Bruxelles, 13/01/2004
Introduction
Au cours du premier semestre 2004, la présidence irlandaise sera confrontée à un agenda politique extrêmement complexe et en même temps très stimulant : l'élection d'un nouveau Parlement européen, l'entrée en fonction des commissaires des nouveaux États membres, les préparatifs en vue de la nomination des nouveaux commissaires et le lancement de la procédure de ratification de la nouvelle Constitution.
L'unification de l'Europe et la conclusion des préparatifs finaux devront être réalisées dans un nouveau contexte politique et économique international qui préoccupe fortement la Confédération européenne des syndicats. La situation socioéconomique de l'Europe continue à se détériorer, rendant ainsi de plus en plus difficile la réalisation des objectifs de Lisbonne. La CES considère que l'Union européenne et le Conseil européen n'abordent pas ce problème avec la diligence requise. Trop peu d'actions sont entreprises pour répondre aux besoins de l'économie réelle ou faire face au risque de déflation qui menace plusieurs régions d'Europe, et qui entraînerait un cercle vicieux basé sur une hausse du chômage et une baisse de la croissance. L'Europe a besoin d'une gouvernance économique renforcée, fondée sur une application intelligente des dispositions existantes du Traité ; elle est importante pour s'attaquer à la situation sociale actuelle, qui reste préoccupante, et apporter une réponse coordonnée et positive aux inquiétudes des citoyens et des travailleurs face à la détérioration de l'emploi et à l'approche restrictive et négative que beaucoup de pays européens entendent réserver à l'avenir de la protection sociale. La CES espère que la présidence irlandaise usera de son influence pour aborder ce problème, en s'inspirant des principes du modèle social européen plutôt que de l'approche néolibérale qui semble être privilégiée dans plusieurs pays européens.
L'UE doit montrer qu'elle est capable d'une politique différente, en développant sa compétence décisionnelle, son identité et sa vision sociale, en renforçant son rôle dans la gouvernance internationale et en jouant dès lors un rôle clé dans la maîtrise de la mondialisation, en promouvant le développement durable pour tous et en se faisant l'avocate de la paix, de la démocratie et des droits de l'homme dans le monde.
Au cours de la présidence irlandaise, la CES suivra de près les progrès sur les questions concernant l'avenir de l'Europe, le renforcement de l'identité européenne ainsi que l'évolution sur le plan économique et social.
10 TESTS SOCIAUX POUR LA PRÉSIDENCE IRLANDAISE
1. CIG : assurer à l'Europe un traité constitutionnel démocratique, moderne et social ;
2. Stratégie de Lisbonne : lancer des mesures compatibles avec les objectifs de Lisbonne afin de faire face aux problèmes immédiats auxquels l'Europe est confrontée et confirmer l'engagement de créer des emplois plus d'emplois et de meilleurs emplois basés sur des politiques économiques, de l'emploi et de la cohésion sociale ;
3. Immigration : développer une politique commune de l'UE en matière d'immigration et d'asile abordant l'intégration et la gestion des flux migratoires ;
4. Révision de la directive sur les CEE : mettre un terme au retard de trois ans dans la révision de la législation ;
5. Santé et sécurité au travail : mettre en œuvre la stratégie communautaire pour 2002-2006 ;
6. Contrôle des fusions : tenir compte des considérations liées à l'emploi et de la participation ;
7. Travail intérimaire : adopter la directive ;
8. Temps de travail : abolir l'« opt-out » individuel et restreindre les autres dérogations ;
9. Services d'intérêt général : engager une procédure en vue d'une directive-cadre ou imposer un moratoire législatif concernant la libéralisation ;
10. Responsabilité sociale des entreprises : engager le débat sur la RSE dans le cadre du modèle social européen, et souligner que la RSE n'est pas une alternative au dialogue social et à la négociation collective.
I. L'avenir de l'Europe et la Conférence intergouvernementale
Les chefs d'État ou de gouvernement de la Conférence intergouvernementale (CIG) ne sont pas parvenus à éviter une crise européenne majeure. Une minorité de pays, davantage intéressés par leur propre droit de veto que par des procédures décisionnelles effectives pour l'Europe, ont interrompu la CIG. La Constitution européenne n'a dès lors pas été adoptée et les travaux de la Convention européenne et de la CIG ont été suspendus.
