Résolution de la CES : Améliorer la qualité de l'apprentissage et de la formation par le travail

Adoptée par le Comité exécutif de la CES lors de sa réunion des 11 et 12 mars 2014

Contexte

La formation par le travail, que l'on associe généralement aux systèmes d'apprentissage pour les jeunes et de formation professionnelle duale (formation en alternance), fait partie des politiques d'accompagnement destinées à favoriser la transition entre l'école et la vie active. Elle s'inscrit en effet dans un ensemble plus vaste de politiques d'éducation et de formation professionnelle liées aux enjeux du marché du travail. [1]
 

La Commission européenne, relayée par le Parlement européen et de nombreux États membres, a récemment souligné avec force le rôle crucial que les systèmes d'apprentissage et de formation en alternance peuvent jouer pour faciliter la transition entre l'éducation et la formation, d'une part, et le marché du travail, d'autre part, et pour lutter contre le chômage des jeunes et le phénomène des NEET (jeunes ne travaillant pas, ne suivant pas d’études ou de formation) qui touchent les jeunes dans la plupart des pays de l'UE.

 

L'apprentissage et les systèmes duaux de formation professionnelle font partie des stratégies définies dans le paquet Emploi (Vers une reprise génératrice d'emplois, 18.4.2012) et des outils privilégiés que les États membres sont invités à mettre en œuvre dans le cadre de la Garantie pour la jeunesse et de l'Initiative pour l'emploi des jeunes.    
 

À l'origine de ces initiatives, il y a la conviction de la Commission que l'éducation et la formation en général, et l'apprentissage par le travail en particulier, couplés à des reformes du marché du travail, peuvent lutter efficacement le chômage.     
 

Au sein de la CES, nous ne partageons pas cette analyse, car nous sommes profondément convaincus que seuls les investissements et des politiques macroéconomiques différentes, autres que l'austérité, peuvent favoriser la reprise et créer de l'emploi. De surcroît, pour éviter une croissance sans emploi, la gouvernance économique européenne doit se fonder sur la création d'emplois de qualité assortis de conditions équitables, et sur une forte dimension sociale.        
 

La CES reconnaît que des politiques et des outils d'éducation et de formation, rigoureux et axés sur le travail, sont essentiels pour soutenir et renforcer les mesures macroéconomiques générales afin de lutter contre la récession et le chômage, notamment chez les jeunes. Mais en même temps, la CES souligne que l'éducation, la formation, ou la recherche devraient être envisagées dans une perspective plus large, non pas comme des outils au service de l'économie et du marché du travail, mais comme un soutien à la citoyenneté et au développement de l'humain.  
 

Sans se départir de son analyse et de sa vision, la CES a participé activement au lancement de l'Alliance européenne pour l'apprentissage, conclue à Leipzig le 2 Juillet 2013 par la Commission européenne, les partenaires sociaux européens et d'autres acteurs.  
 

La CES et ses affiliés nationaux et sectoriels, ainsi que les autres partenaires sociaux, s'attellent à présent à la mise en œuvre de l'Alliance et sont fermement résolus à mettre en place des actions pour atteindre cet objectif.            
 

Lorsqu'ils sont correctement mis en œuvre, les systèmes d'apprentissage peuvent contribuer de manière significative à faciliter les processus de transition de l'école à la vie active, à lutter contre l'inadéquation des qualifications sur le marché du travail et à encourager les employeurs à offrir aux jeunes des emplois de qualité assortis de conditions équitables.      
 

Cependant, force est de reconnaître également que, dans le contexte économique actuel, alors que la plupart des pays sont encore confrontés à la récession ou la stagnation, et que seuls quelques-uns parmi eux connaissent une très légère reprise, pas tous les employeurs sont en mesure de créer de nouvelles possibilités d'emploi ou sont disposés à utiliser l'apprentissage de manière correcte et équitable.        
 

Par ailleurs, il faut que l'Europe s'accorde sur une interprétation commune de ce que doit être un bon usage de l'apprentissage et sur le type de réformes nécessaires pour assurer une définition et une mise en œuvre appropriées des systèmes d'apprentissage et une protection efficace des apprentis.         
 

