Résolution de la CES - Semestre européen 2014 - Messages-clés de la CES au Conseil européen

Messages-clés

 

Pour garantir une relance massive, l'Europe a besoin d'investissements structurels, d'égalité de rémunération et de conditions de travail décentes pour tous les travailleurs. La CES appelle donc le Conseil européen de printemps à adopter une nouvelle orientation puisque, sans changement radical de politique, le semestre européen 2014 ne permettra pas de garantir une relance durable.

Même si, dans un avenir proche, l'Europe continuera d'être confrontée à une stagnation économique et à un chômage de masse, le principal signal politique envoyé par l'examen annuel de la croissance (EAC) 2014 pour le semestre européen en cours est, dans les grandes lignes, le statu quo.

L'Europe a besoin d'investissements structurels, et non de réformes structurelles qui ne font que réduire encore les droits des travailleurs. Un grand programme d'investissement européen, tel que proposé par la CES, d'investir 2% du PIB européen pendant dix ans est nécessaire de toute urgence. Son objectif serait de créer une économie européenne moderne dans un marché mondialisé et de résoudre les divergences sociales et économiques en Europe.

L'Europe doit voir les salaires comme une source de croissance et un pilier de la stabilité des prix. Faire entrer les travailleurs en concurrence à travers toute l'Europe ne fonctionne pas. Les salaires et les systèmes de négociations collectives doivent être rétablis afin d'écarter les économies européennes du piège que constitue la déflation par la dette. Des augmentations significatives des salaires réels sont nécessaires pour placer l'économie sur une trajectoire de croissance forte et pour favoriser le pouvoir d'achat.

L'Europe a besoin de respecter et de promouvoir des négociations collectives autonomes menées par les partenaires sociaux car elles sont le meilleur moyen de réformer le marché du travail et de fixer les salaires. La décision quant à l'organisation des négociations salariales est une compétence nationale et les réformes visant à renforcer les systèmes de fixation des salaires et de négociations ne peuvent être entreprises qu'au travers de négociations avec les partenaires sociaux et après un dialogue approfondi à l'échelle nationale. Les partenaires sociaux doivent être complètement impliqués dans toutes les étapes du processus du semestre européen et leur point de vue doit être pris en compte.

L'Europe a besoin de promouvoir les emplois de qualité pour tous les travailleurs pour répondre à la segmentation du marché du travail. Les contrats et les conditions de travail précaires ne peuvent mener qu'à un marché du travail précaire et qu'à une pauvreté encore plus grande chez les travailleurs.

L'Europe a besoin d'investir dans sa main-d'œuvre. L'Europe a besoin de travailleurs bien qualifiés si elle souhaite relever les défis de la mondialisation. Toutefois, malgré le consensus selon lequel les investissements dans l'enseignement, l'apprentissage tout au long de la vie, les qualifications et la formation sont cruciaux, la réalité est que de nombreux États membres, et de nombreuses entreprises, réduisent leurs dépenses et font des réformes sans réellement se soucier des répercussions sur la qualité de l'enseignement et de la formation.

L'Europe a besoin d'investissements sociaux. Les systèmes de protection sociale ne doivent pas uniquement être réduits à des instruments d'ajustement dans un contexte d'assainissement budgétaire. Cela nuit à leur fonction de stabilisateurs automatiques et à leur mission première, à savoir réduire la pauvreté et contribuer à la demande globale.

 

Introduction

Le statu quo est le principal signal politique envoyé par l'examen annuel de la croissance aux États membres au regard de la coordination de leurs politiques macroéconomiques, budgétaires et structurelles dans le cycle du semestre européen 2014. L'EAC leur conseille de « maintenir le cap » de l'austérité et demande des réformes structurelles « audacieuses » et « ambitieuses » qui engendreront une pression à la baisse sur les salaires et une flexibilité encore plus grande sur les marchés du travail européens qui sont déjà caractérisés par une trop grande précarité.

 

C'est une impasse ! Faire entrer les travailleurs en concurrence à travers toute l'Europe en baissant leurs salaires ne fonctionne pas. L'Europe, qui est un marché relativement fermé, ne peut pas se permettre de se voler des emplois à elle-même, une baisse des salaires dans un État membre se fera donc au détriment des exportations des autres États membres. Les législateurs européens devraient également être extrêmement prudents afin que cette baisse des salaires ne se transforme pas en une sévère déflation, ce qui augmenterait le fardeau réel de la dette et priverait encore plus l'économie de la demande, de l'activité et des emplois.

