Déclaration CES concernant les conclusions du Conseil de l'UE relatives aux réfugiés

Bruxelles, 18 avril 2016

  • Aux membres du comité exécutif
  • Pour information aux membres de la CES

 

Déclaration concernant les conclusions du

Conseil de l’UE relatives aux réfugiés

Alors que l’Europe répond au flux sans précédent de demandeurs d’asile, les Etats membres restent divisés, affaiblissant ainsi le leadership que la Commission européenne a tenté d’exercer à ce jour. Les divisions empêchent la mise en œuvre de solutions durables. Et comme le montrent les négociations avec la Turquie, elles affaiblissent la dimension extérieure de l’UE sur la migration et l’asile.

La CES refuse d’accepter l’image qui représente les réfugiés comme un « flux » de migrants irréguliers à contenir. The vast majority of people seeking protection at the EU borders are escaping wars and other severe threats. The narrative imposed by some governments is loathsome and fuelling populism and intolerance. Les conclusions du Conseil européen des 18 et 19 février et 17 et 18 mars constituent un tournant préoccupant dans la réponse de l’UE à la crise des réfugiés. La CES demande au contraire que l’UE intensifie ses efforts humanitaires.

La CES rappelle que l’édification de murs aux frontières de l’UE – qu’ils soient faits de béton ou de contraintes juridiques – est contraire à l’Article 18 de la Charte européenne des droits fondamentaux, à la Convention de Genève du 28 juillet 1951, au Protocole du 31 janvier 1967 et à l’article 78 du TFUE. La CES veillera à garantir que toutes les politiques prévues ou mises en œuvre par les États membres et l’UE respectent ces dispositions et les valeurs fondamentales de l’UE.

La CES renouvelle sa demande d’établir un plan européen d’urgence humanitaire et préconise l’activation d’un système de protection plus large, en application de la directive 2001/55. La crise des réfugiés ne sera pas résolue en fermant les frontières de l’UE et en tentant de rejeter la responsabilité ailleurs. La réalité raconte une histoire différente. Le chiffre de 200.000 nouvelles arrivées au cours des deux premiers mois de 2016 signifie que, d’ici la fin de l’année, l’UE devra protéger un million de réfugiés supplémentaire, et que les Etats membres doivent préparer leur intégration dans la société d’accueil et organiser leur intégration sur le marché de l’emploi. Ces mesures requièrent des efforts communs de tous les Etats membres, dans l’intérêt des citoyens européens et des migrants.

La CES dénonce le blocage politique créé par les gouvernements en réponse à des minorités xénophobes qui maintiennent les sociétés européennes dans la peur et rendent les progrès impossibles. Le mouvement syndical ne tolère aucune forme de discrimination ou de xénophobie qui discrédite les valeurs européennes dans nos sociétés.

Les syndicats veilleront à ce que l’inclusion des réfugiés dans le marché du travail n’entraîne pas de dumping social. L’arrivée incontrôlée de nombreux demandeurs d’asile et de réfugiés représente un défi pour le marché du travail en Europe, en particulier pour les pays qui en accueillent le plus grand nombre. Une égalité totale de traitement sur le marché du travail et l’accès équitable aux services sociaux des travailleurs locaux et des migrants, ainsi que des possibilités d’emploi de qualité pour tous, constituent la base fondamentale de l’intégration et de l’inclusion équitables des réfugiés. Davantage de fonds européens doivent être alloués à ces fins aux pays concernés. Par ailleurs, la situation des demandeurs d’asile et des réfugiés sur le marché du travail est incertaine et vulnérable. Des politiques urgentes sont nécessaires afin de prévenir toute forme de dumping, d’exploitation et de discrimination résultant d’une mauvaise gestion de flux imprévus et incontrôlés.

La cohésion sociale requiert des services publics plus nombreux, de meilleure qualité et universels. Une gestion efficace de la crise des réfugiés implique de redoubler d’efforts pour une cohésion sociale au bénéfice de tous. Vaincre la dualité entre travailleurs locaux et travailleurs migrants et offrir la couverture universelle des systèmes de protection sociale doivent concourir à la réalisation de l’objectif de mieux protéger toutes les personnes en Europe, afin d’éradiquer la pauvreté, l’exclusion et la discrimination.