La CES est très inquiète de voir que les travaux préparatoires de la première Constitution européenne ont été interrompus au stade final. La CES appelle la présidence irlandaise à utiliser cette interruption pour créer un « Europe plus démocratique et citoyenne » et satisfaire certaines exigences fondamentales des syndicats, telles que la reconnaissance explicite des droits syndicaux transnationaux et le fait de rendre la partie III cohérente par rapport à la partie I en y ajoutant les termes « plein emploi » et « économie sociale de marché ».
Le défi est à présent à la mesure du désespoir engendré par la crise. Il sera très difficile d'expliquer au public qu'à cause d'une très faible minorité, et malgré tout ce qui a été réalisé, la Constitution est momentanément suspendue. En vue des prochaines élections au Parlement européen, il est encore plus important de se doter d'une Constitution européenne solide avec une dimension sociale forte.
La CES appelle les partisans de l'Europe à prendre leurs responsabilités et à faire avancer le processus d'intégration européenne. L'unification de l'Europe et l'approfondissement du processus d'intégration sont intimement liés.
II. La mise en œuvre de la stratégie de Lisbonne : politiques économiques, de l'emploi et de la cohésion sociale
La CES considère que l'Union européenne devrait œuvrer au renforcement de la mise en œuvre de la stratégie de Lisbonne, en particulier l'engagement à créer « plus d'emplois et de meilleurs emplois », le plein-emploi et l'instauration d'une société de la connaissance, l'augmentation de la participation des femmes au marché du travail moyennant les mesures d'accompagnement nécessaires, ainsi qu'un train de mesures permettant d'atteindre un taux de croissance annuel durable de 3 %. Les prévisions économiques et les troubles sociaux croissants montrent clairement que l'Europe est loin d'atteindre ces objectifs.
Dans le même temps, la situation économique et sociale est trop grave pour continuer à se servir des principes du Pacte de stabilité et de croissance comme une excuse pour rendre toute action impossible. La CES reconnaît la nécessité de règles permettant une gouvernance économique renforcée au niveau européen. Toutefois, ces règles doivent être raisonnables et appliquées avec intelligence. Dans les circonstances actuelles, il est absurde de forcer les États membres à prendre des mesures procycliques restrictives qui ont la stabilité comme unique objectif. On devrait plutôt les encourager et leur permettre d'adopter, sur une base coordonnée, des mesures orientées vers les investissements, qui contribueront à restaurer tant la confiance que le potentiel économique. La CES attend de la présidence irlandaise qu'elle engage un débat sérieux et une action sur cette question.
Une nouvelle panoplie de mesures macroéconomiques est nécessaire pour stimuler la croissance et l'emploi ; en outre, une nouvelle approche de la stratégie de Lisbonne fait encore défaut. La CES salue la récente initiative de la Commission en faveur de la croissance visant à investir dans les infrastructures et les réseaux européens, car elle y voit une mesure concrète de nature à apporter une approche politique double.
Cette initiative indique aux investisseurs et aux consommateurs que la politique européenne se préoccupe encore de l'objectif de la croissance et qu'elle n'est pas obnubilée par la stabilité monétaire. En tant que telle, elle est susceptible de stimuler la confiance et contribue à ouvrir la voie à une reprise effective à court terme. Dans le même temps, l'initiative en faveur de la croissance renforcera le potentiel de croissance de l'Europe à moyen terme en investissant dans les projets d'infrastructures traditionnelles et modernes et en se rapprochant de l'objectif consistant à investir 3 % du PIB dans la recherche et le développement.
La CES appelle la présidence irlandaise à inciter la Commission européenne à améliorer encore cette initiative :
? en investissant dans le capital humain en soutenant les conventions collectives sur la formation des travailleurs. L'apprentissage tout au long de la vie et le recyclage des travailleurs sont des conditions essentielles à la réussite de l'économie de l'innovation ;
? en investissant dans les services personnels en améliorant ses conditions globales. Le développement du secteur des services en Europe est essentiel tant pour augmenter le taux d'emploi que pour améliorer la cohésion sociale compte tenu du vieillissement de la population ;
? en investissant dans les technologies propres, la revitalisation sociale des principaux centres urbains et le développement des régions rurales.
