Evaluation par la CES de l'Accord économique et commercial global (AECG) UE-Canada

Evaluation par la CES de l’Accord économique et commercial global (AECG) UE-Canada

Déclaration approuvée au Comité exécutif des 14 et 15 décembre 2016

 

  1. Grâce à notre capacité de mobilisation, les syndicats européens et canadiens ont exercé une influence lors de la conclusion des négociations de l’AECG. La version finale de l’accord ne tient pas compte de toutes nos préoccupations, mais des améliorations ont été apportées, notamment en ce qui concerne la protection des services publics, des droits du travail et de l'environnement. Les syndicats européens doivent désormais continuer à agir et à faire pression, conjointement avec les syndicats canadiens et le mouvement syndical international, afin de continuer à améliorer l’AECG et de prôner un programme commercial mondial progressiste.
  1. Lorsque le texte complet de l’AECG a été publié, en février 2016, la CES et le Congrès du travail du Canada ont analysé l’accord en détail. Les deux organisations ont abouti conjointement à la conclusion que l’accord n’était pas favorable aux travailleurs, et elles se sont mobilisées avec leurs affiliés, et en accord avec un certain nombre d’organisations de la société civile, afin de « relancer un processus de négociation transparent visant à introduire dans l’AECG des dispositions contraignantes et exécutoires, capables de traiter et de résoudre les préoccupations soulevées par la CES et le CTC » (extrait de la « Déclaration de la CES et du CTC sur l’AECG », adoptée le 28 octobre 2016)[1].
  1. En dépit d’importantes contestations populaires et de témoignages d’experts sur les impacts négatifs de l’accord, les gouvernements canadien et européens se sont initialement précipité pour appliquer l’AECG. Mais grâce à la mobilisation et au lobbying de la CES et de ses affiliés, le processus de ratification a été arrêté et des améliorations ont été apportées, grâce à un Instrument interprétatif conjoint inclus dans l’accord, conjointement avec les déclarations unilatérales de certains Etats membres de l’UE.
  1. Dans leur déclaration conjointe du mois d’octobre, la CES et le CTC ont déclaré que “pour être efficace et faire la différence par rapport au texte de l’AECG, une Déclaration ou un Instrument doivent être juridiquement contraignants, avoir un réel impact sur les parties les plus controversées de l’accord, et couvrir les préoccupations majeures que le CTC et la CES ont exposées conjointement. L’IIC est enfin juridiquement contraignant (conformément à la convention de Vienne sur les traités de droit) et a pris en compte plusieurs de nos revendications, en particulier concernant la protection des services publics, les droits du travail et l’environnement.
  1. Néanmoins, le résultat final n’est pas pleinement conforme à nos attentes, en particulier en ce qui concerne des aspects importants liés aux services publics et au caractère pleinement exécutoire des droits du travail. C’est la raison pour laquelle nous continuerons à réclamer de nouvelles améliorations de l’accord, en faisant pression sur les institutions européennes et canadiennes, sur la base du « statut mixte de l’AECG, des dispositions de l’Instrument interprétatif, et de la clause de révision incluse dans l’accord[2].
  1. S’il est vrai que le nouveau système juridictionnel des investissements (SJI) introduit dans l’AECG élimine certains des pires éléments, et des plus odieux, communs aux tribunaux de commerce internationaux (mécanismes RDIE) en introduisant des normes éthiques et des normes de conflit d’intérêt pour les tribunaux, et la capacité pour le tribunal de rejeter des demandes qui n’ont pas de fondement juridique, il continue de privilégier les grandes entreprises multinationales, et peut être utilisé pour dissuader les institutions démocratiques d’agir dans l’intérêt public.
  1. Néanmoins, étant donné que l’opposition écrasante au SJI en Europe a forcé l’UE à considérer l’AECG comme un “accord mixte”, cela garantira que le SJI ne sera pas appliqué provisoirement avant que tous les Etats membres de l’UE aient ratifié l’accord, donnant ainsi le temps de contester le SJI devant la Cour européenne de Justice, devant la Cour constitutionnelle allemande, et de faire pression auprès des Etats membres afin qu’ils ne l’acceptent pas. A cet égard, la CES a également soutenu la demande d’un certain nombre d’eurodéputés visant à renvoyer l’AECG à la CEJ afin de vérifier si le SJI était compatible avec le droit communautaire. Malheureusement, cette demande n’est pas passée par le Parlement européen et a été rejetée par une majorité écrasante en plénière. Il incomberait à présent au gouvernement fédéral belge d’introduire une telle demande, comme convenu avec le Parlement wallon, et à la Cour constitutionnelle allemande de l’examiner. La CES la soutiendrait, afin de clarifier le cadre juridique de la question du SJI et, idéalement, de le faire sortir de l’accord.
  1. Nous continuerons à collaborer, en utilisant toutes les voies disponibles pour améliorer l’accord, y compris les opportunités offertes par l’AECG lui-même, grâce à la clause de révision et au pouvoir des co-présidents du Comité conjoint de l’AECG de donner des interprétations contraignantes du texte. Ce sera particulièrement le cas en ce qui concerne les questions les plus critiques qui restent pendantes dans l’accord, à savoir le SJI, l’exercice des droits, la protection des services publics.
  1. Nous continuerons à faire pression sur la Commission européenne, le gouvernement canadien, et les parlements européen et canadien respectifs sur ces points – et nous inciterons également nos membres nationaux à faire pression sur leurs propres gouvernements et parlements nationaux afin de contribuer à améliorer l’accord, en guise de préalable à la ratification. Nous demandons en particulier au Parlement européen d’inciter la Commission européenne à rouvrir le dialogue avec le gouvernement canadien, et à mettre en place tout effort pour faire en sorte que les préoccupations de la CES soient pleinement prises en compte afin de rendre l'AECG acceptable. En outre, conformément avec l’Opinion adoptée le 8 décembre 2016 par la Commission de l’emploi et des affaires sociales, nous recommandons que le Parlement refuse de donner son accord à la proposition de décision du Conseil sur la conclusion de l’AECG, jusqu’au moment où ces critiques et préoccupations auront été effectivement prises en compte.
  1. Nous ne considérons pas l’AECG comme une référence pour un accord futur, étant donné que nous devons davantage nous mobiliser et négocier afin de l’améliorer. Par conséquent, nous continuerons à réclamer de la transparence et la pleine participation des syndicats à la mise en œuvre de cet accord et dans toutes les négociations futures, y compris grâce à une représentation appropriée des syndicats au sein des groupes consultatifs et comités qui seront mis en place.
  1. La CES est en faveur d'un commerce international juste et durable. Le prochain défi qui nous attend consistera à tirer parti de l’AECG et à l'améliorer ainsi que tous les accords de commerce et d’investissement post-AECG, afin d’avoir l’assurance qu’ils sont conformes à un modèle commercial progressiste. Il reste beaucoup de travail à faire pour édifier un programme commercial progressiste mondial – mais grâce à la solidarité internationale, et à la collaboration, les syndicats pourront remodeler la mondialisation afin qu’elle profite à tous.

 


[1] https://www.etuc.org/press/etuc-and-clc-statement-ceta-more-democracy-fair-and-progressive-trade-agenda#.WDyZ9qIrKRs

2 La clause de révision est l’Article 23.11.5 “Le Comité du commerce et du développement durable peut recommander au Comité mixte de l'AECG que soient apportées des modifications aux dispositions pertinentes du présent chapitre, conformément à la procédure d'amendement prévue à l'article 30.2 (Amendements).”