans la conception, l’interprétation et la mise en œuvre de la législation européenne, la Charte sociale européenne soit dûment prise en compte ;
  • Demande au Conseil de l’Europe et à ses institutions ainsi qu’aux États membres d’améliorer la mise en œuvre efficace des droits sociaux consacrés dans la CSE(R), selon le modèle retenu lors du « Processus de Turin » de 2014, ainsi que les rapports du Comité directeur pour les droits de l’homme du Conseil de l’Europe (CDDH) récemment adoptés, intitulés « Améliorer la protection des droits sociaux en Europe » ;
  • Demande à tous les États membres de renforcer leur soutien financier au Conseil de l’Europe afin d’assurer un fonctionnement efficace et continu du Conseil de l’Europe et de ses organes par le biais de ressources humaines et matérielles suffisantes pour mener à bien leurs missions ; en particulier, le Comité européen des droits sociaux et la Cour européenne des droits de l’homme devraient être protégés des retraits ou des réductions de financement ;
  • Demande à l’UE de ratifier la Convention d’Istanbul, ceci pouvant ouvrir la voie à davantage de soutien à la ratification par l’Union de la Charte sociale européenne et de la Convention européenne des droits de l’homme.

La Charte sociale européenne initiale du Conseil de l’Europe (CSE) du 18 octobre 1961 et la Charte sociale européenne révisée (CSER) adoptée le 3 mai 1996, également connue sous le nom de « Constitution sociale de l’Europe », ont été des instruments cruciaux en matière de droits de l’homme pour la protection et l’application des droits syndicaux, des droits des travailleurs et des droits sociaux fondamentaux ainsi que pour l’amélioration des conditions de travail et de vie des personnes en Europe. 

Ces deux Chartes constituent également – surtout en période de crise sociale, économique ou, comme c’est le cas aujourd’hui, pandémique[1] – l’une des dernières garanties pour protéger les droits fondamentaux des syndicats, des travailleurs et des citoyens, en particulier les plus vulnérables comme les personnes âgées, les enfants, les personnes handicapées et les migrants.

Elles ont été et sont encore, à bien des égards, des « normes vivantes en matière de droits de l’homme et des droits sociaux », la CSE initiale ayant par exemple été la première norme internationale à reconnaître explicitement le droit de grève. Mais la CSER s’est également avérée essentielle, car elle prévoit de nouveaux droits tels que, dans le domaine de l’emploi, le droit à la protection en cas de licenciement (individuel), le droit à la protection contre les formes de harcèlement sexuel et autres sur le lieu de travail, les droits des travailleurs ayant des responsabilités familiales à l’égalité des chances et de traitement, ainsi que les droits des représentants des travailleurs dans l’entreprise et, de manière plus générale, le droit à la protection contre la pauvreté et l’exclusion sociale, le droit au logement.

En 1995, un Protocole additionnel a été adopté. Il prévoit un système de réclamations collectives qui donne droit aux partenaires sociaux ainsi qu’aux organisations (internationales) non gouvernementales spécifiquement acceptées de déposer des réclamations pour des violations de la Charte dans les États ayant ratifié ce Protocole additionnel. Il s’agissait d’une voie (quasi judiciaire) importante, à côté du système de rapports national traditionnel, pour améliorer l’application efficace des droits sociaux garantis par les Chartes. La CES et ses affiliés nationaux y ont recouru avec succès au fil du temps.

À ce jour, 43 des 47 États membres du Conseil de l’Europe ont ratifié la Charte originale ou la Charte révisée. Malgré de nombreux processus importants de haut niveau pour augmenter le taux de ratification de la Charte[2], quatre États membres ont encore uniquement signé, mais pas ratifié la CSE (révisée) et seuls 15 États membres sont jusqu’à présent liés par le Protocole de procédure de réclamations collectives.

Dans le cadre européen, la CSE et la CSER ont servi de point de référence dans le droit primaire de l’UE, par exemple dans les considérants du Traité sur l’Union européenne et dans le Titre « Politique sociale » du Traité (Article 151 du TFUE). La plupart des droits sociaux fondamentaux consacrés dans la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (CDFUE)[3] et le Socle européen des droits sociaux[4] sont fondés sur les articles pertinents de la Charte.