 

L'austérité est encore profondément ancrée dans l'agenda.

Face à des taux de chômage historiques et une relance faible et fragile, la principale recommandation de l'EAC 2014 en matière de politique économique est de « maintenir le cap de la stratégie d’assainissement budgétaire différenciée, propice à la croissance ». La poursuite de cette politique d'austérité coordonnée risque de nuire gravement à la relance si les États membres continuent simultanément à réduire leurs déficits.

 

Malgré des phrases, que nous saluons, sur la nécessité de lutter contre la planification fiscale agressive et les paradis fiscaux, la Commission continue de promouvoir un parti pris idéologique allant à l'encontre des dépenses publiques et de la fiscalité, appelant les États membres à favoriser un « assainissement reposant sur les dépenses ». Pour les États membres disposant d'une certaine marge de manœuvre en termes de relance budgétaire, la Commission recommande un allègement des charges et une réduction des cotisations sociales, des mesures destinées à stimuler l'investissement. Cela ne tient pas compte du fait que certaines des économies ayant le mieux réussi à surmonter la crise possèdent déjà des taux d'imposition relativement hauts et investissent ces recettes dans leurs économies et dans la fourniture de services publics efficaces et modernes.

 

L'omission du fait que certains États membres se débattent avec un dosage macroéconomique très peu propice à la croissance, est troublante. En effet, les États membres ayant le plus besoin d'une politique d'expansion économique sont contraints d'instaurer la plus stricte politique d'austérité qui soit, la France, la Belgique et le Portugal devant faire un effort d'assainissement de 2 % du PIB supplémentaire, l'Espagne, la Slovénie et l'Irlande, un effort d'assainissement de 5 % du PIB. Toutefois, une politique monétaire ne peut pas, face à ces coupes budgétaires et leurs répercussions négatives sur l'économie, abaisser encore les taux d'intérêt à court terme puisque ceux-ci sont pratiquement nuls et ne peuvent pas être négatifs. Le fait que les taux d'intérêt à long terme restent à des niveaux élevés (de 4 à 5 %) dans ces États membres, soit des niveaux supérieurs aux taux de croissance nominale, complique encore la situation. Ainsi, les mesures destinées à encourager les investissements, et donc la relance économique elle-même, sont fortement entravées. Pour résumer, ces États membres sont confrontés à la fois aux répercussions négatives des coupes budgétaires et à des conditions de financement qui limitent les investissements.

 

En prônant des réductions des cotisations sociales, la Commission encourage, dans la pratique, les États membres à affaiblir encore ces stabilisateurs automatiques déjà affaiblis qui étaient si cruciaux au début de la crise. La CES a salué l'approche de la Commission dans son Paquet « Investissements sociaux » qui a montré que la politique sociale apporte, pour la société et pour la population, une véritable valeur ajoutée qui ne peut pas être quantifiée juste en se basant sur les niveaux des dépenses. Il est regrettable que, dans son EAC, la Commission ne tienne pas compte de ses propres conseils politiques.

 

Les régimes de protection sociale sont des outils essentiels dans la lutte contre la pauvreté, surtout en cette période de montée de la pauvreté en Europe. Ce ne sont toutefois pas que des filets de sécurité pour ceux qui ont besoin d'aide, ils jouent également un rôle majeur dans le maintien de la demande globale. Ils offrent du pouvoir d'achat à ceux qui en ont le plus besoin, qui, à leur tour, peuvent apporter leur contribution à l'économie en consommant.

 

L'enseignement, la formation, la recherche et l'innovation sont prépondérants si on veut doter les travailleurs d'Europe des qualifications et des compétences nécessaires pour se confronter à une économie de plus en plus mondialisée. La Commission reconnait ce fait et recommande que les États membres donnent la priorité au financement de ces secteurs. Dans un contexte de gouvernance économique accentuée et d'assainissement budgétaire permanent, il est difficile de déterminer où les États membres pourraient trouver les ressources financières pour ces quatre priorités. La CES propose que l'investissement dans l'enseignement, la formation, la recherche et le développement soit exclu du calcul du déficit et de la dette publics dans le cadre du Pacte de stabilité et de croissance.

