Résolution de la CES avant la Conférence de Katowice sur le climat

Résolution de la CES avant la Conférence de Katowice sur le climat

Adoptée au Comité Exécutif des 23 et 24 octobre 2018

Introduction

Du 3 au 14 décembre 2018, les négociations internationales sur le climat auront lieu à Katowice, en Pologne, qui accueillera la 24ème COP de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC). Cette COP revêt une importance particulière pour la CES puisque Katowice est en Europe et plus particulièrement dans une région fortement dépendante des activités à forte intensité de carbone. Cette COP doit inciter les gouvernements à concrétiser la mise en œuvre d’une « transition juste ». Pour préparer ce rendez-vous important, la CES a adopté en décembre 2017 une résolution intitulée « De la COP 23 de Bonn à la COP 24 de Katowice – les priorités de la CES pour les négociations internationales relatives au climat en 2018 ». Moins de deux mois avant l’ouverture de la COP 24, la CES réaffirme et met à jour ses principales revendications.

Le changement climatique est présent, mais l’ambition d’agir est toujours absente

Les températures et les phénomènes météorologiques extrêmes enregistrés dans le monde entier en 2018 confirment que la planète se réchauffe. Le rapport spécial du GIEC sur 1,5 °C a clarifié l’impact d’un tel réchauffement et a identifié la voie d’émission compatible avec cet objectif issu de l’Accord de Paris. Le message clé des scientifiques est clair comme de l’eau de roche : franchir ce seuil de température conduira l’humanité à des problèmes extrêmement graves, et le seul moyen de limiter la catastrophe en cours est de ramener les émissions mondiales à un niveau net nul le plus tôt possible après le milieu du siècle.

Il existe depuis cette année une sorte de version préliminaire du système d’engagement et d’examen que l’Accord de Paris a mis en place, connu sous le nom de Dialogue de Talanoa. Son principal objectif est d’évaluer les efforts déployés par les pays et d’alimenter l’élaboration des prochains plans nationaux climat (PNC). Sa structure comprend une phase préparatoire, destinée à la collecte d’informations et de preuves, et une phase politique au cours de laquelle des décisions doivent être prises, sur la base des connaissances recueillies. Maintenant que nous entrons dans la phase politique du Dialogue de Talanoa, il est de la plus haute importance que les gouvernements traduisent tous les avertissements reçus des scientifiques et de la société civile en mesures concrètes pour rehausser l’ambition de leurs politiques climatiques nationales ainsi que pour lutter contre les émissions du transport international et mettre en cohérence la politique commerciale de l’UE avec les objectifs climatiques.

En juin 2018, la CES a adopté une résolution demandant à l’UE d’adopter une « stratégie à long terme de réduction des émissions » et visant à atteindre des émissions nettes nulles d’ici 2050. L’UE doit utiliser le Dialogue de Talanoa pour aligner son niveau d’ambition pour 2030 et 2040, sur la base du sentiment d’urgence que cet objectif 2050 implique. Toutefois, même si l’UE doit montrer l’exemple en matière de décarbonisation mondiale, ses efforts seront insuffisants si les autres grandes économies n’avancent pas au même rythme. Il est particulièrement choquant de constater que malgré tous les efforts diplomatiques récents et l’adoption de l’Accord de Paris, les émissions de CO2 des pays du G20 ont augmenté en 2017 : 2 % en un an ! Pire encore, une série de grandes et moyennes économies prévoient encore une augmentation de l’utilisation de sources d’énergie à forte intensité de CO2 au cours des prochaines décennies.

Si le Dialogue de Talanoa peut aboutir à un résultat, ce doit être de rappeler à tous les pays qu’avec l’adoption de l’accord de Paris, ils se sont engagés à atteindre des émissions mondiales nulles nettes avant la fin de ce siècle et que leurs politiques doivent être élaborées en conséquence. Dès lors, nous avons besoin d’une mise en œuvre de l’Accord de Paris qui soit coordonnée pour éviter les fuites de carbone via des règles communes à toutes les grandes économies, et pour limiter le risque de changements socialement brutaux.  C’est crucial si nous voulons que le régime climatique international mis en place à Paris soit plus qu’un concours de beauté quinquennal. Ce qui est en jeu ici, c’est aussi la crédibilité du processus de négociations multilatérales de l’ONU sur le climat.

