Les droits des personnes LGBTIQ sont des droits syndicaux ! Position de la CES sur la stratégie de l’Union européenne en faveur de l’égalité des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres, non binaires, intersexuées et queer (LGBTIQ) 2020-2025

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Les droits des personnes LGBTIQ sont des droits syndicaux !

Position de la CES sur la stratégie de l’Union européenne en faveur de l’égalité des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres, non binaires, intersexuées et queer (LGBTIQ) 2020-2025

Résolution de la CES adoptée lors du Comité Exécutif virtuel des 3-4 juin 2021

Le 12 novembre 2020, la Commission européenne a publié sa toute première stratégie en faveur de l’égalité des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres, non binaires, intersexuées et queer (LGBTIQ) dans l’UE. La Confédération européenne des syndicats (CES) a adopté la position suivante en réponse à l’initiative de la Commission européenne.

D’après cette stratégie, l’Union européenne « doit être à la pointe des efforts déployés pour mieux protéger les droits des personnes LGBTIQ » alors que « la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle, l’identité/l’expression de genre et les caractéristiques sexuelles progresse dans l’Union européenne » et que « une tendance inquiétante à la multiplication des incidents visant des personnes LGBTIQ, comme des agressions lors d’événements publics tels que les marches des fiertés et les déclarations de “ zones libres de l’idéologie LGBTIQ ” se fait jour dans certaines régions de l’Union européenne », en corollaire de « la montée des mouvements hostiles à l’égalité des genres (et aux personnes LGBTIQ) ».

La stratégie prévoit une série de mesures ciblées regroupées en quatre piliers :

  • lutter contre les discriminations à l’encontre des personnes LGBTIQ ;
  • garantir la sécurité des personnes LGBTIQ ;
  • bâtir des sociétés qui incluent les personnes LGBTIQ ; et
  • mener l’appel en faveur de l’égalité des personnes LGBTIQ dans le monde.

Le document précise que l’égalité et la non-discrimination constituent des valeurs essentielles et des droits fondamentaux, et que les institutions de l’Union européenne et les États membres ont une responsabilité partagée lorsqu’il s’agit de « protéger les droits fondamentaux et de veiller à l’égalité de traitement et à l’égalité pour tous ». La Commission reconnaît l’existence et la progression de la discrimination à l’encontre des personnes LGBTIQ dans l’ensemble de l’Union européenne dans tous les domaines de la vie, y compris sur le lieu de travail, et s’engage à « être à la pointe des efforts déployés pour mieux protéger les droits des personnes LGBTIQ ».

Pour améliorer la situation sur le lieu de travail, la Commission européenne propose de mettre en œuvre, ou de promouvoir, les actions suivantes :

  • promouvoir l’inclusion et la diversité sur le lieu de travail par l’intermédiaire de la plateforme européenne des chartes de la diversité ;
  • encourager le recours au Fonds social européen plus (FSE+) pour améliorer la situation socioéconomique des personnes LGBTIQ les plus marginalisées ;
  • recueillir des éléments de preuve concernant les obstacles à la pleine égalité rencontrés dans les domaines de l’emploi et de la protection sociale ;
  • encourager les échanges de bonnes pratiques entre les États membres ;
  • continuer de soutenir les mesures prises dans le cadre de la stratégie en faveur de l’égalité entre les hommes et les femmes ;
  • promouvoir l’adoption d’un plan d’action européen en 2021, qui encouragera le développement des entreprises sociales et de l’économie sociale dans son ensemble, qui peuvent être « en première ligne dans la lutte contre la discrimination à l’encontre des personnes LGBTIQ » ; et
  • montrer l’exemple en tant qu’employeur (nouvelle stratégie en matière de ressources humaines).

Évaluation de la CES

La CES soutient fermement l’engagement de la Commission européenne en faveur de l’égalité de traitement des personnes LGBTIQ. La stratégie en faveur de l’égalité des personnes LGBTIQ est la bienvenue et mérite d’être soutenue. Cependant, le mouvement syndical déplore que la stratégie ne mentionne pas les syndicats parmi les partenaires de coopération et qu’elle ne reconnaisse pas le rôle important que ces derniers peuvent jouer lorsqu’il s’agit de progresser dans l’élimination de la discrimination sur le lieu de travail. 