 

Plus de réforme structurelle des salaires : la recette de la déflation

Tout en haut de la liste des politiques macroéconomiques d'austérité se trouve la politique de contraction des salaires. Alors que la crise dure depuis cinq ans, dans 16 États membres, l'évolution des salaires réels est inférieure aux tendances en matière de productivité et ce chiffre devrait atteindre 20 au cours des deux prochaines années (période 2008-2015). Dans de nombreux pays, sur toute la période 2008-2015, l'écart entre la dynamique des salaires réels et la productivité atteindra des sommets compris entre 8 et 17 %. Cela concerne notamment la Grèce, l'Espagne, la Roumanie, l'Irlande, Chypre, la Lettonie, la Pologne et le Portugal.

 

En outre, la zone euro est caractérisée par une baisse des salaires absolus, qu'ils soient réels ou nominaux. Pour la zone euro dans son intégralité, la croissance des salaires réels est nulle depuis 2011 et cela devrait se poursuivre jusqu'en 2014. Dans 11 des 18 États membres de la zone euro, en réalité, les salaires réels vont reculer en 2014.

 

La réponse de la Commission face à ces questions salariales est inadaptée et ambigüe. Tout en appelant à la « poursuite des efforts de réforme visant à garantir une évolution des salaires parallèle à celle de la productivité et ainsi aussi favorable à la compétitivité qu’à la demande globale », la Commission ignore sciemment le fait que si les salaires ont baissé, cela est dû à la politique de réformes structurelles que la Commission elle-même promeut.

 

De plus, l'EAC 2014 ne spécifie pas si ce sont les salaires réels ou les salaires nominaux qui devraient évoluer parallèlement à la productivité. Cette distinction est cruciale. Dans le premier cas, les salaires nominaux reflètent à la fois la productivité et l'inflation. Dans le second toutefois, les salaires nominaux ne se limitent qu'à l'évolution de la productivité sans intégrer les augmentations des prix, pas même celles qui sont conformes au propre objectif de stabilité des prix de la BCE. Cela fait de cette seconde option, la parfaite recette d'une spirale compétitive de baisse des salaires.

 

La CES regrette profondément le mutisme de la Commission face à cette question. En adoptant cette approche, elle laisse l'initiative aux puissants acteurs que sont la BCE et l'ECOFIN qui peuvent mettre en avant leur interprétation de la manière dont les salaires devraient évoluer. Dans la pratique, cela s'appelle le « statu quo ». Les États membres continueront d'être contraints de déréguler les systèmes de fixation des salaires afin de garantir la mise en œuvre de cette étrange formule dans laquelle les salaires nominaux sont strictement limités à la productivité et négligent l'inflation.

 

Plus de réforme structurelle des marchés du travail : les emplois précaires engendreront une relance précaire

 

La CES a appelé à des investissements massifs qui conduiraient à la création d'emplois durables et de qualité en Europe. Avec près de 16 millions de chômeurs de courte durée, la main-d'œuvre potentielle pour répondre à cette augmentation de la demande est loin de manquer. De notre point de vue, ces investissements sont le meilleur moyen d'empêcher le chômage cyclique de devenir structurel.

 

Même si certains signes indiquent que la situation de l'emploi se stabilise enfin, l'Europe est confrontée à une décennie perdue, certains prédisant même qu'il faudra au moins autant d'années  pour que les niveaux de l'emploi ne reviennent à ce qu'ils étaient avant la crise. Bien que l'EAC reconnaisse la gravité de la situation, une fois encore, la Commission ne parvient pas à élaborer des recommandations politiques conduisant à une amélioration qui profiterait à l'ensemble des européens.

 

Il est prématuré de parler de la fin de la crise alors que le chômage continue de toucher plus de 26,5 millions de personnes à travers toute l'Europe. Pire, cela démontre une certaine indifférence face à la détresse des pauvres en Europe et des 8 autres millions de personnes qui se trouvent aux portes de la pauvreté depuis que la crise a éclaté.

 

Le rapport 2013 sur l'Évolution de l'emploi et de la situation sociale en Europe récemment publié par la Commission et les Tendances mondiales de l'emploi 2014 de l'OIT[1] confirment les difficultés actuellement rencontrées par le marché du travail européen. Malgré des signes fragiles de relance économique, la conjoncture sociale et la situation de l'emploi devraient rester moroses pendant encore quelques temps. L'accroissement des inégalités menace la cohésion sociale et peut obérer la croissance économique, comme l'a d'ailleurs soulevé le FMI dans un document récent[2].

