Annexe 1 à la Résolution: “Négocier un avenir juste : renforcer le rôle du dialogue social”Le rôle des partenaires sociaux et du Dialogue social dans le processus de Semestre et de la Facilité pour la reprise et la résilience (FRR)

IMAGE

Le rôle des partenaires sociaux et du Dialogue social dans le processus de Semestre et de la Facilité pour la reprise et la résilience (FRR)

Document adopté par le Comité exécutif de la CES lors de sa réunion des 9-10 décembre 2020        

Introduction

Le Socle européen des droits sociaux pose que les partenaires sociaux doivent être consultés sur la conception et la mise en œuvre des politiques économiques, sociales et de l’emploi, conformément aux pratiques nationales. Aujourd’hui, les partenaires sociaux européens et nationaux sont effectivement consultés dans le cadre de la gouvernance économique de l’UE avec toutefois des degrés d’efficacité variables dans chaque pays. L’implication des syndicats dans la gouvernance économique de l’UE est soumise à de (faibles) règles et pratiques qui appartiennent au processus spécifique connu sous le nom de Semestre européen.

Le dialogue social européen est trop souvent confondu par les employeurs et la Commission européenne avec des processus tels que le Semestre européen – pour éviter des engagements bipartites au niveau européen et/ou réduire le champ d’action et l’influence des partenaires sociaux. Il est important de contrer ce discours qui tend à limiter le dialogue social à un outil de mise en œuvre de réformes.

C’est pourquoi le rôle du dialogue social européen et des partenaires sociaux dans le processus du Semestre, la gouvernance économique et le plan de relance doit être clarifié, en particulier durant la rédaction et la mise en œuvre des mesures d’urgence contre la crise. L’avis du CESE sur le dialogue social (SOC 644) en souligne l’importance.

Principes clés

Les principes suivants devraient baliser l’implication des partenaires sociaux dans le processus du Semestre et la facilité pour la reprise et la résilience.

  • Le dialogue social et des relations industrielles bien développées à tous les niveaux constituent un élément central du modèle social européen et du gouvernement démocratique. Comme le consacre le principe 8 du Socle européen des droits sociaux (SEDS), une participation appropriée des partenaires sociaux aux politiques économiques et d'emploi est dès lors essentielle.
  • Le dialogue social peut constituer le moteur de réformes économiques et sociales réussies. Les partenaires sociaux peuvent contribuer à une meilleure sensibilisation aux conséquences des mutations économiques et sociales sur les systèmes sociaux et les marchés de l'emploi. Ils peuvent également jouer un rôle majeur dans la mise en place des conditions qui stimuleront la création d'emplois, notamment en facilitant la reprise économique, l'insertion professionnelle et l'intégration sociale.
  • Impliquer les partenaires sociaux dans l’élaboration et la mise en œuvre des politiques affectant directement ou indirectement l’emploi et les marchés du travail tout au long des différentes étapes du Semestre européen et de la FRR est impératif afin de prendre en compte leur position. Les consultations des partenaires sociaux devraient avoir lieu en temps et en heure (c.-à-d. que les partenaires sociaux devraient être impliqués à un stade précoce et en temps opportun durant tout le processus), être significatives (c.-à-d. avec plein accès à l’information, aux données et aux orientations des politiques) et au niveau approprié (c.-à-d. que les interlocuteurs gouvernementaux impliqués, tant au niveau politique qu’au niveau technique, devraient être dûment mandatés pour participer au dialogue et, le cas échéant, mener des négociations tripartites), permettre les analyses et propositions nécessaires s’inscrivant dans les processus de prise de décision. Les consultations devraient être correctement structurées (c.-à-d. avoir lieu régulièrement durant tout le processus et, idéalement, suivant un calendrier préalablement établi entre gouvernement et partenaires sociaux) et se dérouler selon un format garantissant un dialogue satisfaisant. Le processus de consultation devrait également mener à ce que le gouvernement explique si, comment et pourquoi il a retenu (ou pas) des propositions des partenaires sociaux.
  • Il est nécessaire d’établir un processus cohérent de consultation des partenaires sociaux nationaux et/ou européens par les gouvernements au niveau national et par la Commission, le Conseil et le Parlement au niveau européen.
  • Le respect des partenaires sociaux et des structures du dialogue social est un élément fondamental du modèle social européen et doit être complété au niveau national. L’autonomie des partenaires sociaux pour engager le dialogue social et définir des politiques doit donc être soutenue et encouragée et en aucun cas supplantée par le Semestre, la gouvernance économique et le plan de relance. A cet égard, une clause de sauvegarde qui protège la négociation collective et l’autonomie des partenaires sociaux devrait être intégrée dans tous les cadres législatifs régissant la gouvernance économique au niveau de l’UE, y compris le Semestre européen, la correction des déséquilibres macroéconomiques, la gestion de l’UEM et, encore plus urgent aujourd’hui, dans la mise en œuvre du Plan de relance pour l’Europe.
  • Un dialogue social efficace exige des partenaires sociaux de disposer de suffisamment de ressources et d’expertise pour négocier des accords et les mettre en œuvre. Dans de nombreux cas, un renforcement des capacités des partenaires sociaux est également nécessaire pour assurer une participation signifiante au Semestre et à la FRR.

