Bruxelles, 26/10/2010
Résumé et Introduction
1. Après deux ans d’une crise qui s’est terminée par l’effondrement de la banque Lehman Brothers, il est temps de faire le bilan des actions prises par les gouvernements pour réformer l’architecture financière mondiale et réglementer les marchés financiers.
2. L’opinion dominante de nombre de décideurs politiques et d’experts financiers en Europe et aux États-Unis est encore que la crise financière et économique est le résultat d’une série d’incidents regrettables, quoiqu’étroitement liés, qui ont affecté des marchés financiers prétendument efficaces. Pour surmonter les difficultés actuelles, il suffirait simplement de changer certaines des règles existantes et d’en définir quelques nouvelles pour que le système revienne à la normale. Ces mêmes personnes mettent par conséquent en garde contre des règles plus strictes qui soi-disant affecteraient la croissance future. Jusqu’à présent, une armée de lobbyistes a réussi à faire obstruction aux réformes du secteur financier qui règleraient vraiment ses problèmes fondamentaux et rééquilibreraient le monde de la finance et les besoins d’une croissance durable de l’économie réelle.
3. D’autres politiciens, bien que minoritaires, la CES et l’ensemble du mouvement syndical international, ainsi que de nombreux universitaires et organisations de la société civile ont adopté une approche différente qui, en rassemblant les différents éléments de la réforme financière et en s’efforçant d’établir un modèle de croissance nouveau et viable de plein emploi et de justice sociale, redéfinirait le juste rôle de la finance dans la société et l’économie. Dans sa résolution d’octobre 2009, le Comité exécutif de la CES faisait appel aux gouvernements et aux institutions européennes pour garantir que l’architecture réglementaire nationale, européenne et mondiale soutienne un système bancaire à même d’assurer un financement de l’économie réelle stable et d’un bon rapport coût-performance favorisant ainsi la croissance, stabilisant la volatilité macro-économique et affectant des fonds pour un usage socialement bénéfique.
4. Pour les institutions bancaires et leurs dirigeants la crise semble terminée. Les énormes plans de sauvetage n’ont aucunement donné lieu à un comportement du secteur bancaire socialement plus responsable mais ont, au contraire, accru le risque moral et une mentalité libre-service généralisée. Les réformes entreprises à ce jour ont été incertaines et hésitantes. Leur évaluation est au mieux mitigée, les perspectives de progrès futurs plutôt sombres et les mesures prises restent marginales.
5. Les dirigeants du G20 n’ont pas respecté leurs propres engagements formulés lors des réunions de Londres, Washington et Pittsburgh. Le Sommet de Toronto du G20 de juin 2010 a non seulement mis en évidence des approches de la réforme financière différentes mais les gouvernements ont également renoncé à établir un programme uniforme pour la réglementation des marchés financiers mondiaux. Alors que l’approche des États-Unis est davantage centrée sur la taille des institutions financières par rapport à l’économie (« trop grosses pour les laisser tomber ») afin d’éviter d’autres plans de sauvetage énormes financés par le contribuable, les Européens cherchent à augmenter les exigences en matière de fonds propres des banques dans le cadre des normes de Bâle (« Bâle III » avec entrée en vigueur en 2019 au plus tôt) quoiqu’avec une détermination plutôt tiède. Les divergences fondamentales au sein du G20 concernant la politique monétaire et fiscale, la taxation du secteur financier, les exigences minimales de fonds propres du système bancaire, les produits dérivés et les fonds spéculatifs représentent un énorme pas en arrière par rapport à l’engagement pris en avril 2009 d’établir « une plus grande cohérence et une coopération systématique entre les pays ainsi que le cadre de normes exigeantes internationalement acceptées dont a besoin un système financier mondial ».
6. Pour la CES, il est dès lors encore plus important que les gouvernements et les institutions européens fixent de telles normes de réglementation financière, tant au sein de l’espace réglementaire du Marché unique européen que du G20 où, outre cinq de ses états membres, l’UE elle-même dispose d’un siège. La CES continuera à prendre une part active aux consultations syndicales mondiales avec le G20. Des règles strictes pour les institutions financières n’ont que peu de sens si elles ne sont pas appliquées au niveau supranational du Marché unique car, lorsqu’une nation assouplit ses règles, cela provoque une course vers le bas et fait du tort à toutes les autres en entraînant un afflux de capitaux étrangers forçant ainsi les économies plus disciplinées à se montrer moins strictes et/ou à augmenter leurs taux d’intérêt et poussant les banques à prendre plus de risques. La concurrence parmi les États membres de l’UE pour attirer les investisseurs financiers et les produits financiers innovants promettant des retours sur investissement élevés entraîne une persistance des restrictions nationales et crée dès lors des failles dans une réglementation européenne future. L’attitude du Conseil européen va à l’encontre d’un ensemble réellement harmonisé de règles de base dans l’UE, dressant des obstacles à la création tant d’un marché financier européen unique que d’une situation équitable contre l’arbitrage réglementaire. Quand il s’agit de transférer au niveau européen une part du pouvoir exécutif des États membres, on peut observer la réémergence du conflit traditionnel entre un Conseil favorisant les nations, un Parlement européen faisant preuve d’initiatives et la Commission agissant avec prudence par rapport au Conseil. La CES soutient fermement le Parlement européen qui est à la pointe de la réglementation financière dans l’UE alors que le Conseil a cherché à fortement diluer les propositions qui sont sur la table.
Réglementation financière : Etat des lieux pour téléchargement
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