 

L'EAC continue d'encourager des réformes structurelles du marché du travail, comme s'il s'agissait du remède miracle qui « pourrait » donner des résultats positifs. La CES est surtout frappée par la tentative actuelle de l'UE de qualifier ce chômage cyclique élevé de chômage « structurel ». Les documents politiques se concentrent systématiquement sur le déséquilibre des compétences et sur les entreprises où la production est limitée à cause de ce qui est perçu comme une absence de main-d'œuvre qualifiée, tout en négligeant le nombre bien plus élevé d'entreprises qui désignent l'absence de demande comme la raison pour laquelle elles ne produisent pas plus.

 

« Promouvoir la qualité de l'emploi » L'Europe doit retrouver le chaînon manquant de la Stratégie européenne pour l'emploi

 

La promotion de la qualité de l'emploi, telle qu'elle figure dans les Lignes directrices pour les politiques de l’emploi[3], doit devenir le moteur de la stratégie européenne pour l'emploi et le semestre européen devrait être utilisé comme instrument pour s'en assurer.

 

La ligne directrice 7 a pour objectif d' « accroître la participation des femmes et des hommes au marché du travail, diminuer le chômage structurel et promouvoir la qualité de l’emploi ». Il est troublant de constater que cette dernière dimension est toutefois absente de l'EAC, du RCE et du Tableau de bord des indicateurs sociaux et de l'emploi. L'EAC 2014 se concentre uniquement sur la nécessité d'accroître la participation au marché du travail et le nombre d'emplois mais néglige totalement la dimension qualitative. Les références à la « qualité » sont loin de manquer dans d'autres domaines (élaboration de politiques à l'égard de l'administration publique, programmes d'assainissement, dépenses publiques) mais il n'existe pas une seule référence aux emplois de qualité.

 

La Commission salue les « mesures importantes » prises par les États membres pour réformer les marchés du travail et améliorer leur solidité. Pendant la crise, des efforts énormes et disproportionnés ont été demandés aux travailleurs européens. Trop souvent, les approches politiques adoptées n'ont pas été équilibrées et l'expérience des membres de la CES dans plusieurs États membres prouve que les réformes du marché du travail ont intensifié la destruction des emplois, abaissé des salaires déjà bas, accru la précarité et dégradé les conditions de travail et la qualité de l'emploi en général.

 

La segmentation menace gravement le bon fonctionnement des marchés du travail européen. Le nombre d'emplois précaires, caractérisés par l'insécurité, des bas salaires, de mauvaises conditions de travail et peu ou pas de protection de l'emploi, ne cesse d'augmenter. L'Europe ne devrait pas chercher à être concurrentielle grâce à des emplois précaires et des bas salaires mais grâce à des fondations solides telles qu'une main-d'œuvre hautement qualifiée, l'innovation et la qualité. Au lieu de faire pression en faveur d'une législation de protection de l'emploi moins stricte et d'encore plus de flexibilité pour tous les travailleurs, la promotion de la qualité de l'emploi devrait être au cœur de la politique de l'UE en matière d'emploi afin de lutter contre une main-d'œuvre de plus en plus précarisée et des inégalités de plus en plus grandes. Ces éléments sont essentiels pour permettre à l'Europe d'utiliser tout son potentiel et de renforcer sa compétitivité. 

 

Les réformes de l'enseignement et de la formation entreprises par les États membres se sont souvent réduites à des réductions des dépenses publiques sans réelles conséquences en termes d'amélioration de leur qualité ou de leur efficacité. De plus, des mécanismes de transition tels que l'apprentissage, les systèmes doubles et les stages ne sont pas suffisamment efficaces et souffrent d'une mauvaise transposition dans la majeure partie des États membres. La Commission devrait fixer des normes et des objectifs réalistes dans ses recommandations par pays et surveiller ces réformes dans des domaines tels que l'assurance qualité, les conditions de travail et le soutien concret en matière d'emploi.

 

Plus de soutien est nécessaire pour les jeunes, mais les autres travailleurs ne doivent pas être oubliés

 

Le "Paquet emploi jeunes" proposé par la Commission était un premier pas positif vers la résolution de la situation désastreuse à laquelle plusieurs millions de jeunes européens sont actuellement confrontés. Néanmoins, les mesures et les ressources proposées ne sont pas adaptées pour lutter contre les problèmes majeurs que sont l'emploi des jeunes, l'inactivité, la précarité et l'accroissement des inégalités en matière d'accès à l'éducation, à la protection sociale et à la sécurité sociale qui se sont largement dégradés du fait des mesures d'austérité mises en place à travers toute l'Europe.