La CES est très critique sur les négociations en cours avec la Turquie concernant un plan d’action conjoint sur les réfugiés. Celui-ci est dépourvu de toute compassion en plus d’être contraire aux obligations de l’UE et de ses États membres. Cet accord présente des carences effroyables dans son analyse et ses propositions. En particulier, la CES souligne les points suivants à l’intention de l’UE et de ses États membres : 

  • Les réfugiés sont des êtres humains qui fuient la guerre et recherchent la protection internationale ;
  • Payer la Turquie n’éliminera pas le danger auquel les Syriens, les Iraquiens, Afghans, Pakistanais et d’autres sont exposés dans leur propre pays ;
  • Le système biunivoque (échange de réfugiés syriens) est inacceptable et juridiquement douteux. Il risque très probablement d’entraîner le refoulement de personnes qui méritent la protection humanitaire vers des pays où elles doivent faire face à la guerre et à la persécution ;
  • L’accord aura pour seul effet de détourner l’itinéraire des réfugiés vers d’autres pays, comme la Bulgarie et l’Albanie, en l’absence de toute forme structurée de coopération et de solidarité européennes.

Nous assistons aux premiers actes de refoulement perpétrés à la suite de l’accord entre l’UE et la Turquie. Les centres de crise établissent le profil des demandeurs d’asile de façon superficielle et parfois illégale. Les décisions sont souvent prises sur la seule base du pays d’origine, entraînant un empêchement de fait de présenter une demande de protection ou de voir cette demande évaluée correctement et légalement. Toute coopération avec le gouvernement turc devrait imposer que la Turquie choisisse de ne pas être liée par la « limitation géographique » en application de la convention des Nations Unies de 1951 et, au contraire, qu’elle octroie aux réfugiés l’accès aux services publics et à l’emploi.

L’UE ne devrait pas envisager de payer la Turquie pour garder les réfugiés dans des camps sans aucune perspective et il ne devrait pas y avoir de compromis entre le maintien des réfugiés hors d’Europe et l’accélération des négociations d’adhésion de la Turquie à l’UE. L’évaluation de l’accord UE-Turquie ne peut en aucun cas être interprétée comme un jugement sur le peuple turc à aider les réfugiés. Le peuple turc a prouvé sa générosité et les syndicats ont contribué à atténuer les effets de l’arrivée de millions de réfugiés, dont un grand nombre viennent de Syrie. Cependant, avec le nombre de journalistes en prison, l’interdiction des médias libres, l’absence de droits syndicaux, le traitement des Kurdes, et son rôle ambigu dans la guerre syrienne, la Turquie a manifestement encore beaucoup de chemin à parcourir avant de devenir membre de l’UE.

L’unité des Européens est essentielle au rétablissement de la paix dans les zones de conflit limitrophes. La CES appelle la communauté internationale à se mobiliser et à accueillir les demandeurs d’asile. En dépit des efforts héroïques de nombreux citoyens, l’UE omet manifestement de le faire. Les solutions proposées jusqu’à présent sont excessivement centrées sur l’Europe, tandis que l’action extérieure de l’UE pâtit des réticences de ses États membres à coopérer. La CES a longtemps affirmé que la communauté internationale devait investir du temps et des ressources pour rétablir la paix au Moyen-Orient, et les Etats membres de l’UE devraient œuvrer à l’intégration des réfugiés.

En avril, la Commission européenne lancera un plan sur la migration régulière et l’intégration des migrants sur la base d’une politique européenne d’asile véritablement intégrée. Une attention particulière sera accordée aux demandeurs d’asile et aux réfugiés. Malheureusement, la CES craint que l’environnement politique actuel soit loin de permettre un plan crédible d’intégration des migrants et des réfugiés.

La Commission européenne a lancé le 6 avril une initiative en faveur d’une réforme du régime d’asile européen commun et d’une amélioration des voies d’entrée légale en Europe (COM2016/197final), qui envisage des modifications éventuelles du règlement de Dublin. Une révision globale des règles de Dublin est une revendication de longue date de la CES. La communication publiée récemment mérite une analyse approfondie, afin de garantir que la révision réponde à toutes nos attentes en ce qui concerne une politique européenne appropriée pour les réfugiés et leur réinstallation et intégration.

La plupart des gouvernements européens ont négligé la question de l’intégration jusqu’à ce jour. Il est clair que l’Europe est l’otage d’une poignée d’états membres qui ont pour intention évidente d’alimenter les populismes. La CES considère que l’intégration des demandeurs d’asile et des réfugiés sur le marché du travail est essentielle. Il apparaît que les populations étrangères compenseront le déclin de la population et rendront les systèmes de sécurité sociale viables. À cette fin, l’intégration rapide des réfugiés dans les sociétés d’accueil est impérative, et suppose l’apprentissage des langues locales et la volonté d’intégration.

En outre, la CES reconnaît l’acquis de Schengen comme une réalisation majeure de l’UE. Elle défend le droit des citoyens et des travailleurs européens de circuler librement dans l’UE et est déterminée à préserver l’intégrité de l’espace Schengen. À cette fin, l’UE doit disposer d’une véritable politique européenne d’asile, qui engage au même titre tous les États membres et prévoie une protection efficace des frontières extérieures de l’UE. L’asile et la sécurité ont toujours été associés dans les législations et les pratiques nationales et doivent également se conjuguer à l’échelle de l’UE.