La mise en œuvre de la nouvelle stratégie européenne pour l'emploi contribuera à améliorer la situation générale du marché du travail ainsi qu'à promouvoir l'égalité des chances entre hommes et femmes. La (ré)intégration, dans le marché du travail, des personnes qui en ont été exclues - non par choix ou par des systèmes de sécurité sociale trop généreux, mais parce qu'un nombre suffisant d'emplois n'a pas été créé - nous aidera à atteindre les objectifs de Lisbonne. Toutefois, pour créer plus d'emplois de qualité, il ne faut pas perdre de vue d'autres priorités, telles que la conciliation entre la vie professionnelle et la vie de famille, la mise en œuvre des objectifs de Barcelone sur la garde des enfants, la réduction de l'écart de rémunération entre les sexes, la garantie des droits à la sécurité sociale pour les travailleurs atypiques, l'offre d'emplois de qualité aux femmes et la promotion de l'apprentissage tout au long de la vie pour tous.
Les propositions de politiques économiques et de cohésion sociale dans une UE élargie et les perspectives financières après 2006 seront présentées sous la présidence irlandaise. La CES considère que les fonds structurels communautaires doivent contribuer aux objectifs de la stratégie européenne pour l'emploi et au renforcement du modèle social européen. À cet effet, l'assise financière des fonds structurels doit être améliorée afin de permettre la mise en œuvre des politiques qui répondent réellement aux besoins de tous les États membres, tout en améliorant les liens institutionnels entre les politiques du marché du travail dans l'EEE et leur financement par les fonds structurels. L'implication des partenaires sociaux dans les opérations des fonds structurels doit être en outre renforcée, notamment en soutenant le renforcement des capacités, en particulier dans les pays candidats à l'adhésion.
La CES espère que le sommet social tripartite, organisé à la veille du sommet européen de printemps, prévoira un débat sur des questions concrètes et des mesures qui contribueront à améliorer l'intégration ou le maintien des travailleurs sur le marché de l'emploi, en particulier ceux qui sont souvent victimes de l'exclusion sociale, à savoir les jeunes, les travailleurs âgés, les femmes, les immigrés et les personnes issues de minorités ethniques.
III. L'agenda pour la politique sociale
L'agenda pour la politique sociale est arrivé à mi-parcours. La présidence irlandaise doit aborder un certain nombre de questions sans plus tarder.
Travail intérimaire
L'inclusion de travailleurs sous contrat de travail atypique, et en particulier de travailleurs intérimaires, dans le marché normal de l'emploi est une pierre angulaire de la stratégie européenne de l'emploi visant à créer des emplois plus nombreux et de meilleure qualité. À cet égard, il est indispensable d'étendre la couverture offerte par la législation du travail et les conventions collectives qui tendent à intégrer et à protéger ces travailleurs. Toutefois, il a été impossible jusqu'à présent d'apporter aux travailleurs intérimaires une protection suffisante au niveau européen. Bien que l'égalité de traitement des travailleurs intérimaires, et en particulier l'égalité de rémunération par rapport aux autres employés de l'entreprise qui les utilisent, soit garantie dans la plupart des États membres, une minorité de blocage constituée de quatre États membres, dont l'Irlande, cherchent à s'opposer à l'égalité de traitement des travailleurs intérimaires qui travaillent depuis moins de six mois dans l'entreprise qui les utilisent. En l'absence de toute mesure ou mécanisme compensatoire, cela priverait à l'évidence la grande majorité des travailleurs intérimaires du bénéfice des dispositions du projet de directive relatives à l'égalité de traitement. La CES tient cette position pour inacceptable. L'adoption de la directive européenne garantissant l'égalité de traitement et une protection de base aux travailleurs intérimaires dans l'ensemble de l'UE revêt une grande importance au regard du processus d'élargissement. Dans les dix nouveaux États membres, le travail intérimaire n'est pas encore largement utilisé, même si on s'attend à ce qu'il gagne en importance.
La CES appelle la présidence irlandaise non seulement à reconsidérer sa propre position sur la question, mais aussi à poursuivre les efforts des présidences précédentes afin de dégager une proposition de compromis. Ce compromis devrait reconnaître que les travailleurs intérimaires doivent être traités comme n'importe quels autres travailleurs, et respecter le principe fondamental « à travail égal, salaire égal », en ne prévoyant de dérogations aux dispositions de la directive que si la loi ou des conventions collectives mettent en place des mesures ou mécanismes compensatoires garantissant une protection adéquate aux travailleurs intérimaires.