 

Six milliards d'euros ont été affectés à la mise en œuvre de la Garantie pour la Jeunesse mais l'OIT estime[4] que ce sont 21 milliards qui sont nécessaires, dans l'UE, pour permettre une mise en œuvre totale. La mise en œuvre à l'échelle nationale est particulièrement inégale ce qui nuit à l'objectif visant à simplifier, pour les jeunes, la transition vers le marché du travail. Cette faible relance ne parvient pas à créer suffisamment de nouveaux emplois et ceux qui sont créés sont de plus en plus précaires par nature.

 

À la lumière de la situation particulièrement dramatique en termes de chômage des jeunes, il est compréhensible qu'une partie de l'attention se porte sur la résolution de cette question. Toutefois, la situation des autres groupes, notamment les femmes, les travailleurs plus âgés et les migrants, sur le marché du travail et les obstacles auxquels ils sont confrontés ne doivent pas être oubliés. L'apprentissage tout au long de la vie et la formation continue en entreprise devraient faire l'objet de mesures concrètes afin de renforcer les politiques destinées à empêcher le chômage et à favoriser l'anticipation du changement.

 

L'EAC reconnait, à raison, que si on attend des travailleurs qu'ils aient des vies actives plus longues et plus épanouissantes, des qualifications adaptées, un apprentissage tout au long de la vie, des environnements de travail favorables et la résolution des questions de l'écart entre les femmes et les hommes tant en matière de rémunération que de retraites seront prépondérants. Les dernières statistiques démontrent que l'écart salarial européen est en train de stagner aux alentours de 16%, ce qui représente 59 jours où les femmes travaillent "pour rien". Une fois encore, l'évaluation de ces défis par la Commission ne se traduit pas par des recommandations politiques pertinentes. Par exemple en 2013, un seul pays a fait l'objet d'une recommandation concernant la lutte contre l'écart salarial alors qu'il s'agit, à l'évidence, d'un problème qui touche tous les États membres.

 

De nombreuses recommandations par pays évoquent le recul de l'âge de la retraite sans faire, à proprement parler, le lien avec les possibilités réellement offertes aux gens de travailler plus longtemps. S'assurer que l'emploi d'une personne ne nuit pas à sa santé et à sa sécurité est un élément essentiel de la création d'un environnement de travail favorable mais nous sommes actuellement confrontés au fait que l'UE ne disposera pas d'une nouvelle Stratégie en matière de santé et de sécurité avant 2016. De même, une déclaration générale sur des qualifications et un apprentissage tout au long de la vie permettant aux gens de travailler plus longtemps a quelque chose d'illusoire pour tous ceux qui ont un contrat précaire, sont au chômage ou perçoivent des allocations maladie. Si la limite d'âge des allocations de retraite est reculée, alors le droit à des allocations de chômage et de maladie doit également être reculé en conséquence.

 

Tableau de bord des indicateurs sociaux et de l'emploi

 

Le RCE 2014 contient le premier Tableau de bord des indicateurs sociaux et de l'emploi. Même si ce Tableau de bord peut contribuer à une analyse d'ensemble de l'évolution sociale et de l'emploi, il n'aura que peu de conséquences, à moins que ses conclusions ne puissent influencer l'orientation politique et corriger la politique macroéconomique si nécessaire.

 

Les indicateurs actuels sont principalement rétrospectifs et, si ce tableau de bord a pour vocation d'agir comme un système d'alerte précoce, ils ne permettent pas de lutter contre des déséquilibres grâce à des mesures préemptives. D'autres indicateurs-clés sont nécessaires, notamment en matière de  qualité de l'emploi. La CES a déjà identifié ceux qu'elle souhaiterait voir inclus[5] dans le futur. Dans ce contexte, la CES salue le signal clair envoyé par l'EMCO, à savoir sa volonté d'impliquer les partenaires sociaux dans ses travaux afin d'améliorer ce tableau de bord.

 

Pour conclure, la CES demande ce qui suit : garantir une relance massive, garantir des emplois plus nombreux et de meilleure qualité et restaurer les négociations collectives.