La crédibilité du régime climatique international réside également dans les modalités de mise en œuvre de l’Accord de Paris. Comme nous l’avons souligné dans notre résolution de décembre 2017, les directives de mise en œuvre de l’Accord de Paris, qui doivent être adoptées en 2018, sont d’une importance capitale pour l’avenir du régime climatique mondial. La COP 24 doit fournir un ensemble de règles qui permettra au nouveau système d’être opérationnel en 2020 tout en assurant l’intégrité environnementale, la transparence et la comparabilité des actions.

Les règles à adopter doivent également garantir que des questions telles que l’adaptation, l’octroi de financements aux pays les plus vulnérables, le transfert de technologies et le renforcement des capacités, les investissements visant à créer des emplois de qualité, le travail décent et une transition juste soient intégrées aux obligations de planification et de rapportage des Etats, avec les mêmes exigences en termes de transparence et de qualité des données. Enfin, et ce point est également important, les modalités de travail doivent mettre l’action climatique en conformité avec les OMD des Nations unies.

La COP pour une transition juste

L’accélération du rythme de réduction des émissions est vitale si les gouvernements veulent prendre au sérieux les engagements qu’ils ont pris à Paris en 2015. Sachant que 80 % des besoins énergétiques mondiaux sont couverts par les combustibles fossiles, il ne faut pas sous-estimer l’ampleur du défi à relever. L’accomplissement du mandat de Paris aura de multiples répercussions sur les travailleurs et les collectivités. Bien entendu, une profonde décarbonisation créera des emplois dans de nombreux secteurs et générera de nombreux co-bénéfices pour l’économie et les personnes. Mais mettre en lumière les nombreux effets positifs d’un monde à faibles émissions de carbone ne dit pas tout. De nombreux secteurs seront profondément remodelés, tandis que d’autres pourraient presque disparaître. De la même manière, le système énergétique sera entièrement remodelé dans un contexte où plus de 10% des ménages de l'UE sont exposés à la pauvreté énergétique. Si les gouvernements veulent s’assurer le soutien du public pour leurs politiques climatiques, ils doivent s’assurer que l’économie à faible émission de carbone n’abandonnera personne et ne compromettra pas l’accès à l’énergie. Ceci exige un engagement ferme en faveur d’une transition juste et du travail décent, ainsi que des actions concrètes pour obtenir des résultats tangibles sur le terrain : mettre en place une politique industrielle durable pour créer de bons emplois, garantir les transitions professionnelles, fournir des filets de sécurité et organiser l’anticipation du changement par la concertation sociale avec les travailleurs ainsi que plus largement par des procédures démocratiques.

La COP 24 doit devenir un jalon important dans l’histoire de la transition juste. Premièrement, nous entrons dans une ère où le processus de décarbonisation devrait s’accélérer et donc aussi son impact sur les travailleurs et les communautés. Accélérer la réduction des émissions sans préparer en même temps le marché du travail serait une erreur. Cela aurait des effets perturbateurs imprévus et brutaux dans de nombreuses régions industrielles et, ce faisant, cela pourrait affaiblir le large soutien du public aux politiques climatiques. Cela peut aussi piéger l’action climatique dans des impasses de pénurie de compétences.

Deuxièmement, cette COP se déroulera dans le cœur industriel d’un pays qui produit encore 80 % de son électricité à partir du charbon. Sur la voie d’une économie sobre en carbone, des régions comme la Silésie seront confrontées à des défis spécifiques qui doivent être reconnus et relevés par les pouvoirs publics.

Pour ces raisons, le mouvement syndical a proposé au début de 2018 que les gouvernements adoptent à la COP 24 une « Déclaration ministérielle sur la transition juste et le travail décent », afin de renforcer l’engagement politique pris dans l’Accord de Paris d’aborder la transition juste et le travail décent dans la mise en œuvre des actions climatiques. La CES se félicite du projet de texte présenté en septembre 2018 par la future présidence de la COP et invite tous les gouvernements à approuver et à signer la « Déclaration de Silésie de solidarité et de transition juste ». Il s’agit d’un message crucial pour communiquer au monde que l’action climatique ne se fera pas au détriment des droits des travailleurs et que l’économie à faible intensité de carbone sera équitable et inclusive.