La CES a la conviction qu’il est urgent que l’Union européenne et les gouvernements nationaux intensifient leurs efforts pour améliorer et faire appliquer la protection juridique contre la discrimination des personnes LGBTIQ, pour garantir leur sécurité et pour faire respecter leurs droits fondamentaux. À cette fin, nous enjoignons à la présidence slovène, à la présidence française et à la présidence tchèque du Conseil de l’Union européenne, ainsi qu’aux institutions concernées, de relancer le débat sur la « directive horizontale » en vue de parvenir à son adoption, qui n’a que trop tardé.  

Le moment choisi pour lancer cette initiative constitue un signal fort, compte tenu de la multiplication des atteintes flagrantes aux droits des personnes LGBTIQ, qu’il s’agisse de discours haineux en ligne ou d’atteintes à l’intégrité physique des personnes LGBTIQ [1]. La législation de lutte contre la discrimination a cessé de progresser, tandis que l’on assiste à une érosion de la protection et des droits existants sous les coups de boutoir de forces intolérantes, notamment, mais pas exclusivement, en ce qui concerne les voies menant à la reconnaissance juridique du genre.

Parmi les mesures importantes prises par l’Union européenne à cet égard, nous avons salué « l’instrument renforcé de lutte contre les infractions inspirées par la haine, les discours de haine et la violence à l’encontre des personnes LGBTIQ ». L’extension de la liste des infractions de l’Union européenne à toutes les formes de crime haineux et de discours de haine constituerait un grand pas dans la bonne direction.

La CES demande des ressources financières supplémentaires pour les États membres et pour les partenaires sociaux afin d’améliorer leurs activités de renforcement des capacités, ainsi que pour des campagnes qui contribuent à la sensibilisation et qui ciblent efficacement des problèmes concrets et répondent à des attaques contre des personnes LGBTIQ au niveau national et local.

Il est encourageant de constater que la Commission européenne s’engage à faire un effort pour refléter la diversité des personnes LGBTIQ et leurs expériences. La législation de lutte contre la discrimination doit être étendue pour couvrir tous les motifs de discrimination auxquels les personnes LGBTIQ sont confrontées. Par ailleurs, les voies menant en toute sécurité à la reconnaissance juridique du genre doivent devenir une réalité dans l’ensemble des États membres.

Il est inacceptable que la reconnaissance de la parentalité et de la situation matrimoniale varie d’un État membre à l’autre, et que les couples de même sexe et les familles arc-en-ciel ne puissent exercer leur droit fondamental de circuler librement dans l’Union européenne. La CES se félicite de la proposition d’initiative législative horizontale soutenant la reconnaissance mutuelle de la parentalité entre les États membres, comme le prévoit la stratégie. Les obstacles qui en résultent à la liberté de mouvement des travailleurs ont également des impacts sérieux sur les opportunités individuelles d’amélioration des conditions de travail.

Les demandeurs d’asile LGBTIQ forment un groupe particulièrement vulnérable et sont exposés à des risques spécifiques. La CES se félicite que la Commission s’engage à soutenir les États membres en matière de formation des agents chargés du traitement des demandes d’asile et à améliorer les conditions des demandeurs d’asile LGBTIQ. La CES encourage la Commission à poursuivre ses travaux dans les États membres en vue d’élargir et de coordonner la liste des motifs de demande d’asile liés à l’orientation sexuelle en Europe (par exemple, inclusion de la bisexualité). Conscients du statut particulièrement vulnérable de ce groupe, les syndicats sont disposés à aider les États membres à fournir des emplois sûrs aux demandeurs d’asile LGBTIQ.

La CES se félicite de l’engagement pris par la Commission d’intégrer les questions LGBTIQ dans l’ensemble des domaines d’action. Le moment est venu d’adopter une approche multidimensionnelle en matière de discrimination et de tenir compte du chevauchement des différentes formes de discrimination.

La CES réclame une transposition complète des initiatives proposées et souhaite que les syndicats prennent part aux actions de suivi, de soutien et de promotion dans l’ensemble des États membres. Tous les acteurs (y compris les syndicats) doivent bénéficier d’un soutien pour développer des initiatives de sensibilisation, l’enseignement formel et informel, des activités de formation, et l’échange de bonnes pratiques concernant les droits civils et les droits du travail des personnes LGBTIQ.