Une initiative européenne pour l’emploi visant à l’intégration des réfugiés au marché du travail est nécessaire. Une initiative pour l’emploi en faveur des réfugiés doit être soutenue par un financement spécifique, y compris le Fonds social européen (FSE). L’UE et ses États membre doivent doter le FSE de ressources supplémentaires suffisantes, affectées à l’inclusion des réfugiés dans le marché du travail.

Il est essentiel de mettre en œuvre la déclaration conjointe signée par les partenaires sociaux et économiques européens (voir la Déclaration des partenaires économiques et sociaux européens sur la crise des réfugiés lors du Sommet social tripartite du 16 mars 2016). La Déclaration véhicule trois messages clés:

  • Schengen doit être préservé comme une des réalisations les plus tangibles des bienfaits de l’intégration européenne pour les citoyens et les entreprises ;
  • L’inclusion et l’intégration des réfugiés qui ont la permission de rester dans l’UE, dans la société, et en particulier sur le marché du travail, doit être un objectif commun de tous les Etats membres ;
  • L’inclusion dans le travail doit garantir l’égalité des chances et de traitement entre les travailleurs nationaux et migrants et éviter la concurrence déloyale entre les travailleurs.

PROPOSITION DE LA CES EN FAVEUR D’UNE ACTION SYNDICALE POUR LES RÉFUGIÉS

Durant sa réunion du mois de juin, le Secrétariat de la CES soumettra une Résolution au Comité exécutif. La Résolution définira un agenda syndical pour l’intégration des migrants et des réfugiés appelé ACTION SYNDICALE EUROPEENNE POUR LES MIGRANTS ET LES RÉFUGIÉS.

La CES a déjà prévu les actions suivantes :

  • Projet conjoint avec les partenaires sociaux européens Labour-INT Intégration des migrants sur le marché du travail. Une approche multipartite (voir le document 4b). Le projet sera mis en œuvre en 2017 et 2018.
  • En coopération avec l’OIT (principal demandeur), la CES et UnionMigrantNet mettra en œuvre le projet DIVER-SIFY: une boîte à outils pratique permettant aux syndicats d’encourager l’égalité dans la diversité et de faciliter l’intégration des migrants sur le lieu de travail. Le projet sera mis en oeuvre en 2017 et 2018.
  • Une action spécifique est en cours de discussion avec la CSI pour un projet conjoint à soumettre à la Commission européenne en avril. L’objectif est d’intensifier notre action de sensibilisation visant à mettre la migration au cœur des politiques internationales de développement. Les activités devraient débuter en novembre 2016.

Ces actions dépendent de l’approbation et du co-financement de la Commission européenne. Nous sommes cependant convaincus que des actions plus urgentes sont nécessaires aujourd’hui.

Les propositions de la CES en faveur d’une action immédiate suivront deux axes :

  • Plaider en faveur de structures de réception équitables, ouvrir des canaux humanitaires, aider à la réinstallation des réfugiés, améliorer l’intégration des réfugiés, protéger les migrants irréguliers contre les abus et l’exploitation, promouvoir l’accès à des services de qualité pour tous ;
  • Faire campagne contre la xénophobie, le racisme et le populisme, et pour l’égalité de traitement et la non-discrimination.

Tous les affiliés à la CES seront invités à se mobiliser. Le Secrétariat de la CES reste ouvert aux propositions, contributions et idées de ses organisations affiliées. La CES est prête à inclure dans son plan toute initiative que ses affiliés envisagent d’organiser au plan national. Le 10 mai, la proposition sera examinée par le Comité permanent sur la Mobilité, la Migration et l’Inclusion.

L’Action de la CES peut inclure des manifestations impliquant la CES et ses affiliés (ou groupes d’affiliés qui ont l’intention de participer), ainsi que des campagnes de sensibilisation des institutions, des parties prenantes, des travailleurs et des citoyens, et une coopération renforcée avec les institutions internationales, telles que l’OIT et le HCR et les organisations de la société civile.

La proposition de la CES mobilisera les points de contact d’UnionMigrantNet. Le réseau a un énorme potentiel d’utilisation permettant de faire de l’action de la CES une action réussie.

L’action de la CES pour les réfugiés sera une activité autofinancée de la CES et ses affiliés. La proposition de la CES inclura un budget détaillé expliquant les coûts relatifs aux matériels et activités nécessaires pour mettre l’action en œuvre et une proposition de souscriptions à soumettre à ses organisations affiliées.