Par ailleurs, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) et la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) reconnaissent l’importance des Chartes lors de l’interprétation de la législation européenne ou de la Convention européenne des droits de l’homme.

La promotion et la défense des droits humains, qui incluent les droits des syndicats et du travail, ont toujours été au cœur des priorités et des actions menées par la CES. Par conséquent, au fil du temps, la CES a contribué très activement au développement des deux Chartes et à leur jurisprudence établie par le Comité européen des droits sociaux (CEDS), entre autres en participant activement aux procédures de suivi,  qu’il s’agisse de la procédure de rapports (en tant qu’observateur privilégié au sein du Comité gouvernemental de la Charte sociale européenne et du Code européen de sécurité sociale) ou de la procédure de réclamations collectives.[5] Mais dans le cadre du Comité directeur pour les droits de l’homme (CDDH) aussi, dans lequel la CES dispose d’un statut d’observateur permanent depuis 2014, la CES a contribué activement dans différents domaines pour veiller à ce que la protection des droits sociaux bénéficie d’une plus grande attention.[6]

Dans son Programme d’action 2019 – 2023, adopté lors de son 14Congrès statutaire à Vienne en mai 2019, la CES a réaffirmé son engagement de longue date en faveur de la promotion et de la défense des droits fondamentaux de l’homme, du travail et des syndicats, en particulier en s’engageant à :

  • Améliorer le travail réalisé au sein et par le groupe consultatif de la CES sur les droits fondamentaux et les litiges, notamment en veillant à utiliser davantage ou, le cas échéant, à améliorer tous les mécanismes existants de contrôle (quasi ou extra)judiciaire et d'application au sein du Conseil de l'Europe ainsi qu'à l’échelon de l'UE et en faisant la promotion des bonnes pratiques ;[7]
  • Intensifier les actions (y compris les campagnes) pour inciter tant l'UE que les États membres, entre autres, à adhérer à et ratifier la Convention européenne des droits de l'homme, (tous les articles de) la Charte sociale européenne révisée (et le Protocole additionnel de 1995 prévoyant un système de réclamations collectives), ainsi que le Code européen de sécurité sociale[8] ;
  • Continuer à demander aux institutions de l’UE, et en particulier à la Commission européenne, de veiller à ce que, dans la conception, l’interprétation et la mise en œuvre de la législation européenne, la Charte sociale européenne (de même que la Convention européenne des droits de l’homme) soit dûment prise en compte pour éviter que la loi (la jurisprudence) et les politiques de l’UE contredisent, restreignent ou affectent négativement les droits consacrés dans la Charte sociale européenne.

En 2021, la CSE et la CSER fêtent respectivement leur 60e et 25e anniversaire ! À cette occasion et profitant de la dynamique de ces anniversaires, la CES :

2021 est également l’année au cours de laquelle la Convention du Conseil de l'Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique (« Convention d'Istanbul ») fêtera son 10e anniversaire. Cette année est également marquée par l’appel plus large à la ratification de la Convention n° 190 de l’OIT visant à mettre fin à la violence et au harcèlement au travail. La CES demande à l’UE de ratifier la Convention d’Istanbul, ceci pouvant ouvrir la voie à davantage de soutien à la ratification par l’UE de la Charte sociale européenne et de la Convention européenne des droits de l’homme.[10]

Dans l’annexe ci-jointe, la CES fournit également des demandes et suggestions plus particulières pour améliorer l’efficacité de la Charte sociale européenne et de ses mécanismes de surveillance afin d’assurer une meilleure protection des droits syndicaux, des droits des travailleurs et des droits sociaux en Europe.

 

 

 

 


[1] Voir entre autres : l’intervention de G. Palmisano (Président du Comité européen des droits sociaux du Conseil de l’Europe [CEDS]) à l’audience intitulée « Surmonter la crise socio-économique déclenchée par la pandémie de COVID-19 » de l’Assemblée parlementaire (APCE) – Commission des questions sociales, de la santé et du développement durable – Sous-commission sur la Charte sociale européenne (7 octobre 2020) ; l’Observation interprétative du CEDS sur le droit à la protection de la santé (Article 11 de la CSE), 22 avril 2020 ; l’Introduction générale aux Conclusions 2009 du CEDS sur la protection des droits sociaux en période de crise économique.

