Position de la CES sur l'insolvabilité

Bruxelles, 05-06/03/2013

La CES salue la révision du Règlement relatif aux procédures d’insolvabilité[[COM(2012) 744 final – Proposition de Règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le Règlement (CE) no 1346/2000 relatif aux procédures d’insolvabilité]]. Il est essentiel d’améliorer la protection des travailleurs par rapport à la menace d’insolvabilité et de renforcer leur situation en cas d’insolvabilité, particulièrement dans le contexte actuel où le risque que des entreprises deviennent incapables de faire face à leurs responsabilités envers leurs travailleurs augmente de manière dramatique.

Dans les procédures d’insolvabilité, les travailleurs doivent être protégés en ce qui concerne a) la continuité de leurs contrats d’emploi, b) la question de savoir si les activités peuvent se poursuivre durant la période d’insolvabilité et c) leurs créances impayées.

La CES se félicite du fait que le Règlement reconnaisse que les intérêts des travailleurs, tout comme les intérêts d’autres parties prenantes, peuvent souvent être mieux protégés si des alternatives juridiques à la liquidation sont prévues. La proposition améliore la possibilité de procédures de pré-insolvabilité dans le but de redresser l’entreprise et d’en ajuster les dettes.

La meilleure protection des travailleurs contre l’insolvabilité est souvent d’éviter la faillite de l’entreprise. Les exigences de fonds propres minimum des entreprises doivent donc être renforcées afin d’augmenter leurs réserves financières face à des difficultés économiques passagères. De plus, il est important que les procédures de pré-insolvabilité contribuent à éviter les faillites et que la protection des intérêts des travailleurs dans ces procédures soit améliorée.

Actuellement, les procédures secondaires sont par nécessité des procédures de liquidation, ce qui fait obstacle à une restructuration d’entreprise réussie. La proposition change cela de façon telle qu’une entreprise puisse à l’avenir continuer à fonctionner normalement (l’hypothèse étant que l’entreprise poursuive ses activités sans qu’une liquidation intervienne dans les 12 prochains mois).

Les travailleurs étant les « parties prenantes » les plus importantes, leurs salaires impayés doivent être garantis par des institutions de garantie et doivent également jouir d’une position plus favorable dans l’ordre des créances financières en cas d’insolvabilité. Il n’est pas acceptable que les travailleurs ne disposent pas de droits préférentiels. La CES estime que la direction doit être tenue pour responsable des créances impayées des travailleurs.

La possibilité de procédures collectives doit être assurée pour les travailleurs en tant que créditeurs dans les procédures d’insolvabilité. Les liquidateurs doivent être tenus d’engager et de faciliter, là où cela est nécessaire, par ex. dans les entreprises sans représentation syndicale, une procédure par laquelle les travailleurs peuvent agir collectivement par rapport à leurs droits de créanciers.

La pratique actuelle, qui n’est pas modifiée dans la proposition, est que la juridiction pour l’ouverture des procédures d’insolvabilité est déterminée selon le concept du lieu où se situe le centre des intérêts principaux du débiteur. Le contexte juridique actuel permet aux entreprises d’implanter ou de transférer leur siège ou de transférer des actifs dans des pays où la protection des travailleurs est moindre afin de profiter de régimes d’insolvabilité qui avantagent les actionnaires. Il faut mettre fin à cette sélection abusive afin que les entreprises ne puissent pas rechercher le régime d’insolvabilité national le moins avantageux pour les intérêts des travailleurs. Pour la CES, les modifications apportées sont tout à fait inadéquates car aucun changement de concept n’a été proposé. La CES demande l’introduction d’un critère précis, à savoir une définition du « siège réel » des activités d’une entreprise. L’ouverture des procédures principales d’insolvabilité doit être liée au « siège réel ».

Le règlement définit ce qu’est un « groupe d’entreprises » et précise les règles dans le cas où le groupe fait face à une insolvabilité. Il est pour la CES essentiel que l’insolvabilité qui touche un membre du groupe d’entreprises ne mette pas en danger la viabilité et l’emploi dans les autres parties du groupe. Dans l’intérêt des travailleurs, il faut améliorer la transparence au sein des entreprises ayant des activités transfrontalières, en particulier les groupes d’entreprises, et pas seulement dans les cas d’insolvabilité.

La CES veut éviter la situation dans laquelle les tribunaux d’un État membre qui ne sont pas compétents pour le contrat d’emploi le deviennent tout à coup en matière de droit du travail du fait de l’ouverture de procédures d’insolvabilité. La législation applicable et la juridiction compétente doivent être celles du contrat d’emploi.

La protection des travailleurs dans le droit du travail national et/ou la législation nationale en matière d’insolvabilité ne peuvent être affaiblies par la révision.

Plusieurs réformes du droit européen des sociétés et de la gouvernance économique sont nécessaires afin d’inscrire les procédures d’insolvabilité dans un contexte plus large avec pour objectif de les éviter autant que possible. La CES demande que les droits portant sur l’implication des travailleurs (information, consultation et participation) soient insérés dans la proposition et, de manière générale, renforcés de sorte que les travailleurs puissent recevoir davantage d’informations sur l’entreprise et agir dans l’intérêt de la viabilité à long terme des entreprises et contre les risques d’insolvabilité.

La transparence des entreprises par rapport aux questions tant financières que non financières doit être considérablement augmentée. Les entreprises doivent être obligées de divulguer des informations sur un large éventail de questions telles que formation, rotation du personnel, accidents/maladies, etc. qui sont essentielles pour la viabilité à long terme des entreprises. De façon générale, il faut mettre fin à la tendance à davantage de concurrence entre régimes réglementaires nationaux et à celle qui veut que le droit des sociétés soit vu comme instrument de concurrence accrue au dépens de la protection des travailleurs.