Directive sur le conseil d'entreprise européen
La révision de la directive sur le conseil d'entreprise européen se fait attendre depuis trois ans. La Commission européenne a annoncé qu'elle allait lancer une procédure sur la question à l'automne 2003. Quoi qu'il en soit, la CES appelle la présidence irlandaise à commencer la révision de la directive, qui est urgente. Pour la CES, un des objectifs essentiels est d'étendre sa portée et de renforcer les droits à l'information et à la consultation en cas de restructuration, ces questions étant de plus en plus urgentes dans une UE élargie.
Directive sur le temps de travail
Dix ans après avoir été adoptée, la directive sur le temps de travail doit être revue, en particulier en ce qui concerne deux dérogations importantes, qui ont permis à certains États membres de continuer à pratiquer de longs horaires de travail.
L'évaluation a montré que la mise en œuvre de la directive n'a pas été satisfaisante et que le recours extensif et non contrôlé de ce qu'il est convenu d'appeler l'« opt-out individuel » a eu des effets néfastes sur la santé et la sécurité de millions de travailleurs, ainsi que sur leur capacité à concilier leurs responsabilités personnelles à leurs responsabilités professionnelles.
La CES regrette que la récente Communication de la Commission européenne ne contienne aucune proposition concrète pour remédier à la situation. Nous attendons cependant avec impatience certaines initiatives courageuses que la Commission européenne devrait entreprendre en avril. La CES appelle la présidence irlandaise à soutenir les efforts de la Commission européenne en vue d'une politique moderne du temps de travail qui combine flexibilité et productivité pour les entreprises et laisse un choix réel aux travailleurs.
La CES invite aussi la présidence irlandaise à aider la Commission européenne à trouver des solutions adéquates et équilibrées aux problèmes qui ont surgi dans certains États membres du fait de l'application d'arrêts récents de la CJCE sur la question du « temps de travail des permanents ». Certains États membres envisagent de recourir à l'introduction de l'« opt-out individuel ». La CES est convaincue que l'opt-out individuel ne saurait être accepté en tant qu'instrument satisfaisant pour protéger la santé et la sécurité des travailleurs. Des solutions adéquates et équilibrées devraient être élaborées, qui tiennent compte des principes fondamentaux de la directive sur le temps de travail et respectent les obligations prévues dans les traités européens et les chartes, notamment la limitation de la semaine de travail maximale pour chaque travailleur.
La CES compte sur la présidence irlandaise pour plaider en faveur d'une politique moderne du temps de travail, qui tienne compte des intérêts à long terme des économies européennes, des marchés du travail et des personnes, et qui combine la limitation et la réduction du temps de travail à la flexibilité et à la sécurité tant des entreprises que des travailleurs.
Responsabilité sociale des entreprises
La CES souhaite continue à jouer un rôle actif dans le débat européen sur la responsabilité sociale des entreprises (RSE). Toutefois, nous insistons pour que ce débat ait lieu dans le cadre du modèle social européen et qu'il soit basé sur les valeurs communes des États membres de l'UE, en particulier dans le contexte de l'élargissement, de la mondialisation et du développement durable. Il doit être clair que la RSE n'est pas une alternative au dialogue social.
Égalité des sexes
Les travaux sur la proposition de directive mettant en œuvre le principe d'égalité de traitement entre hommes et femmes dans l'accès et la fourniture de biens et services doivent être menés à bien. La CES invite la présidence irlandaise à veiller à ce qu'elle soit adoptée à l'unanimité par le Conseil des ministres, après consultation du Parlement européen.
L'engagement à remanier les directives relatives à l'égalité dans les domaines de l'emploi et de la politique sociale doit également être maintenu. Nous appelons la présidence irlandaise à veiller à ce que les travaux sur cette question débutent sans tarder.