Dans ce contexte, le FSE+ (Fonds social européen plus) devrait élargir son soutien au développement du dialogue social, notamment par l’amélioration du renforcement des capacités des partenaires sociaux, y compris aux niveaux sectoriels et intersectoriels européens. Cet engagement devrait devenir contraignant pour les États membres dans toutes les régions de l’Union et 2% des moyens du FSE+ devraient être alloués aux activités bilatérales et/ou unilatérales de renforcement des capacités entreprises par les partenaires sociaux afin de renforcer le dialogue social.

  • Des compétences renforcées devraient être utilisées dans les schémas de consultation pour les partenaires sociaux nationaux et européens qui devraient être intégrés dans la réglementation de la FRR et détaillés dans les cadres d’action pour la mise en œuvre de la FRR (c.-à-d. la SACD).

Le rôle des partenaires sociaux dans le Plan de relance et leçons apprises du Semestre européen

La nouvelle stratégie de la CES pour la participation des partenaires sociaux est définie dans le document ‘’Une nouvelle stratégie de la CES pour la participation des partenaires sociaux dans le Plan de relance’’ qui actualise la boîte à outils de la CES pour une participation syndicale à la gouvernance économique de l’UE, y compris le Semestre européen.[1]

Une participation effective au niveau européen et une coordination transfrontalière peuvent améliorer la participation au niveau national mais le degré de cette participation dépend trop du pouvoir discrétionnaire des gouvernements.

Une participation correcte demande une action continue pour y impliquer les décideurs politiques (normalement le gouvernement). Cela requiert également un cadre juridique et opérationnel (principalement dans la réglementation de la FRR) pour assurer un calendrier de consultation adéquat et l’accès aux documents/informations tout en renforçant les capacités des partenaires sociaux pour qu’ils participent de façon significative au processus.

La CES travaille également avec les FSE pour s’assurer que les priorités d’investissement et de réformes répondent mieux à une relance globale riche en emplois, y compris au niveau de la rédaction et de l’évaluation des plans nationaux de réforme et de résilience portant sur les perspectives économiques.

Le cadre actuel de la facilité pour la reprise et la résilience : une opportunité que les partenaires sociaux doivent exploiter

D’octobre à décembre, les États membres ont préparé les lignes directrices pour leurs plans de reprise et de résilience. A ce stade, la dynamique se situe principalement au niveau national et les syndicats nationaux déploient un maximum d’efforts pour y participer. La CES cherche à renforcer la voix des représentants des jeunes travailleurs et des femmes. La CES recommande aussi un dialogue adéquat avec les organisations sectorielles lors de la définition des priorités en matière d’investissement, de réformes et de mesures pour une transition juste.

La CES soutient les affiliés dans l’organisation d’événements nationaux dans les pays où le gouvernement est réticent à impliquer les partenaires sociaux afin de stimuler la consultation et de fixer une feuille de route pour la maintenir tout au long du processus.

Nous attendons des gouvernements qu’ils indiquent dans leurs rapports concernant leurs projets de plans nationaux où, quand et à propos de quoi les partenaires sociaux ont été consultés et comment il a été tenu compte de leur avis.

Pour les pays où les partenaires sociaux n’ont pas été consultés entre janvier et mars, la CES souhaite inviter la Commission européenne à organiser des consultations spécifiques par pays lors de la rédaction des documents analytiques évaluant le contenu des plans pour la reprise et la résilience.

Comme expliqué dans le document de la CES[2], la SACD 2021 insiste très clairement sur la nécessité d’impliquer les partenaires sociaux dans la mise en œuvre de la FRR. A ce stade toutefois, nous attendons de la Commission européenne et du Conseil qu’ils se montrent proactifs pour promouvoir et appliquer ce principe.

La CES encourage également un exercice d’évaluation par des pairs de l’implication des partenaires sociaux. Nous rappelons également que les recommandations spécifiques par pays (RSP) pour 2019 et 2020 seront mises en œuvre à travers les plans nationaux de reprise et de résilience. Le champ d’application de ces plans est toutefois plus large et l’implication des partenaires sociaux ne peut dès lors se limiter à l’application des recommandations 2019-2020.