 

Répéter les mêmes politiques aura exactement les mêmes résultats. Si l'austérité se poursuit, la relance sera affaiblie. Si, sous le slogan « n'importe quel emploi vaut mieux que pas d'emploi du tout », les emplois précaires sont encouragés, alors ils engendreront une relance précaire. Si les réformes structurelles continuent à affaiblir les salaires et les systèmes de négociations collectives, l'inflation, qui est déjà trop basse pour être soutenable, se transformera en véritable déflation.

 

 

Le semestre européen devrait être une opportunité de prendre une direction différente. La CES exhorte le Conseil européen de printemps à :

 

  • mettre en place de toute urgence un grand programme d'investissement européen qui moderniserait et améliorerait son économie dans un marché mondialisé et s'attaquerait aux divergences sociales et économiques croissantes en Europe et dans la zone euro. Le Plan de la CES pour l’investissement, une croissance durable et des emplois de qualité[6], qui propose un effort d'investissement de 2% du PIB européen pendant les dix prochaines années, n'a jamais été aussi pertinent ;

 

  • reconnaître que l'Europe a besoin d'une dynamique des salaires nominaux plus forte afin d'écarter l'économie du piège que constitue la déflation par la dette et des augmentations significatives des salaires réels pour placer l'économie sur une trajectoire de croissance forte. Le respect et la promotion de négociations collectives autonomes est le meilleur moyen d'y parvenir et de négocier des processus de restructuration, de favoriser la productivité et l'investissement, d'encourager la redistribution et de lutter contre la pauvreté tout en restaurant la démocratie et la participation des travailleurs sur le lieu de travail. Le salaire minimum légal, dans les pays où les syndicats le considèrent nécessaire, doit être augmenté d'une façon substantielle. Quoiqu'il en soit, tous les planchers salariaux doivent respecter les normes du Conseil de l'Europe relatives aux salaires équitables;

 

  • respecter de manière stricte les principes du Traité européen, à savoir le respect de l'autonomie des partenaires sociaux et la diversité des systèmes nationaux de relations industrielles. Dans ce contexte, la CES souligne que la décision quant à l'organisation des négociations salariales est une compétence nationale et que les réformes visant à renforcer les systèmes de fixation des salaires et de négociations ne peuvent être entreprises qu'au travers de négociations avec les partenaires sociaux et après un dialogue approfondi à l'échelle nationale ;

 

  • promouvoir les emplois de qualité pour tous les travailleurs comme la solution à la segmentation du marché du travail. Les contrats et les pratiques professionnelles précaires ne peuvent mener qu'à un marché du travail précaire et qu'à une pauvreté encore plus grande chez les travailleurs ;

 

  • investir dans la main-d'œuvre de l'Europe. L'Europe a besoin de travailleurs bien qualifiés si elle souhaite relever les défis de la mondialisation. Toutefois, malgré le consensus selon lequel les investissements dans l'enseignement, l'apprentissage tout au long de la vie, les qualifications et la formation sont cruciaux, la réalité est que de nombreux États membres réduisent leurs dépenses et font des réformes sans réellement se soucier des répercussions sur la qualité de l'enseignement et la formation, alors que de trop nombreuses entreprises rechignent quand il s'agit d'investir dans les qualifications de leurs travailleurs ;

 

  • défendre le rôle des systèmes de protection sociale qui ne peuvent être réduits à des instruments d'ajustement budgétaire. Les politiques et les investissements sociaux ont un rôle prépondérant à jouer dans la création de sociétés cohésives, la réduction de la pauvreté mais également dans le soutien de l'économie.

 

 

 

 

 


[1] http://www.ilo.org/global/research/global-reports/global-employment-trends/2014/WCMS_234109/lang--fr/index.htm

[2] Redistribution, Inequality and Growth

[3]2010/707/UE : Décision du Conseil du 21 octobre 2010 relative aux lignes directrices pour les politiques de l’emploi des États membres http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=CELEX:32010D0707:FR:NOT

[4] Redistribution, Inequality and Growth

[5] Position de la CES : Communication de la Commission européenne sur le renforcement de la dimension sociale de l’Union économique et monétaire /fr/documents/position-de-la-ces-sur-la-communication-de-la-commission-europ%c3%a9enne-sur-le-renforcement-de

[6] /fr/documents/une-nouvelle-voie-pour-l%e2%80%99europe-plan-de-la-ces-pour-l%e2%80%99investissement-une-croissance