Santé et sécurité au travail
Les travaux sur la directive relative aux agents physiques et aux champs électromagnétiques doivent être achevés après la seconde lecture au Parlement. Pour la CES, il est essentiel que la nouvelle directive applique les principes de la directive-cadre en intégrant pleinement les risques potentiels pour la santé liés aux champs électromagnétiques, en particulier dans l'évaluation des risques menée par les employeurs, ainsi que le droit à la surveillance médicale des travailleurs exposés à de tels risques. Ces principes doivent également être appliqués au rayonnement optique, qui constitue la dernière partie de la proposition sur les agents physiques.
La CES espère que le Conseil tiendra compte de l'ensemble des dispositions et des exigences des directives sur la santé et la sécurité (en particulier, les directives 98/24 et 90/394) lors de l'élaboration de la proposition REACH visant à réformer la législation de l'UE relative aux produits chimiques dangereux afin d'assurer une meilleure application de ces directives, dont le but est de réduire l'exposition des travailleurs à ces produits et de remplacer les agents cancérigènes pour autant que cela soit techniquement possible.
Politique industrielle
Une politique industrielle européenne revêt une importance capitale pour réussir la mise en œuvre de la stratégie de Lisbonne. La CES a salué l'initiative de la Commission européenne en la matière. L'industrie européenne est confrontée à des défis complexes, notamment du fait de la restructuration industrielle et de la délocalisation des activités de R&D en dehors de l'UE. Il est grand temps de proposer des initiatives concrètes. La CES espère que la Commission européenne présentera, conformément à son programme de travail, un plan d'action en mars, dans lequel des initiatives européennes prendront une forme claire et concrète. La CES considère qu'un tel plan d'action doit être complété par des plans d'action sectoriels et que les partenaires sociaux doivent être associés à la mise en œuvre de la politique industrielle à tous les niveaux.
IV. Dimension sociale du marché intérieur
Marché intérieur des services
La CES considère que les propositions législatives récentes présentées par la Commission européenne dans le domaine du marché intérieur doivent être améliorées afin de respecter les règles européennes en matière d'information, de consultation et de participation des travailleurs, ainsi que leur incidence sur l'emploi.
La proposition de directive de la Commission européenne relative au marché intérieur des services, dont le but est d'encourager la libre circulation des services, ne devrait pas entraîner la destruction des marchés du travail ou le non-respect des normes et de la législation européennes actuelles dans le domaine de la libre circulation.
La CES appelle la présidence irlandaise à suivre de près cette question et à veiller à ce que les partenaires sociaux européens soient consultés sur les questions de santé et de sécurité ainsi que sur les questions liées au détachement de travailleurs dans le cadre de la fourniture de services.
Services d'intérêt général (SIG)
Le rôle crucial joué par des SIG efficaces et de haute qualité dans la réalisation des objectifs de la « stratégie de Lisbonne » n'est pas suffisamment reflété dans les traités. La CES est très préoccupée par les préparatifs pratiques en cours qui visent à accélérer la libéralisation et la dérégulation de plusieurs secteurs (directive sur les services dans le marché intérieur, eau, etc.) sans une évaluation pluraliste sérieuse des conséquences de ces processus sur la fourniture des services, la qualité et la quantité d'emplois, l'égalité d'accès aux services et le choix des services. La CES en appelle dès lors à une évaluation pluraliste complète de l'incidence que les processus de libéralisation ont eu à ce jour, cette évaluation ne devant pas être confondue avec l'évaluation routinière de la mise en œuvre des directives. Les paramètres de l'évaluation des effets de la libéralisation doivent être élargis, de manière à comprendre également des données relatives au social, à l'emploi et au marché du travail, à l'égalité et à l'environnement. Il est tout à fait inacceptable de se montrer réticent à présenter une proposition de directive-cadre tout en accélérant le processus de libéralisation. Si la Commission européenne n'est en pas capable, il serait logique d'imposer un moratoire législatif à la libéralisation jusqu'à ce que la Commission européenne soit en mesure de soumettre une proposition-cadre.
La CES réitère son exigence de structures réglementaires et de contrôle transparentes et démocratiques, qui seraient mandatées par les pouvoirs publics pour contrôler effectivement l'incidence de la libéralisation sur les SIG. Les travailleurs et les syndicats, ainsi que des groupes de citoyens, devraient être associés à ce processus. La proposition de la CES-CEEP de créer un observatoire européen des SIG devrait être prise en compte. La CES demande à la présidence de soutenir ces exigences.