En 2012/2013, la CES a réalisé, dans ce contexte, un projet européen d'un an financé par la Commission européenne et intitulé « Vers un cadre de qualité européen pour les apprentissages et la formation : les meilleures pratiques et contributions des syndicats ». Le projet a étudié les systèmes existants d'apprentissage et de formation par le travail, ainsi que le rôle des syndicats dans leur conception et leur mise en œuvre concrète, dans les pays suivants : Royaume-Uni, Pays-Bas, Irlande, Italie, Espagne, Allemagne, Chypre, Bulgarie, Danemark et Estonie.         
 

Le rapport final du projet présente, entre autres, une étude comparative et une liste de recommandations qui constituent les fondements de la présente résolution. Le projet de résolution proposé prend donc en compte les conclusions de la conférence finale du projet (15-16 Octobre 2013) ainsi que les contributions du groupe de travail de la CES sur l'apprentissage tout au long.

 

Recommandations de la CES sur les systèmes d'apprentissage

 

     La CES, en accord avec ses affiliés, s'engage à :

 

a)    Analyser les obstacles à une mise en œuvre appropriée et complète de systèmes d'apprentissage et de formation professionnelle en alternance dans le plus grand nombre possible de pays de l'UE

 

b)    Mettre sur pied, au niveau des syndicats et des partenaires sociaux, des actions pour lever ces obstacles et soutenir le rôle des partenaires sociaux dans la mise en œuvre de l'Alliance européenne pour l'apprentissage et dans la négociation et l'application des réformes nationales

 

c)    Veiller à la qualité des systèmes d'apprentissage et de formation professionnelle duale (alternance) en les reliant aux outils d'assurance-qualité existant aux niveaux communautaire et national en matière d'éducation et de formation, afin de permettre la mise en place d'un cadre de qualité européen pour l'apprentissage

 

d)    Assurer des conditions de travail et de protection adéquates aux apprentis et aux jeunes participants à une formation par le travail.

 

En cohérence avec ces engagements généraux, la CES établit la liste suivante de recommandations, qui s'adresse avant tout aux organisations syndicales mais également à d'autres partenaires sociaux ainsi qu'aux institutions européennes et nationales, qui participent d'une manière ou l'autre à l'élaboration et à la mise en œuvre des systèmes d'apprentissage et de formation professionnelle duale :

 

e)    Les systèmes d'apprentissage devraient faire l'objet d'une définition claire, en partant de la proposition formulée par le CEDEFOP, le Centre européen pour le développement de la formation professionnelle, l'agence spécialisée créée par l'Union européenne : « ... mode de formation systématique de longue durée avec alternance de périodes chez l’employeur et dans un établissement d'enseignement ou un centre de formation. L'apprenti est contractuellement lié à l'employeur et reçoit une rémunération (salaire ou indemnité). L'employeur s'engage à prodiguer à l'apprenant une formation débouchant sur un métier spécifique.»

 

f)     Les systèmes d'apprentissage devraient être bâtis sur des fondements stables, et notamment le droit national, la réglementation et/ou les conventions collectives.

 

g)    Les systèmes d'apprentissage devraient prendre en compte les besoins réels des employeurs en termes d’emploi et de compétences compte tenu des priorités sectorielles et/ou nationales, tout en accompagnant les possibilités de développement personnel et de carrière des apprentis.

 

h)    Les systèmes d'apprentissage devraient imposer aux employeurs de conclure des contrats de travail officiels avec les apprentis, précisant les droits et obligations des deux parties, dans le respect des dispositions législatives et réglementaires nationales.

 

i)      Les systèmes d'apprentissage devraient imposer aux établissements de formation de conclure des contrats de formation avec les apprentis, précisant les droits et obligations des deux parties, dans le respect des dispositions législatives et réglementaires nationales.

 

j)      Les systèmes d'apprentissage devraient garantir que les apprentis soient rémunérés par l’employeur selon les barèmes des conventions collectives ou qu’ils reçoivent un salaire minimum légal national et/ou sectoriel, pendant la durée de leur formation.

 

k)    Les systèmes d'apprentissage devraient être régis à tous les niveaux par un partenariat entre partenaires sociaux (syndicats et organisations patronales), pouvoirs publics et établissements de formation.

 

l)      Les systèmes d'apprentissage devraient garantir des environnements de travail sûrs et de bonne qualité, et les pouvoirs publics devraient être chargés, avec les partenaires sociaux (syndicats et organisations patronales), de surveiller la conformité des lieux de travail et d’accréditer les entreprises concernées. Avant de suivre une formation en apprentissage, tous les apprentis devraient recevoir une formation adéquate en matière de santé et sécurité au travail.

