Résolution CES sur la responsabilité sociale de l'entreprise (RSE) : une nouvelle stratégie de l'UE pour la période 2011-2014

Bruxelles, 07-08/12/2011

Introduction

1. Le Livre vert de la Commission sur la RSE de juillet 2001, puis la mise en place d’un « Multi Stakeholder Forum » (MSF), avaient suscité une série d'attentes de la part du mouvement syndical à l’égard de la RSE. L’évolution des débats au sein dudit MSF, conclus le 29 juin 2004, et le lent glissement du dossier de la DG Emploi vers la DG Entreprises, avaient toutefois amené la CES à adopter une résolution fort critique à l’égard de cet exercice (CE 9-10 juin 2004).

2. La faiblesse de la Communication de la Commission du 22 mars 2006, la définition de la RSE qui y est donnée [[Définition : « intégration volontaire, par les entreprises, de préoccupations sociales et environnementales à leurs activités commerciales et leurs relations avec leurs parties prenantes »]] …..et la mise en place d'une " alliance européenne pour la RSE" ouverte aux seules entreprises, mais chargée de facto de la mise en œuvre de plusieurs aspects de la Communication, avaient finalement amené les ONG et la CES à se désengager du processus communautaire pour investir d'autres espaces.

3. En 2010, une nouvelle Communication est annoncée. Reconnaissant qu'en dépit des progrès réalisés, « de nombreux problèmes demeurent », le nouveau texte [COM (2011) 681] du 25 octobre 2011 contient des améliorations significatives par rapport à celui de 2006.Il présente des intentions louables mais cependant encore trop peu d'actions concrètes.

« Responsabilité sociale des entreprises : une nouvelle stratégie de l'UE pour la période 2011-2014 » : avancées réelles…

4. La nouvelle définition de la RSE (pt 3.1) fait référence « à la responsabilité des entreprises vis-à-vis des effets qu'elles exercent sur la société », également présente dans le Cadre de référence des Nations Unies sur les principes directeurs relatifs aux entreprises et aux Droits de l’Homme. Il est d'autre part précisé à juste titre que « au préalable, les entreprises doivent respecter la législation en vigueur et les conventions collectives conclues entre partenaires sociaux ».

5. L'accent est mis (pt 3.2) sur les principes et orientations internationalement reconnus (principes directeurs de l’OCDE récemment mis à jour, Déclaration de principes tripartite de l’OIT concernant les Entreprises multinationales et la Politique sociale, ..) ainsi que sur leur promotion concrète auprès des entreprises européennes et des Etats membres (pts 4.8.1 et 4.8.2).

6. La Commission reconnaît en outre (pt 3.6) que la « RSE contribue au dialogue social et le complète ». L’UE soutiendra activement les accords cadre internationaux, mais se limite au lancement d'une base de données.

7. Le programme d'action pour la période 2011-2014 (pt 4) – qui comporte formellement 18 initiatives - fournit encore des opportunités pour renforcer les obligations des entreprises multinationales de respecter les normes du travail. Priorité est accordée aux stratégies sectorielles et aux pratiques responsables tout au long de la chaîne d'approvisionnement. Mais une référence plus claire, dans la définition de la RSE, aux responsabilités « directes et indirectes » des entreprises, en ce compris par rapport à la « sous-traitance », aurait sans doute été la bienvenue.

8. La Commission présentera également (pt 4.5), comme annoncé dans l'Acte unique, « une proposition législative sur la transparence des informations sociales et environnementales fournies par les sociétés de tous les secteurs », vraisemblablement vers la mi-2012.
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…cependant largement insuffisantes !}

9. Dans le contexte de la crise financière, économique et sociale, d’une politique néo-libérale dominante et d’une concurrence exacerbée il y a néanmoins lieu de craindre que davantage d’entreprises européennes considèrent la RSE comme un « luxe », et soient nettement moins respectueuses des Droits de l'homme, des normes du travail, ou de préoccupations environnementales. Des mesures concrètes/contraignantes auraient été nécessaires dans une série de domaines.