Participation des partenaires sociaux dans la gouvernance économique européenne

La participation des partenaires sociaux dans le Semestre européen a été organisée à différents niveaux.

Un dialogue structuré a été établi à différents niveaux avec les services de la Commission européenne. Le principe était d’organiser une consultation précoce lors des différentes étapes du Semestre (SACD, rapports par pays, projets de recommandations spécifiques par pays). Cette coopération était claire quant à ses tâches, ses objectifs et son étendue et elle assurait une participation correcte des partenaires sociaux au niveau technique, en particulier pour produire une analyse et une identification communes des principaux leviers politiques nécessaires pour répondre aux défis identifiés.

Le Comité de l’emploi (EMCO) du Conseil s’est également engagé dans un exercice d’évaluation par des pairs pour contrôler la mise en œuvre des RSP en matière d’emploi et de priorités sociales. L’exercice incluait la participation des partenaires sociaux dans le Semestre et le rôle du dialogue social dans les réformes. Les conclusions de cet exercice ont été transmises au Conseil et ont fait l’objet de RSP dites sociales. L’exercice était également destiné à soutenir le processus du Semestre européen. Il a toutefois été estimé qu’il sortait de son cadre lorsqu’il tentait – pour de prétendues raisons de renforcement des capacités – d’évaluer la qualité du dialogue social au niveau national et la représentativité des partenaires sociaux. La nature tripartite de cet exercice et la surveillance de la CES ont fait que les conclusions transmises au Conseil respectaient pratiquement toujours les objectifs originaux de l’évaluation par des pairs. Cependant, l’ambiguïté du champ d’application de l’exercice a débouché sur une situation sous-optimale et des clarifications sont donc nécessaires à l’avenir pour assurer que l’EMCO reste dans le cadre de la gouvernance économique et n’interfère pas dans l’autonomie des partenaires sociaux européens engagés dans des activités officielles du dialogue social dans le contexte de leur programme de travail autonome.

Participation des partenaires sociaux dans le dialogue macroéconomique

La CES apprécie l’existence du dialogue macroéconomique.

Les récents développements visant à améliorer le dialogue macroéconomique (DME) en essayant de centrer les débats sur les problèmes macroéconomiques actuels et urgents sont également appréciés. Les réunions techniques en préalable aux dialogues au niveau politique facilitent un approfondissement des questions en discussion et permettent que les propositions de priorités soient présentées de manière plus constructive. Il n’y a cependant toujours aucun lien réel avec les réunions de l’ECOFIN ou les débats de l’Eurogroupe ni de possibilités de les influencer. L’agenda du DME reflète rarement les débats de l’ECOFIN et de l’Eurogroupe. De plus, l’ECOFIN devrait impliquer les partenaires sociaux européens, soit en consacrant une session pour des discussions entre ministres et partenaires sociaux, soit à travers un ECOFIN informel suivant l’exemple de l’EPSCO informel.

Le DME pourrait également servir de forum adéquat pour consulter les partenaires sociaux européens et nationaux concernés dans le cadre de la procédure relative aux déséquilibres macroéconomiques excessifs.

Le rôle de l’ODD 8 pour soutenir la participation des partenaires sociaux

Avec le SEDS, l’agenda 2030 des Nations unies et ses objectifs de développement durable (ODD) constituent un autre cadre d’action étendu pour la participation des partenaires sociaux au plan de relance et à la gouvernance économique.

La CES estime que le dialogue social est un élément clé de l’ODD 8 et qu’il établit une corrélation positive avec d’autres ODD. Dialogue social et négociation collective sont essentiels pour anticiper le changement et mettre en œuvre les solutions pour les transformations productives dont nous avons besoin. Le dialogue social permet de constituer un capital politique que les gouvernements peuvent utiliser pour parvenir à un consensus citoyen pour un changement durable. L’agenda 2030 des Nations unies et le SEDS devraient permettre une participation plus structurée et obligatoire des partenaires sociaux dans le processus du Semestre européen et les plans nationaux de reprise et de résilience. Les partenaires sociaux feront en sorte d’augmenter la transparence, l’efficacité et la responsabilisation de l’UE et des institutions nationales pour assurer que les objectifs de croissance durable et de progrès social soient atteints.

 

[1] https://est.etuc.org/index.php/component/content/article/8-resource-center/85-a-new-etuc-strategy-for-social-partners-involvement-in-the-recovery-plan?Itemid=101

[2] https://est.etuc.org/index.php/component/content/article/8-resource-center/85-a-new-etuc-strategy-for-social-partners-involvement-in-the-recovery-plan?Itemid=101