CES : l'adhésion de la Turquie à l'Union européenne

Bruxelles, les 13-14 octobre 2004

1) Avant-propos

Le Conseil [[Le Conseil de l'Europe est la plus ancienne organisation intergouvernementale européenne. Il a pour objectif la protection des droits de l'homme, le renforcement de la démocratie pluraliste, la prééminence du droit, la mise en valeur de l'identité culturelle européenne dans sa diversité et la recherche de solutions aux grands problèmes de société (minorités, xénophobie, intolérance, protection de l'environnement, drogue, crimes organisés...).]] de l'Europe a admis la Turquie comme membre à part entière en août 1949, quelques mois seulement après la signature du traité de Londres.

En 1951, la Turquie rejoint l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord (OTAN) et devient l'une des pierres angulaires du système de défense euro-atlantique. La Turquie accède également à l'Organisation Européenne de Coopération Economique (l'OECE qui deviendra l'OCDE), à la Conférence sur la Sécurité et la Coopération en Europe (la CSCE future l'OSCE) et à la Banque Européenne pour la Reconstruction et le Développement (BERD). La Turquie est aujourd'hui membre à part entière des principales institutions à l'échelle européenne, exception faite de l'Union européenne.

C'est en 1959 que la Turquie s'est portée candidate au statut de membre associé de la Communauté Economique Européenne (CEE), mais en raison du coup d'état militaire de 1960, l'accord d'association d'Ankara ne sera finalement signé qu'en 1963.

L'article 28 de cet accord contient une perspective d'adhésion formulée avec prudence: «Lorsque le fonctionnement de l'accord aura permis d'envisager l'acception intégrale de la part de la Turquie des obligations découlant du traité instituant la Communauté, les parties contractantes examineront la possibilité d'une adhésion de la Turquie à la Communauté».

L'effectivité principale de l'accord a résidé dans la mise en place graduelle d'une union douanière qui, conformément aux précisions apportées dans le protocole additionnel de 1970, devait être finalisée à l'issue d'une période de vingt deux ans, un Conseil d'association [[Aux termes de l'Accord d'Ankara de 1963, le « Conseil d'Association » réunit des représentants de la Turquie, des Etats membres de la Communauté, du Conseil des Ministres et de la Commission]]. étant chargé d'analyser à intervalles réguliers les progrès réalisés dans la mise en œuvre de l'accord d'Ankara. Ayant subi plusieurs ajournements, l'Union douanière n'est finalement entrée en vigueur qu'en 1996.

Entre-temps, le 14 avril 1987, la Turquie s'est portée candidate à l'adhésion à la Communauté Européenne (CE). La Commission Européenne n'a rendu son avis qu'en décembre 1989. Cet avis, approuvé par le Conseil Européen deux mois plus tard, notifiait les motifs ayant conduit la Commission à conclure qu'il ne serait pas utile d'entamer immédiatement des négociations avec la Turquie, dont les deux principaux: ·

La Communauté elle-même subissant d'importants changements consécutifs à l'adoption de l'Acte Unique, il serait inapproprié, à ce stade, d'entamer des négociations d'adhésion nouvelles. ·
La situation économique et politique de la Turquie, et notamment «les conséquences négatives du conflit entre la Turquie et l'un des Etats membres de la Communauté, ainsi que la situation à Chypre » rendaient cette éventualité intempestive.
À cette occasion, la Commission recommanda une série de mesures d'aide à la Turquie, «sans mettre en doute son éligibilité à l'entrée dans la Communauté».

Au cours de la décennie qui suivit, l'éligibilité de la Turquie fut confirmée à de nombreuses occasions par le Conseil Européen, le Conseil des Affaires Générales et le Conseil d'Association.

Dans le même temps, fut souligné de façon répétée que les problèmes économiques et politiques de la Turquie, et notamment la question des Droits de l'Homme, constituaient des obstacles à l'ouverture des négociations. Ce fut le cas, en particulier, lors du Conseil Européen de Luxembourg, qui vit le lancement du processus d'adhésion pour les pays d'Europe centrale et orientale et pour Chypre, mais dont la Turquie était exclue.

Le Conseil Européen d'Helsinki des 10 et 11 décembre 1999 devait pourtant conclure : « La Turquie est un Etat candidat qui a vocation à rejoindre l'Union sur la base des mêmes critères que ceux qui s'appliquent aux autres pays candidats. »

Il en est résulté l'instauration d'un Partenariat d'Accession, la rédaction par la Commission européenne de rapports réguliers annuels sur les progrès accomplis et une procédure préparatoire d'examen de l'acquis communautaire afin de stimuler et de soutenir les efforts de réforme turcs.
{{En décembre 2002, le Conseil Européen de Copenhague a reconnu les importants progrès réalisés par la Turquie pour répondre aux critères d'adhésion, tout en insistant sur les insuffisances qui persistaient, en particulier relativement à la question de la mise en œuvre des réformes.

