Déclaration de la CES sur l’Afghanistan

Déclaration de la CES sur l’Afghanistan

Adopté au Comité exécutif du 9 septembre 2021

La Confédération européenne des syndicats (CES) est préoccupée par la situation en Afghanistan et s’inquiète de la sécurité du peuple afghan, tant de celui resté dans le pays que de celui qui cherche protection dans la région et au-delà. La chute du gouvernement afghan a démontré l'échec de l'OTAN et a montré la nécessité d'une relance du multilatéralisme mondial, basé sur la démocratie et la paix, la solidarité et le respect des droits de l'homme.

La CES a soulevé la nécessité pour les institutions de l’UE de prendre des mesures immédiates et de veiller à ce que tous les États membres de l’UE unissent leurs forces afin d’assurer une évacuation sûre de l’Afghanistan et l’asile inconditionnel pour toute personne en danger[1]. L’UE et les États membres doivent faire tout ce qui est en leur pouvoir pour protéger tous les syndicats, les militants des droits de l’homme et des femmes, les journalistes, ainsi que les personnes qui ont fait campagne pour la liberté, la démocratie et l’égalité. La mise en place de corridors humanitaires pour les réfugiés est plus que jamais nécessaire.

La CES salue et soutient l’appel du Secrétaire général des Nations unies, António Guterres, qui exhorte tous les pays à accueillir des réfugiés afghans et à renoncer à toute expulsion et à tout retour forcé. Il importe de reconnaître la situation particulière des femmes et des filles. Les procédures d’asile dans toute l’UE doivent garantir la sécurité et le bien-être du peuple afghan, notamment des femmes et des filles.

La CES soutient pleinement la déclaration de la présidente de la commission FEMM du Parlement européen, Evelyn Regner, qui s’inquiète de l’oppression systémique et brutale subie par les femmes et les filles afghanes dans tous les aspects de la vie. Dans les zones contrôlées par les talibans, les universités pour femmes ont été fermées, les filles n’ont pas accès à l’éducation et les femmes sont vendues comme esclaves sexuelles. La CES se joint à la CSI pour faire part de ses préoccupations quant à la sécurité des représentants et des militants syndicaux.

La CES regrette la réponse donnée par les ministres de l’Intérieur de l’UE lors du Conseil extraordinaire du 31 août ; la prévention des migrations irrégulières « à grande échelle non contrôlées », le renforcement des contrôles aux frontières et la nécessité de maintenir les personnes hors d’Europe. Rappelons que la grande majorité des réfugiés afghans se trouvent dans des pays voisins comme le Pakistan et l’Iran. Il est honteux que les pays de l’UE se préoccupent uniquement de maintenir les réfugiés hors d’Europe, plutôt que de s’unir dans un élan de solidarité pour accueillir et protéger les Afghans qui redoutent les talibans. La CES considère qu'un nouvel accord tel que l'accord UE-Turquie est inacceptable. L'Europe devrait tirer les leçons des erreurs commises dans le passé. La CES a toujours dénoncé l'illégitimité et l'incohérence de l'accord UE-Turquie, qui représentent une violation claire des droits de l'homme et du droit international.

Comme indiqué dans la déclaration de la CES concernant le pacte de l’UE sur la migration et l’asile[2], la CES a regretté que le nouveau pacte ne crée pas une politique commune d’envergure européenne, basée sur les droits. Une politique qui garantit que les États membres assument la responsabilité des demandeurs d’asile et répondent aux besoins des migrants. Mais elle n’a pas résisté face aux mouvements politiques anti-immigrants et aux États membres désireux de traiter la migration et l’asile comme une affaire exclusivement nationale pour continuer à refuser les droits fondamentaux des migrants et à restreindre l’accès de ceux qui cherchent une protection internationale dans leur pays.

La CES est très préoccupée par les décisions déjà prises par certains pays (par exemple la France) de considérer l'Afghanistan comme un pays pacifique et sûr depuis le 15 août, limitant ainsi l'accès au droit d'asile pour les personnes, y compris les militants syndicaux en danger.

La CES ne peut que partager le cri d'alarme du Conseil international des musées sur les risques qui pèsent sur le patrimoine culturel afghan et sur les travailleurs qui œuvrent à sa préservation et à sa protection. Récemment, nous avons déjà assisté, impuissants, à sa dévastation, à l'assassinat de ceux qui travaillent à sa protection et, dans le même temps, à l'essor d'un marché noir. La CES exprime son soutien total aux travailleurs qui, au milieu de nombreuses difficultés, s'efforcent de maintenir vivant et intact l'extraordinaire patrimoine culturel du pays, et demande une attention constante de la part de la communauté internationale.

La CES exige que les institutions de l'UE et les États membres présents en Afghanistan rendent compte de la manière dont leurs contractants et sous-traitants ont été protégés lors de leur sortie d'Afghanistan.

La CES exhorte les institutions européennes et les États membres à agir rapidement et à protéger le peuple afghan, à assurer la sécurité des femmes et des filles, à accorder un accès immédiat à des voies sûres et régulières vers l’UE et à suspendre toutes les expulsions et les retours forcés. Il est du devoir et de la responsabilité de l’UE de leur offrir un accueil digne et inconditionnel.

La CES appelle l'UE et les Etats membres à soutenir les organisations non gouvernementales et les syndicalistes qui restent encore dans le pays, et appelle le mouvement syndical à soutenir la manifestation mondiale prévue le 25 septembre pour les femmes afghanes.

La CES exige que le nouveau régime afghan respecte pleinement les droits de l'homme et ses obligations en vertu du droit international.


[1] https://www.etuc.org/en/document/etuc-letter-eu-institutions-presidents-afghanistan

[2] https://www.etuc.org/en/document/etuc-statement-new-pact-migration-and-asylum