Position de la CES - Réponse de la CES au rapport du groupe de haut niveau sur l’avenir de la protection sociale et de l’État-providence

Réponse de la CES au rapport du groupe de haut niveau sur l’avenir de la protection sociale et de l’État-providence
Position approuvée lors de la réunion du Comité exécutif des 30 et 31 mars 2023

Résumé de la position
a. Le rapport final du groupe d’experts de haut niveau sur l’avenir de la protection sociale et de l’État-providence dans l’UE a été publié le 7 février 2023.

b. La CES considère ce rapport comme étant le cadre d’action visant à rendre concrets les principes de protection sociale du SEDS comme prévu dans le plan d’action.

c. La CES demande que les recommandations du rapport soient pleinement suivies à tous les niveaux et généralisées dans tous les cadres pertinents afin d’assurer que les besoins socioéconomiques de l’UE soient pris en compte à l’avenir.

Contexte
Comme annoncé dans le Plan d’action sur le socle européen des droits sociaux en 2021, un groupe de haut niveau (GHN) d’experts a commencé à travailler sur l’avenir de la protection sociale et de l’État-providence dans l’UE pour analyser les impacts attendus des grandes tendances[1] sur les systèmes de protection sociale et d’aide sociale, et améliorer leur conception, leur champ d’application et leur financement conformément aux principes du SEDS.

Dans son Rapport final, publié le 7 février 2023, le GHN a développé une vision globale sur la manière d’assurer l’universalité, l’adéquation et l’efficacité des futurs systèmes de protection sociale et de l’État-providence à moyen et à long terme conformément au narratif de la CES[2]. La série de 21 recommandations qui en résultent concernent tous les cadres d’action, tant au niveau de l’UE qu’au niveau national.

Une approche globale, basée sur les investissements publics des priorités sociales dans une perspective de cycle de vie apparaît non seulement très étroitement liée à la dimension économique mais aussi comme étant une condition de la durabilité du tissu de l’économie sociale de marché de l’UE face aux défis actuels.

Il en découle qu’il est impératif d’accroître ces politiques publiques bien connues qui favorisent les solutions à long terme, universelles et fondées sur la solidarité et qui préviennent les ralentissements socioéconomiques présents et futurs en plaçant le travail au cœur des préoccupations.

Le véritable changement de donne consiste à consentir à des investissements publics pour le renforcement des États-providence universels et des services publics de haute qualité ainsi qu’à des investissements publics bien plus importants dans l’éducation, les soins, la formation et l’apprentissage tout au long de la vie, et l’aide au revenu.

Investir dans la réduction des inégalités et des déséquilibres socioéconomiques, mettre l’accent sur l’augmentation de l’activité et des taux de productivité au travail, créer des emplois de qualité et élaborer des systèmes publics de protection sociale fondés sur la solidarité sont des mesures qui stimulent la soutenabilité budgétaire.

Bien plus que l’augmentation de l’âge de départ à la retraite, les investissements sociaux publics importants dans un bien-être de qualité et une approche fondée sur le cycle de vie (commençant tôt dans la vie des personnes et des travailleurs) se sont avérés essentiels pour compenser les effets d’une population vieillissante, les déséquilibres dans les dépenses sociales, les inégalités ainsi que le manque de mobilité sociale et de solidarité intergénérationnelle. L’approche recommandée produirait un double dividende à moyen terme en réduisant les dépenses publiques en matière de protection du revenu tout en élargissant la base d’imposition qui finance la protection sociale.

Position et exigences de la CES
Pour assurer le succès des moteurs de la politique proposés par le rapport du GHN, il est nécessaire :

  • d’introduire la règle d’or afin de contrebalancer les contraintes liées au financement public des États membres (EM) ;
  • d’instaurer des initiatives pour créer des conditions équitables entre tous les EM visant à réduire la concurrence en matière de politique fiscale : politiques ciblées des EM pour renforcer l’équité fiscale ; lutte contre l’évasion et la fraude fiscale et contributive ; combat contre le travail non déclaré ; politiques budgétaires redistributives et politiques ciblées des revenus assurant que les systèmes d’aide sociale sont efficaces et que les ressources publiques sont réellement affectées aux groupes les plus vulnérables ;
  • d’améliorer les systèmes d’aide sociale publics et collectifs (qui se sont révélés être plus efficaces, inclusifs et performants d’un point de vue coût-bénéfice) tout en assurant que les biens publics et les services de soutien sont aisément disponibles pour tous ;
  • de rejeter la marchandisation des services publics et sociaux - les biens et services publics collectifs tels que la santé ne sont pas des marchandises et ne se prêtent pas à la réalisation de profits privés.

Une approche générale cohérente au niveau de l’UE des recommandations du rapport est essentielle. Cet ensemble complet de moteurs basés sur des données probantes devraient assurer la convergence de plusieurs politiques pour garantir une protection efficace, des investissements sociaux renforcés et une croissance socioéconomique intégrée.

Développer un cadre d’action définissant les investissements sociaux consentis par les États membres ainsi que des budgets publics qui devraient bénéficier de dérogations à la règle d’or. Le rapport est, à juste titre, critique envers une privatisation incontrôlée.

Un cadre contrôlé d'étapes tournées vers l'avenir de l'Europe du bien-être, conforme au rapport du GHN, qui découle d'un engagement politique solennel renouvelé à Porto. Les institutions européennes, les EM, les partenaires sociaux, les parties prenantes sociétales et le comité de la protection sociale devraient lancer des initiatives concrètes pour assurer le suivi des recommandations du rapport.

L’élaboration détaillée des scénarios à moyen et long terme portant sur l’impact d’une mise en œuvre correcte des recommandations du rapport sur les matières budgétaires et le bien-être sociétal, la protection sociale et les institutions d’assurances sociales.

Le rapport doit être communiqué et mis en œuvre au niveau national. La recommandation sur l’accès à la protection sociale des travailleurs et des indépendants doit être appliquée en gardant à l’esprit les moteurs de la politique. Les dispositions relatives au revenu minimum devraient être implémentées à travers une initiative législative ainsi que toutes autres initiatives au niveau national.

Le rôle des partenaires sociaux y compris celui, sur base d’accords, d’institutions paritaires[3] et bilatérales, devrait être renforcé dans les scénarios pour l’avenir du bien-être en synergie avec les organismes publics d’assistance sociale.

Les progrès à l’égard du bien-être sociétal doivent être contrôlés par rapport aux progrès dans les États-providence qui vont bien au-delà de la protection contre la pauvreté. La notion d’adéquation doit être révisée dans une logique de mobilité sociale ascendante.

Il est urgent de s’attaquer à la question de la redistribution des gains de productivité, de leurs bénéficiaires et de la mesure de productivité – en particulier pour compenser la contraction de la main-d’œuvre. Les partenaires sociaux devraient également envisager davantage et de meilleures politiques redistributives.


[1] Changements démographiques se traduisant par une contraction de la main-d’œuvre et une population vieillissante, des transformations sur le marché de l’emploi, les transitions verte et numérique ainsi que l’émergence de nouveaux risques.

[2] Voir les travaux en cours sur le portail SociAll de la CES https://spa1.etuc.org/

[3] Les institutions de protection sociale établies et gérées par les employeurs et les syndicats sur une base conjointe au titre du cadre de dialogue social et des conventions collectives.