La CES se félicite du souhait de la Commission de garantir une application plus rigoureuse par les États membres de la directive sur l’égalité en matière d’emploi et de travail adoptée en 2000, et se réjouit de contribuer à l’élaboration du rapport sur l’application de ladite directive, qui sera publié en 2022.

Enfin, la CES relève des incohérences quant au langage inclusif utilisé dans le document et demande à la Commission européenne d’y apporter des modifications pour donner le meilleur exemple possible aux États membres.

La stratégie de l’Union européenne en faveur de l’égalité des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres, non binaires, intersexuées et queer (LGBTIQ) 2020-2025 est prometteuse, mais il ne s’agit que d’un point de départ. Les personnes LGBTIQ ne peuvent se contenter d’une aimable déclaration et d’une stratégie. Elles ont besoin de mesures concrètes pour être protégées contre les discriminations. La CES poursuivra le dialogue avec les institutions européennes et avec les organisations de la société civile pour souligner l’importance du mouvement syndical dans la réussite de la mise en œuvre de la stratégie.

Lutter contre la discrimination des personnes LGBTIQ et la phobie à leur égard sur le lieu de travail

En dépit de la protection juridique existante, les données collectées dans le rapport de l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne (FRA) sur l’égalité des personnes LGBTI soulignent la lenteur des progrès en matière de lutte contre la discrimination sur le lieu de travail [2]

La CES et ses affiliés, en tant que représentants des travailleurs et principaux acteurs de la démocratie, de l’égalité et de l’inclusion sur le lieu de travail et dans la société, réaffirment que les droits des personnes LGBTIQ sont des droits humains et des droits syndicaux et qu’il ne devrait en aucun cas y être porté atteinte. Les obstacles qui empêchent les personnes LGBTIQ de se sentir en sécurité sur leur lieu de travail sont encore trop nombreux. La CES se bat pour des lieux de travail inclusifs, où l’orientation sexuelle, l’identité de genre, l’expression de genre ou la modification des caractéristiques sexuelles d’une personne ne devrait jamais constituer un obstacle à des conditions de travail décentes et à un environnement de travail sûr. Les syndicats doivent intensifier leurs efforts et renforcer leurs demandes envers les employeurs. Il faudrait inclure la lutte contre les discriminations dans un volet obligatoire de négociation périodique et prendre des mesures effectives concrètes pour lutter contre les discriminations : sensibilisations obligatoires en entreprise, procédures types en cas de harcèlement, outils qui permettent de détecter, combattre et éliminer les discriminations.

La discrimination ne s’arrête pas aux portes de l’entreprise et les représentants syndicaux doivent faire preuve d’une vigilance particulière pour lutter contre toutes les formes de discrimination, y compris les discriminations multiples. La discrimination sur le marché du travail, que ce soit au niveau du recrutement, de la réalisation des tâches ou de l’évolution de carrière, dont sont victimes les femmes, les membres des minorités ethniques, les jeunes ou les personnes handicapées, peut se superposer à l’homophobie et à la transphobie et doit être combattue au même niveau.

L’amélioration des conditions de travail des personnes LGBTIQ passe par un environnement de travail inclusif, par la sensibilisation à l’homophobie et à la transphobie, par la reconnaissance de la diversité des orientations sexuelles, des identités et des expressions de genre, par la mise en évidence des références LGBTIQ sur le lieu de travail et au sein du mouvement syndical, par des salaires décents, par des services publics de qualité dans les domaines de la santé, de l’éducation et du logement qui incluent les personnes LGBTIQ et qui tiennent compte des problèmes spécifiques auxquels elles sont confrontées. De nombreuses personnes LGBTIQ sont pauvres, occupent un emploi précaire ou sont sans emploi. Les politiques du travail doivent tenir compte de cette réalité, notamment de la situation de vulnérabilité des personnes transgenres, non binaires et intersexuées, qui souffrent de taux de chômage élevés et qui sont victimes de discrimination en Europe.

La CES est fermement convaincue que la diversité contribue à la formation d’équipes efficaces sur le lieu de travail et que le respect constitue le fondement de la contribution et de l’engagement individuels. Les personnes LGBTIQ peuvent être source de diversité et de connaissances sur le lieu de travail, dont il convient de tirer parti pour l’avenir.

