Le paquet investissements sociaux

Bruxelles, 23/04/2013

Messages clé

• La principale préoccupation de la CES est que l’UE a besoin d’un réel investissement social. Les avantages sociaux ont de la valeur pour les individus et la société. Par conséquent, il est justifié d’y consacrer les ressources budgétaires nécessaires afin d’offrir des services et avantages sociaux aux personnes dans le besoin et pouvant bénéficier de droits sociaux. L’Europe a besoin d’un réel paquet investissements pour promouvoir la croissance et l’emploi ainsi que pour assurer une cohésion sociale et économique. La CES a réclamé un investissement complémentaire équivalent à 1-2 % du PIB européen.

• La CES déplore que le Paquet investissements sociaux (PIS) n'apportera pas l'équilibre nécessaire à la gouvernance européenne. Les nouveaux outils de gouvernance économique, qui se concentrent en premier lieu sur la réduction des finances publiques, sont de nature contraignante et risquent de contredire les principes de la stratégie d'investissements sociaux. La CES rappelle que la politique sociale ne peut atteindre ses objectifs que si elle est incorporée dans la gouvernance macroéconomique et la réglementation financière qui soutiennent la croissance durable du bien-être dans l'économie réelle.

• L'intervention d'acteurs à la recherche de profits dans la politique sociale, comme dans les services de santé et les services sociaux, devrait être limitée et précédée d'une évaluation d'impact.

• Il faudrait lutter contre la pauvreté infantile au moyen de stratégies intégrées allant au-delà de la sécurité matérielle des enfants et promouvant l'égalité des chances.

• La CES donnera priorité au développement de politiques pour une Europe sociale et la lutte contre la pauvreté.

Introduction

La CES accueille favorablement le fait que la Commission ait reconnu, avec le Paquet investissements sociaux (PIS), la nécessité des investissements sociaux au sein de l’Union européenne. Toutefois, de simples recommandations ne suffisent pas. L’UE doit tenir compte des demandes de longue date de la CES concernant la fin de l’austérité et un renversement des politiques macroéconomiques peu judicieuses nous ayant ramené à une récession.

La pression sur les budgets publics et les politiques d’austérité adoptées au cours des dernières années ont non seulement limité les investissements dans la politique sociale, mais ont aussi mené à l’affaiblissement des systèmes de protection sociale et à la réduction des avantages sociaux.

En période de crise, de chômage élevé et de dépense publique réduite, davantage de personnes ont besoin d’un soutien et ont droit aux avantages du budget social. Des dépenses plus élevées au niveau du budget social ne sont pas le signe d’un échec. Les services et avantages sociaux sont des stabilisateurs économiques et maintiennent la demande dans les moments difficiles. Il s’agit donc de moteurs pour la reprise économique en Europe.

La CES rappelle à tous les décideurs politiques que la taille, la structure et la conception de la politique sociale sont avant tout une compétence nationale. Dans le cadre de la Méthode Ouverte de Coordination (MOC), l’échange des pratiques exemplaires et la coordination sont évidemment bienvenus au niveau européen et font partie du modèle social européen. Cependant, chaque État doit toujours avoir la responsabilité de la conception de ses systèmes sociaux selon ce qu’il estime utile.

La recommandation de l’OIT n° 202 sur les socles de protection sociale devrait servir de guide pour une couverture aussi large que possible et des niveaux plus élevés de protection sociale, combinés à une analyse des différences de protection et une politique visant à aborder ces différences. Dans ce contexte, la CES aimerait également faire référence à l’Agenda pour le travail décent de l’OIT qui vise à créer des emplois, à garantir les droits au travail, à promouvoir le dialogue social et à étendre la protection sociale. La CES estime que ces principes sont également valables pour le développement d’une politique sociale européenne comme le PIS.

La CES accueille favorablement et souligne l’argument principal du PIS : la politique sociale est considérée comme un investissement pour la société. Cependant, il faut souligner que, même de telles mesures de politique sociale, qui n’apporteront pas forcément de retour économique à l’avenir, sont utiles et importantes.

Commentaires spécifiques

La CES réclame un développement politique réel pour promouvoir des emplois de qualité, pas des emplois précaires, en vue de favoriser une croissance durable. Le rôle des partenaires sociaux, notamment au sein du dialogue social, doit être souligné et renforcé.

Il est important que la politique sociale soit considérée comme un atout pour la société, et la CES estime donc positif que le PIS ne présente pas la politique sociale uniquement comme une charge pour les budgets nationaux. La perspective sociale doit être intégrée dans tous les domaines politiques. Les objectifs sociaux ne doivent plus être rhétoriques. Une politique sociale avec des ressources limitées ne peut pas remédier aux effets indésirables d’une politique économique plus stricte en général.

L’universalité est le moyen le plus adéquat d’atteindre les objectifs et de garantir les droits sociaux pour tous. Les systèmes publics de protection sociale, basés sur des principes tels que l’universalité et la solidarité, sont le meilleur moyen de garantir une protection sociale efficace et adéquate à tous ceux dans le besoin et d’améliorer la cohésion sociale. Pour la CES, il est important qu’il existe un équilibre correct entre les politiques sociales universelles, visant à promouvoir le bien-être pour tous, et les approches ciblées, visant à soutenir les plus défavorisés.

La politique sociale est un vaste domaine politique. Il couvre les avantages en nature, comme l’accès aux structures d’accueil pour les enfants, l’éducation, la formation pendant le chômage, les soins aux personnes âgées et les soins de santé, ainsi qu’un soutien en matière de revenu sous la forme d’avantages en liquide pour ceux qui ne sont pas en mesure de travailler pour cause de maladie ou de chômage et sous la forme de pensions pour les retraités. Une certaine clarté est nécessaire concernant les avantages qui font l’objet d’une discussion, la nécessité ou non de remplir certaines conditions pour avoir droit aux avantages, par exemple, ou l’octroi des droits de manière universelle à tous ceux dans le besoin.