Le Conseil Européen a décidé d'examiner en décembre 2004 si la Turquie répondait aux critères politiques de Copenhague et, dans l'affirmative, d'ouvrir les négociations d'adhésion. Afin d'aider la Turquie à se rapprocher de l'adhésion, le Partenariat a bénéficié d'une aide financière dite de «pré-accession». A cette occasion, l'Union douanière entre la Communauté Européenne et la Turquie a été élargie et renforcée.

Depuis le début de l'année 2003, le gouvernement turc a considérablement accéléré et intensifié ses efforts de réforme, prouvant ainsi sa détermination à remplir les conditions posées par le Conseil Européen.}}

La Commission a remis son rapport en faveur de l'adhésion de la Turquie à l'Union européenne le 6 octobre 2004. En décembre 2004, le Conseil devrait confirmer les propositions de la Commission et prévoir le calendrier des négociations avec la Turquie.
de la Turquie à l'espace économique et politique européen ainsi que la vocation européenne de la Turquie.
Dès 1985, la CES a affilié des organisations syndicales turques et les a toujours soutenues dans le combat pour le rétablissement de la démocratie et des droits syndicaux. Elle renforcera son activité et ses coopérations pour garantir les droits syndicaux ainsi que les droits des travailleurs turcs des secteurs public et privé.

2. Le Comité Exécutif de la CES rappelle son approbation des termes de l'article I.1 du projet du Traité constitutionnel: «L'union est ouverte à tous les Etats européens qui respectent ses valeurs et s'engagent à travailler ensemble pour les promouvoir.», dont l'article I.2 précise la consistance: «le respect de la dignité humaine, la liberté, la démocratie, l'égalité, l'état de droit et le respect des Droits de l'Homme.»

3. Le Comité Exécutif de la CES souligne que l'intégration de la Charte des Droits Fondamentaux dans la partie II du traité Constitutionnel constitue une référence et un point d'appui pour le respect des droits sociaux dans les pays de l'UE et les pays candidats.

4. Le Comité Exécutif de la CES reconnaît que beaucoup d'efforts ont été accomplis par la Turquie et ses gouvernements. Il considère la Turquie comme une démocratie en développement qui a réalisé d'importants progrès pour respecter les critères politiques de Copenhague depuis décembre 2002.Le Comité Exécutif reconnaît que des progrès tangibles ont été réalisés, parmi lesquels le rôle de l'armée dans la vie politique et le traitement des minorités.

5. Le Comité Exécutif de la CES précise que l'ouverture des négociations après le Conseil de Décembre 2004 devra renforcer et confirmer l'effort nécessaire pour renforcer ces progrès en vue de garantir le plein respect des Droits de l'Homme, et en particulier des minorités.Il souligne en outre qu'une aide au développement régional soutenue par l'Union européenne permettrait d'associer les populations au développement social de leur région.

6. La période de négociation de l'adhésion conformément à la partie II du projet de Traité constitutionnel devra être mise à profit par le Gouvernement turc afin de répondre pleinement à l'acquis communautaire et en particulier pour mettre sa législation sociale en conformité avec les conventions 87 et 98 de l'OIT en reconnaissant le rôle des partenaires sociaux, leur capacité à négocier, leur indépendance, les droits syndicaux essentiels et les libertés syndicales fondamentales afférentes et d'accepter les articles 5 et 6 de la Charte Sociale Européenne.

7. La durée des négociations et leurs résultats dépendront des progrès accomplis. Ces progrès ne sauraient se limiter au domaine économique. L'aboutissement de ces négociations doit être lié à l'avancement des valeurs et objectifs repris dans les parties I et II du projet de Traité constitutionnel.

{{8. Si les efforts du gouvernement turc pour répondre aux critères politiques de Copenhague ont témoigné d'une détermination et d'une efficacité réelle, il est indispensable maintenant de les intensifier dans le domaine des droits sociaux, syndicaux et des droits associatifs.

En matière de politique sociale, les progrès accomplis restent insuffisants au regard du document de partenariat d'adhésion de la Commission dont les points principaux sont les suivants :}} - droit du travail, secteur public et privé- égalité Hommes/Femmes- santé et la sécurité professionnelle- lutte contre les discriminations- santé publique- développer le rôle des partenaires sociaux dans le dialogue social, interprofessionnel, sectoriel et d'entreprise- promouvoir l'emploi.

9. L'adhésion de la Turquie est un des défis majeurs pour l'Europe dans les années à venir. Elle confirmera que l'Union européenne, parce qu'elle repose sur un socle de valeurs communes de paix, de liberté, de démocratie, de primauté du droit et de respect des droits de l'Homme, est capable d'étendre son rayonnement et de puiser sa force dans la diversité de ses membres, dans le respect des opinions philosophiques ou des croyances religieuses de chacun de ses ressortissants.

10. La force du modèle social européen ne peut résider que dans sa capacité à faire la preuve de l'existence de réponses alternatives aux immenses défis de notre époque. La CES réaffirme qu'une Europe multiethnique, multiculturelle constitue une des réponses au terrorisme international, en récusant pratiquement la thèse de prétendus «conflits de civilisation».