La CES est d’avis que les médias, la culture et les sports peuvent contribuer à promouvoir la tolérance et l’inclusion dans nos sociétés. Néanmoins, la CES souligne également l’omniprésence de pratiques de harcèlement et de discrimination systémiques dans ces secteurs, et les multiples formes de censure et de répression directes ou indirectes qu’elles engendrent, entravant ainsi la liberté d’expression et empêchant les personnes LGBTIQ de développer pleinement leur potentiel.

Pour empêcher la discrimination, la violence et toute forme d’hostilité, la diversité de genre et l’identité sexuelle devraient figurer dans les programmes scolaires, de l’enseignement préscolaire aux études universitaires en passant par les formations. La résolution de ces problèmes passe par la solidarité internationale, ainsi que nous l’enseigne le mouvement syndical depuis de nombreuses années. Cette solidarité doit prendre acte du fait que les personnes LGBTIQ font partie du mouvement syndical et des partis politiques, et que nos revendications doivent figurer à l’ordre du jour des partis, au niveau transnational.

Pistes de travail

La CES reconnaît l’excellent travail réalisé par ses affiliés au niveau national et s’engage à relayer leur travail et leurs bonnes pratiques auprès des institutions de l’Union européenne.  La CES intensifiera sa collaboration avec les syndicats nationaux pour promouvoir l’égalité des personnes LGBTIQ sur le lieu de travail et le marché du travail, et pour faire pression auprès des députés au Parlement européen et des ministres afin qu’une stratégie efficace en faveur de l’égalité des personnes LGBTIQ soit adoptée dans l’Union européenne.

Des réunions du groupe de travail sur l’égalité et la non-discrimination, qui servira notamment de lieu de dialogue, d’échange de bonnes pratiques et de planification stratégique en vue du Congrès de la CES qui se tiendra en 2024, seront organisées en ligne par la CES.

La CES orientera ses affiliés et les encouragera à utiliser les financements européens pour mettre au point des campagnes et des activités de formation visant à faire prendre conscience des problèmes rencontrés par les personnes LGBTIQ sur le lieu de travail, et à promouvoir un environnement de travail sûr en prévoyant des dispositions spécifiques dans les conventions collectives.

La CES continuera d’encourager ses affiliés à analyser le langage utilisé au sein de leur organisation pour veiller à ce qu’il soit inclusif et à ce qu’il promeuve de bonnes pratiques.

La CES encouragera les parties prenantes à la plateforme européenne des chartes de la diversité à réviser leur modèle de charte et leurs lignes directrices pour qu’ils tiennent pleinement compte des personnes LGBTIQ.

La CES encouragera ses membres à soutenir efficacement les travailleurs ou les demandeurs qui sont victimes de discrimination en raison de leur orientation sexuelle, de leur identité de genre, de leur expression de genre ou de leurs caractéristiques sexuelles, et à coopérer avec des organismes de promotion de l’égalité ou d’autres organisations spécialisées afin d’obtenir justice et un traitement équitable.

La CES continuera d’œuvrer en faveur de la reconnaissance officielle des droits civils dans la législation nationale le cas échéant, et au moyen des conventions collectives, en ce qui concerne l’homoparentalité, le congé de transition, la multiparentalité, et les droits des enfants.

La négociation collective est un outil précieux au service de l’affirmation des droits des personnes LGBTIQ dans tous les domaines de la vie privée, familiale, sociale et professionnelle.  La CES promouvra les conventions collectives dans le cadre plus large de la lutte contre toutes les formes de discrimination sur le lieu de travail.

Dans le cadre du plan d’action pour la mise en œuvre du socle européen des droits sociaux, la CES demande qu’une approche basée sur les droits soit appliquée à l’ensemble des politiques sociales et du travail.

En tant que points de contact des travailleurs sur le lieu de travail et personnes de confiance, les représentants syndicaux ont un rôle central à jouer dans l’assistance et l’orientation des travailleurs qui sont victimes de LGBTIQ-phobie. Ils ont également un rôle de soutien à jouer pour garantir un accès abordable et effectif à la justice en faveur des droits des personnes LGBTIQ.


[1] Dans son examen annuel 2020, ILGA Europe met en évidence « la progression spectaculaire des discours haineux en ligne et des atteintes à l’intégrité physique des personnes LGBTIQ, dont beaucoup sont préméditées et brutales ».

[2] https://fra.europa.eu/en/publication/2020/eu-lgbti-survey-results