[2] Voir en particulier le « Processus de Turin » (2014) et le processus de suivi des rapports adoptés par le Comité directeur pour les droits de l’homme du Conseil de l’Europe (CDDH) intitulés « Améliorer la protection des droits sociaux en Europe » (Volume I et Volume II), incluant entre autres l’établissement en 2020 d’un Groupe d’experts de haut niveau sur les droits sociaux chargé de proposer des actions concrètes pour renforcer l’impact du Conseil de l’Europe en termes de protection et de promotion des droits sociaux en Europe.

[3] Voir Niklas Bruun, Klaus Lörcher, Isabelle Schömann, Stefan Clauwaert (éds) (2017) The European Social Charter and the Employment Relation, Oxford : Hart Publishing, p. 552 et Filip Dorssemont, Klaus Lörcher, Stefan Clauwaert, Mélanie Schmitt (éds) (2019) The Charter of Fundamental Rights of the European Union and the Employment Relation, Oxford : Hart Publishing, p. 712.

[4] Voir en ce sens, entre autres, la contribution de la Direction générale Droits de l’homme et État de droit du Conseil de l’Europe (DGI) à la consultation de la Commission européenne sur le Plan d’action visant à mettre en œuvre le Socle européen des droits sociaux et le rapport sur « le Socle européen des droits sociaux et le rôle de la Charte sociale européenne dans l'ordre juridique de l'Union européenne » (2019).

[5] Depuis 1999, la CES a déposé deux réclamations collectives (avec les affiliés nationaux de la CES concernés de Belgique et de Bulgarie) et soumis des interventions écrites de tiers (appelées « observations ») par rapport à quelque 47 réclamations collectives (sur 197 réclamations déposées/admises jusqu’à présent).

[6] En témoignent notamment la contribution active de la CES par rapport à la Recommandation CM/Rec(2014)2 du Comité des Ministres sur la promotion des droits de l’homme des personnes âgées, la Recommandation CM/Rec(2016)3 du Comité des Ministres sur les droits de l'homme et les entreprises, l’étude de faisabilité du CDDH de 2015 sur « L’impact de la crise économique et des mesures d’austérité sur les droits de l’homme en Europe », et le groupe de rédaction CDDH-SOC sur l’amélioration de la protection des droits sociaux. Ce dernier a notamment mené à deux rapports du CDDH (CDDH du Conseil de l’Europe [2019], Améliorer la protection des droits sociaux en Europe, Volume I et Volume II) et à la nomination au sein du CDDH d’un Rapporteur spécial sur les droits sociaux. Pour la période 2021 – 2022, la CES envisage aussi de contribuer activement au travail des groupes de rédaction du CDDH sur « L’environnement et les droits de l’homme » (CDDH-ENV) et au futur travail du CDDH sur « L’intelligence artificielle et les droits de l’homme ».

[7] Voir également à cet égard la Résolution de la CES  relative au soutien de la CES aux affiliés en matière juridique, de droits humains et de litiges stratégiques : ETUCLEX, adoptée par le Comité Exécutif de la CES le 28 octobre 2020.

[8] Programme d’action 2019 – 2023 de la CES, § 230.

[9] CDDH du Conseil de l’Europe (2019), Améliorer la protection des droits sociaux en Europe, Volume I et Volume II.

[10] Voir également à propos de la ratification de la Convention d’Istanbul le Programme d’action 2019 – 2023 de la CES, § 259. Il convient également de noter que l’Article 26 de la CSE prévoit que tous les travailleurs ont droit à la dignité dans le travail (y compris à la protection contre le harcèlement sexuel et moral). De plus, le Comité Exécutif de la CES a adopté, lors de sa réunion le 22 et 23 mars 2021, une déclaration suivant la décision du gouvernement turc de se retirer de la Convention d’Istanbul. Cette déclaration enjoint l’Union européenne et les états membres qui ne l’auraient pas fait, de ratifier cette Convention.