Selon les propositions de la Commission, les avantages devraient être destinés à ceux qui en ont besoin, au moment où ils en ont besoin. Ces propositions semblent correctes, mais elles pourraient avoir des effets négatifs, comme une réduction de la période d’octroi d’un avantage ou des critères plus stricts d’éligibilité

Dans plusieurs cas comme dans celui des allocations de chômage, les prestations sociales sont assorties de conditionnalité. La conditionnalité liée à ce type d'allocations peut se justifier, mais les conditions requises doivent rester accessibles, l’allocataire doit connaitre les critères d'éligibilité, et les méthodes d’évaluation doivent être élaborées et contrôlées de manière correcte afin de s’assurer que les droits des personnes dans le besoin soient respectés et que les conditions existent pour les aider, par exemple à trouver un emploi. La sécurité juridique et un soutien actif de l'État pour notamment encourager une réintégration sur le marché du travail, sont essentiels. Les avantages sociaux ne sont pas à confondre avec de la charité.

La certitude légale est essentielle et il faut pouvoir prédire quels critères sont requis pour être éligibles pour un avantage précis. Les avantages sociaux ne doivent pas être pris pour de la charité.

En ce qui concerne la pauvreté chez les enfants, la CES souligne favorablement l’approche selon laquelle la pauvreté des enfants et l’exclusion sociale devraient être abordées au travers de stratégies intégrées qui vont au-delà de l’idée d’assurer une sécurité matérielle aux enfants et de promouvoir une égalité des chances. Un soutien à la participation des parents au marché du travail est important, tout comme la reconnaissance de l’intensification des efforts visant à s’assurer que toutes les familles ont un accès réel à des soins et une éducation abordables et de qualité pour les enfants en bas âge. Aborder les inégalités chez les enfants en éliminant la ségrégation scolaire est également positif.

L’innovation sociale est décrite comme quelque chose d’utile et de positif dans un contexte de nouveaux défis. Nous souhaitons souligner l’importance d’une approche basée sur les droits aux avantages sociaux. L’innovation est la bienvenue, mais il est plus important que les droits des personnes dans le besoin soient assurés.

Les prestataires privés sont cités dans le PIS comme une avancée pour la politique sociale, aussi bien ceux à but lucratif que ceux sans but lucratif. La CES souligne que disposer de différents types de prestataires privés ne doit pas être un objectif en soi. Ce sont les autorités publiques et les politiciens qui sont principalement responsables pour fournir une protection et des avantages sociaux adéquats. L’efficacité et l’équité qui devraient être les mots d’ordre à suivre pour répondre aux objectifs d’intérêt général, peuvent également se retrouver dans les services publics remplis par des prestataires sans but lucratif, y compris par les prestataires de services publics. Les marchés publics doivent être menés avec prudence.

La différence au niveau du sexe est abordée dans le PIS. Les femmes ont, en général, un niveau de couverture de protection sociale et une participation sur le marché du travail inférieurs par rapport aux hommes et l’écart salarial en fonction du sexe est également mentionné. Les salaires faibles donnent lieu à des avantages faibles dans les schémas d’assurance sociale, y compris au niveau des pensions. Les femmes ont davantage de risques d’être pauvres à un âge avancé. La CES rappelle aux décideurs politiques que les partenaires sociaux doivent être impliqués lorsque des mesures politiques concernant cette question sont développées.

Le Fonds social européen est mentionné, à plusieurs reprises, comme une source de financement pour les projets visant le PIS. La CES souligne que le FSE ne peut pas être la principale source de financement du Paquet investissements sociaux, ou des investissements sociaux généraux nécessaires en Europe. La conviction de la CES est que même un usage étendu du FSE ne peut pas contrebalancer les effets pervers des mauvaises politiques mises en place dans les régimes d’austérité, qui sont encore pire pour les pays sous le régime de la Troïka.

Afin d’assurer des revenus adéquats, la Commission contrôlera, dans le cadre du Semestre européen, l’adéquation du soutien en matière de revenu dans les États membres. Le résultat d’une telle compilation peut être important pour les syndicats et la CES rappelle donc aux autorités compétentes d’impliquer totalement les partenaires sociaux dans cette mission.

La CES soutient l’idée que les États membres devraient, dans une plus large mesure, impliquer les partenaires sociaux et les organisations pertinentes de la société civile dans leur travail au niveau du Semestre européen, particulièrement en ce qui concerne les questions politiques liées aux investissements sociaux et à l’inclusion active.

La CES demande à la Commission de clarifier comment les nouvelles recommandations sur la coordination ex-ante de la politique sociale, visant les investissements sociaux, se lient au Semestre européen, à la Méthode Ouverte de Coordination, sans oublier les mesures imposées par la Troïka dans les mémoires d’accord avec les pays du programme. La CES réitère que la politique sociale est, dans une large mesure, une compétence nationale. La politique sociale interagit avec les autres domaines politiques, comme la politique fiscale et la politique familiale. Toutes les propositions de réforme ne peuvent pas être mesurées et évaluées avec des chiffres et des graphiques.

La CES rappelle que le but établi de l’UE est un progrès économique et social. Nous appelons l’UE a se concentrer sur les politiques d’amélioration des conditions de vie et de travail, l’emploi de qualité, les salaires égaux, le traitement égal, les services publics de qualité et la protection sociale, y compris les dispositions durables en matière de santé et de pension. De telles politiques contribueraient à forger la confiance des citoyens dans notre avenir commun.