Contrôle des fusions
Au lieu d'accroître la valeur des sociétés concernées, la plupart des fusions réalisées ces dernières années n'ont fait que détruire un grand nombre d'emplois, causant des problèmes économiques considérables dans les régions où les usines et les sociétés en question ont été fermées. La CES appelle à tenir compte des considérations liées à l'emploi dans la réforme actuelle du règlement sur le contrôle des fusions. Le traité d'Amsterdam oblige déjà l'UE à intégrer les considérations liées à l'emploi dans toutes ses politiques. La présidence irlandaise devrait garantir le respect de cette obligation.
V. Balkans de l'Ouest
La CES soutient les plans tendant à intensifier le processus de stabilisation et d'association dans l'Europe du Sud-Est. Les priorités essentielles qui ont été définies et les initiatives visant à faire face aux problèmes les plus urgents de la région sont de la plus haute importance. Toutefois, il est surprenant que l'accélération des réformes économiques, les mesures de lutte contre le crime organisé et la corruption, le développement de la liberté de commerce et le rétablissement et le maintien de la paix interethnique et sociale dans la région puissent être réalisés en l'absence d'un soutien public solide et alors que la dimension sociale est exclue du processus de transformation, notamment en ce qui concerne la participation des partenaires sociaux. Il est d'autre part regrettable qu'aucun des documents adoptés au sommet de Salonique ne fasse référence à la nécessité d'une politique sociale et de l'emploi pour contrebalancer le poids des réformes.
Les questions sociales ne figurent pas parmi les priorités des activités d'EUROPAID, la seule source importante d'aide européenne à la région. Le soutien politique à la déclaration de Bucarest sur l'emploi, adoptée par les ministres du Travail de la région dans le cadre de l'initiative pour la cohésion sociale du pacte de stabilité en Europe du Sud-Est, constitue un pas dans la bonne direction, mais il faudra en faire bien plus si l'on veut que le processus produise à l'avenir des résultats tangibles et durables. Des initiatives similaires, entreprises dans le domaine de la réforme des pensions et d'autres domaines socialement sensibles, devront aussi être soutenues davantage, étant donné que, jusqu'à présent, le processus de changement ne s'est pas nécessairement inspiré des valeurs et des normes européennes.
La CES invite la présidence irlandaise à tenir compte de la contribution essentielle que les politiques abordant la dimension sociale de la transformation peuvent apporter à l'instauration et au maintien d'un consensus politique et social afin de ménager un espace au processus de réforme ainsi qu'au rôle des partenaires sociaux dans ce processus, et à veiller à ce que cela soit respecté pleinement à tous les niveaux.
VI. Politique d'immigration et d'asile
La CES a salué le fait que le sommet de Salonique a reconnu la nécessité d'une politique commune et plus structurée de l'UE en matière d'immigration et d'asile. Nous appelons la présidence irlandaise à faire de ce thème une priorité essentielle. Cette politique devrait appliquer une approche sur trois fronts : intégration et égalité des droits et de traitement entre les personnes ; gestion des flux migratoires ; intégration de la dimension de la migration et de l'intégration dans d'autres politiques de l'UE, notamment les politique de coopération au développement.
Ces objectifs impliquent d'adopter sans plus attendre diverses propositions législatives. La CES invite la présidence irlandaise à le faire sur les questions suivantes :
? Décision sur la citoyenneté européenne, qui permettrait aux ressortissants de pays tiers résidant légalement dans l'UE de bénéficier d'un statut qui leur donnerait des droits et des devoirs politiques et sociaux, y compris le droit de vote aux élections locales et régionales.
? Adoption de la directive sur les conditions d'entrée dans l'UE aux fins d'un emploi.
? Transposition immédiate de la directive sur l'égalité de traitement entre personnes quelle que soit leur origine raciale et/ou ethnique.
En ce qui concerne la directive sur le regroupement familial, la CES soutient la position adoptée par le Parlement européen en décembre 2003 condamnant la disposition qui oblige les enfants de plus de 12 ans à passer un interrogatoire avant d'être autorisés ou non à rejoindre leurs parents.
La CES invite aussi la présidence irlandaise à assurer la cohérence entre la législation de l'UE, d'une part, et les conventions des Nations unies et de l'OIT et les instruments légaux du Conseil de l'Europe, d'autre part, et à veiller à la ratification des conventions des Nations unies et de l'OIT dans l'UE et les pays candidats à l'adhésion.