10. La Commission met de facto (pt 3.2) sur pied d'égalité les principes directeurs de l’OCDE, la déclaration de principes de l'OIT, et par exemple, les principes du Global Compact, dont chacun sait qu'ils constituent plus une déclaration d'intentions, qu'un véritable engagement crédible sur la RSE. Il faut donc revoir la hiérarchie de ces outils.

11. La Commission a par ailleurs l'intention (pt 4.1) de créer des plates-formes sectorielles, et de mettre en place un système européen de récompenses pour les partenariats RSE, sans en préciser les modalités. Pour rappel, il y a quelques années, dans le cadre d’un exercice similaire visant à primer les entreprises européennes les plus socialement responsables, le mouvement syndical n'avait pas été consulté et une des multinationales lauréates avait certes mis en place des projets intéressants, mais violait notoirement les droits syndicaux.

12. Si l’on peut se féliciter de ce que la Commission (pt 4.2) aborde la question des pratiques commerciales trompeuses en rapport avec les effets environnementaux des produits, il faut regretter l’absence de mentions aux aspects sociaux dans le contexte du rapport sur l'application de la directive sur les pratiques commerciales, prévu pour 2012.

13. De même, force est de constater le décalage entre préoccupations environnementales et sociales dans le chapitre « marchés publics ». Pour rappel, si le manuel « Acheter vert » sur lesdits marchés a été adopté en 2005, il faudra attendre 5 ans pour que la Commission publie son équivalent dans le domaine social. Il conviendra dès lors d’être particulièrement vigilant (pt 4.4.2) pour que considérations environnementales ET sociales soient mieux prises en compte lors de la passation de marchés publics, dans le cadre du réexamen, en 2011, des deux directives concernées.

14. La CES veillera encore (pt 4.8) à ce que les accords européens, passés avec d'autres pays et régions du monde, prévoient explicitement que les « parties s'engageront à s'assurer que les entreprises opérant dans, ou à partir de leur territoire, seront responsables d'identifier, de prévenir et d’atténuer les effets présents ou potentiels » qu’elles pourraient avoir.

15. La communication ne fait pas référence à une évolution éventuelle de la composition du « Business Alliance ». Alors que tout au long du processus RSE, chacun a convenu de la nécessité d'adopter une approche plurilatérale équilibrée prenant en compte l'avis de TOUTES les parties prenantes, dans les faits, l’Alliance et CSR Europe gardent la main- mise sur le processus européen.
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Conclusions}}

16. La CES accueille favorablement la nouvelle communication de la Commission sur la RSE, et notamment la nouvelle définition de la « responsabilité sociale des entreprises » ainsi qu’un programme d’action précis pour 2011-2014.

17. Mais, dans un contexte de crise et de concurrence accrue, les entreprises européennes pourraient devenir moins regardantes quant au respect des normes sociales et environnementales, en particulier dans leurs opérations en dehors de l'UE. La RSE ne peut être « l'arbre vertueux » qui cache la « forêt des mauvaises pratiques ». Il ne suffit plus « d’inviter» les entreprises à agir de manière responsable : des mesures plus concrètes/contraignantes s’imposent. La volonté, affichée en 2006, de « faire de l’Europe un pôle d’excellence en matière de RSE » a été abandonnée.

18. La CES saisira les opportunités, qu’offre le « programme d'action 2011- 2014 », pour améliorer celui-ci en fonction de nos priorités syndicales. Le Secrétariat veillera à coordonner ces actions, avec les affiliés, en mettant en place, en 2012, un groupe de travail « ad-hoc », chargé par ailleurs de faire le point sur l'évolution des positions et les récentes expériences des membres dans le domaine de la RSE.

19. Enfin, dans toutes ses activités, la CES veillera à promouvoir partout la syndicalisation et le respect des droits syndicaux. et insistera auprès des entreprises pour qu'elles adoptent une attitude ouverte et proactive vis-à-vis du mouvement syndical, en rappelant la citation de J. Ruggie :« La présence syndicale constitue le système de surveillance et le mécanisme de règlement des griefs le plus efficace » (Représentant spécial NU, novembre 2009, Stockholm).

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