 

m)  Les apprentis, devraient pouvoir bénéficier, dans le cadre des formations en apprentissage, d'une orientation et de conseils appropriés, avant, pendant et après le processus de formation.

 

n)    Les systèmes d'apprentissage devraient offrir aux apprentis des passerelles pleur permettant d'accéder à l'enseignement supérieur (et notamment aux études universitaires).

 

o)    Les systèmes d'apprentissage devraient permettre aux apprentis de prendre part à des procédures d’assurance-qualité.

 

p)    Les systèmes d'apprentissage devraient couvrir un large éventail de professions et d'activités professionnelles, et offrir par conséquent à tous, aux hommes comme aux femmes, des possibilités d’emploi.

 

q)    Les systèmes d'apprentissage devraient reposer sur un socle solide de connaissances, de qualifications et de compétences acquises dans le cadre du système d’enseignement primaire et secondaire.

 

r)     Les systèmes d'apprentissage devraient comporter une forte composante de formation – l’apprentissage étant prodigué en très grande partie sur le lieu de travail – et un engagement clair en faveur de développements axés sur l’avenir au sein du marché du travail et de la société.

 

s)    Les systèmes d'apprentissage devraient assurer une formation de qualité tant sur le lieu de travail, avec des tuteurs en entreprise spécialement formés, que dans les établissements de formation, avec des formateurs disposant de compétences ad hoc et actualisées.

 

t)     Les systèmes d'apprentissage devraient être correctement financés, avec un partage équitable des coûts entre les employeurs et les pouvoirs publics, aux plans régional et/ou national et européen.

 

u)    Les systèmes d'apprentissage devraient être basés sur les compétences et avoir une durée permettant aux apprentis d’atteindre les niveaux requis et pouvoir ainsi travailler de manière compétente et sûre.

 

v)    Les apprentis devraient bénéficier d'un accompagnement syndical au sein de l'entreprise afin de s'assurer que leurs droits sont respectés.

 

w)   Les systèmes d'apprentissage devraient être certifiés par des organismes tripartites compétents afin de garantir que les connaissances, les qualifications et les compétences acquises sont effectivement reconnues sur le marché du travail et dans tout le système d’éducation et de formation.

 

x)    Les systèmes d'apprentissage devraient offrir des qualifications qui s’inscrivent clairement dans les Cadres nationaux de certification (CNQ), assurant ainsi des parcours d’évolution vers d’autres niveaux et programmes CNQ.

 

y)    Les systèmes d'apprentissage devraient garantir la reconnaissance des connaissances, des compétences et des qualifications acquises par l’apprentissage non-formel et informel.

 

z)    Les systèmes d'apprentissage devraient prévoir des dispositions appropriées en vue de permettre la mobilité des apprentis au plan national et européen.

 

Les syndicats en Europe devraient continuer à apporter leur soutien actif et résolu aux systèmes et programmes d’apprentissage de qualité.

 

Les syndicats en Europe devraient améliorer leur engagement à l'égard des apprentis sur le lieu de travail afin de représenter et défendre leurs intérêts avec plus d’efficacité.

 

 

 

 

 

 

 

 

 


[1] On a souvent tendance à confondre la formation par le travail avec l'apprentissage en milieu de travail qui correspond en fait à de la formation continue et, dans une certaine mesure, à de l'apprentissage tout au long de la vie pour les personnes ayant déjà un travail. L'apprentissage en milieu de travail se définit comme l'ensemble des activités destinées à encourager l'apprentissage, la formation et le développement personnel des travailleurs sur leur lieu de travail. Il permet aux travailleurs de rester actifs ou de se réinsérer sur le marché du travail, d'acquérir les compétences nécessaires et d'être bien préparés pour faire face aux restructurations et aux changements économiques. En cela, la formation (ou apprentissage) par le travail et l'apprentissage en milieu de travail sont les principaux piliers de la stratégie syndicale européenne pour faire en sorte que les politiques d'éducation et de formation répondent aux besoins du marché du travail et des travailleurs /sites/www.etuc.org/files/EN-ETUC_resolution_Supporting_Workplace_Learning_to_tackle_unemployment_in_Europe-2_2.pdf