En ce qui concerne la gestion des flux migratoires, la CES appelle la présidence irlandaise à ne pas se focaliser uniquement sur la lutte contre la traite des êtres humains et sur les contrôles aux frontières, mais à fournir aussi une assistance aux victimes de la traite, dont beaucoup sont des femmes victimes de l'exploitation sexuelle. Des mesures devraient être prises pour combattre l'exploitation des travailleurs sans papiers, qui viole les droits de l'homme universels, et pour punir effectivement ceux qui tirent parti de leur exploitation.
Si la gestion des migrations doit faire partie de la réponse aux tendances démographiques de l'UE, nous soulignons qu'elle ne peut être la seule solution et que les politiques de migration doivent s'accompagner de mesures d'intégration complémentaires. Nous soulignons également que la gestion des migrations ne peut se résumer à la sélection des meilleurs travailleurs qualifiés des pays en voie de développement, ce qui entraînerait une fuite des cerveaux de ces pays, ni à l'importation de main-d'œuvre bon marché pour des tâches ingrates.
En ce qui concerne l'incorporation des politiques de migration et d'intégration dans d'autres politiques de l'UE, la CES invite la présidence irlandaise à la soutenir, notamment dans le domaine des politiques de l'emploi : des objectifs spécifiques et quantifiés devraient être définis afin de réduire le chômage parmi les ressortissants de pays tiers et les travailleurs issus de minorités ethniques.
La coopération de l'UE au développement de pays tiers revêt également une importance capitale. L'immigration doit être gérée dans le contexte des accords existants de coopération au développement, tels que l'accord de Cotonou et le processus de Barcelone dans l'espace euro-méditerranéen. En outre, les accords de réadmission avec des pays qui n'ont pas conclu d'accords de coopération au développement avec l'UE, comme le Pakistan, devraient aussi prévoir des clauses de coopération au développement.
VII. Accord d'association UE-MERCOSUR
La CES a déclaré publiquement à plusieurs reprises qu'elle soutenait fortement la négociation de l'accord d'association UE-Mercosur. Toutefois, il semble qu'il y ait des difficultés à conclure ces négociations, malgré le fait que les institutions européennes les considèrent comme une priorité de premier plan pour les relations extérieures de l'UE.
En vue des préparatifs du prochain cycle de négociations, qui devrait avoir lieu à Buenos Aires, et du sommet UE-Mercosur, qui devrait se tenir en mai à Mexico, la CES appelle la présidence irlandaise à prendre des initiatives en vue d'une conclusion rapide des négociations. Dans le même temps, la CES espère que l'accord comprendra une dimension sociale, à côté des dimensions économique, politique et culturelle. En outre, la CES considère que les partenaires sociaux européens devraient être associés plus étroitement aux discussions sur les aspects sociaux de l'accord.
VIII. La dimension sociale du processus ASEM
À l'occasion du IVe sommet ASEM, qui s'est tenu à Copenhague en 2002, la CES a publié, avec la CISL (Confédération internationale des syndicats libres), une déclaration syndicale appelant à l'incorporation d'un pilier social dans le processus ASEM, à côté des piliers économique, politique et culturel actuels. En ce moment, les questions liées aux politiques de l'emploi, à la qualité des emplois ou à la promotion d'un partenariat social fort, qui ont trait aux travaux communs entre l'Union européenne et l'espace asiatique, ne sont pas prises en compte comme il se doit ou sont tout simplement ignorées. La CES considère que cela est extrêmement négatif, surtout au regard de l'accélération de la mondialisation, parallèlement à la présence croissante de sociétés européennes dans la région.
Les préparatifs du Ve sommet ASEM, qui se tiendra à Hanoi, en octobre 2004, seront achevés au cours du premier semestre de cette année, sous la présidence irlandaise. La CES appelle la présidence irlandaise à intégrer, dans les préparatifs en vue du Ve sommet ASEM, la discussion sur l'incorporation d'un pilier social dans le processus ASEM, en tenant compte des avis et des travaux des ministres du Travail de l'ASEM à cet égard. Dans le même temps, la CES considère que les partenaires sociaux européens devraient être associés plus étroitement aux discussions sur les aspects sociaux du processus ASEM.