Vers Rio +20: un nouveau deal durable pour l'Europe

Rio de Janeiro, 11/06/2012

Seul le texte prononcé fait foi

Chers et chères amis et
Collègues de toutes les régions du monde,

Bonjour à tous et toutes.

Merci à la CSI et à Sustainlabour de m'avoir invitée à vous parler, au nom de la Confédération européenne des syndicats.

Merci à tous ceux et celles qui ont contribué à l'organisation de cet événement, un merci particulier à SustainLabour et à son équipe. Je me réjouis que la CES puisse jouer un rôle actif dans vos travaux à l'avenir.

J'interviens avec un angle de vue européen, sur les négociations de Rio et plus généralement sur le développement durable. Ce point de vue est forcément marqué par la situation complexe et inquiétante dans laquelle nous nous trouvons socialement et économiquement en Europe aujourd'hui.

L'Europe compte 25 millions de chômeurs, et, en moyenne, plus de 20pc de jeunes sont sans emploi. En Grèce et en Espagne, 50pc des jeunes sont sans travail. Partout, la précarité de l'emploi augmente. Ce sont là de très graves et insupportables constats.

Dans l'Union européenne, les réformes structurelles sont mises en avant comme étant un élément primordial pour une sortie de crise et une progression de l'emploi.

En général, ces réformes rendent les licenciements plus faciles, elles affaiblissent la couverture financière en cas de chômage, elles affectent la protection sociale et les services publics, et aussi, très souvent, elles forcent les salaires à la baisse. En plus, ces réformes visent à affaiblir des mécanismes de dialogue et de négociation. La plupart du temps, ces réformes sont imposées et non négociées.


Ces plans de réformes nous sont présentés comme solution à la crise.

Pourtant, si nous regardons la situation de la Grèce, de l'Espagne, du Portugal, ces plans ont échoué à la fois économiquement et socialement.



Ces plans de réformes nous sont présentés comme solution à la crise.

Pourtant, si nous regardons la situation de la Grèce, de l'Espagne, du Portugal, ces plans ont échoué à la fois économiquement et socialement.

On prétendait qu'ils rassureraient les marchés, feraient diminuer les taux d'intérêt et aideraient l'économie à repartir pour diminuer la dette publique. Il n'en a rien été.

Socialement, ces plans de réforme ont été désastreux puisque le chômage, la pauvreté et les inégalités ont augmenté dramatiquement.

Ces programmes d'austérité mettent en danger le modèle social européen construit après la seconde guerre mondiale. Ce modèle est fait d'un système élaboré de relations sociales, de négociations, il est fait de services publics et de protection sociale. Pendant plusieurs décennies, il a été au cœur d'un progrès qui alliait le progrès économique et le social.

Au lieu d'attaquer ce modèle, il faudrait s'en servir pour sortir de la crise.

D'ailleurs, la crise n'a pas commencé par une crise du modèle social européen, non, la crise a commencé par une crise du système bancaire, il y a quatre ans.

Aujourd'hui notre système est-il sûr? La réponse est clairement: non. Le renflouement des banques en Irlande a sauvé les banques mais augmenté le déficit et la dette publique de façon intenable. Bankia en Espagne va peut être éviter une faillite bancaire, mais les 100 millions d'euros injectés vont probablement simplement renflouer ses comptes. Combien de cette somme va être injecté dans des investissements soutenables et porteurs d'emploi? Probablement fort peu.

Malgré un large financement par la BCE, les prêts bancaires se font rares et les banques ne soutiennent pas l'économie réelle, comme cela serait nécessaire pour la reprise économique.

Mais quelque chose a quand même changé dans le ciel européen.

Les leaders européens parlent maintenant du besoin de croissance. C'est bien. Et nous pouvons nous féliciter que quelques-uns de nos messages soient passés. Mais leur projet de croissance est un projet beaucoup trop limité pour pouvoir fonctionner. Il ne remet pas en cause l'erreur fondamentale qui est de croire que l'austérité et la déréglementation du marché du travail permettront aux économies de redémarrer. Il faut un projet ambitieux, aussi ambitieux que l'a été le plan Marshall d’après guerre.

Il faut arrêter de se perdre dans une logique de punition. Il faut entrer dans une logique de solidarité.


Pour la CES, il faut développer une solidarité économique européenne. Cela peut se faire par l'émission d’obligations en euros et en donnant un rôle déterminant de la banque centrale. Il faut aussi qu'une taxe sur les transactions financières contribue à réparer les dommages que le secteur financier a infligés à l'économie réelle et à l'emploi.



Pour la CES, il faut développer une solidarité économique européenne. Cela peut se faire par l'émission d’obligations en euros et en donnant un rôle déterminant de la banque centrale. Il faut aussi qu'une taxe sur les transactions financières contribue à réparer les dommages que le secteur financier a infligés à l'économie réelle et à l'emploi.

Seule une solidarité économique nous permettra de prendre un nouveau départ.

Une telle solidarité économique serait positive pour tous: les pays en difficulté verraient leur taux d'emprunt réduit et pourraient prendre des mesures raisonnables et à long terme afin de redresser leur compte. Quant aux pays dits forts, ils n'ont pas non plus intérêt à voir s'effondrer le système car ils y perdraient beaucoup économiquement. Cette solidarité serait donc mutuellement bénéfique.

Nous sommes par conséquent malheureusement aujourd'hui loin d'une situation qui garantirait le financement de systèmes énergétiques, d'infrastructures de transport, de production et de consommation adéquats.


Nous sommes loin d'être dans un système soutenable d'un point de vue énergétique

Les fonds nécessaires pour développer les énergies renouvelables ne sont pas disponibles parce que les politiques actuelles ne sont pas mobilisées dans ce sens, mais aussi parce que le prix du carbone est trop faible.



Nous sommes loin d'être dans un système soutenable d'un point de vue énergétique

Les fonds nécessaires pour développer les énergies renouvelables ne sont pas disponibles parce que les politiques actuelles ne sont pas mobilisées dans ce sens, mais aussi parce que le prix du carbone est trop faible.

Nous ne sommes pas non plus dans un système soutenable du point de vue de l'environnement.

Certes, la conférence de Durban a permis de garder vivant le processus international. Certes des négociations pour un nouvel accord mondial viennent de commencer. Mais, pendant ce temps, les émissions de gaz à effet de serre continuent à croître dans le monde.

Sans un changement radical la température aura augmenté de 4 degrés en 2100. Nous sommes tous et toutes conscients des effets que cela aura sur la biodiversité, les ressources et pour la paix dans le monde.

Des progrès ont été faits en Europe pour le recyclage et la réutilisation des ressources. Mais ce n'est pas suffisant. Nous continuons à exporter trop de déchets vers d'autres régions du monde. Dans ce processus, des ressources précieuses sont perdues.




Notre modèle de production et de consommation reste un modèle linéaire. Alors que ce devrait être un modèle en boucle, dans lequel chaque objet est pensé en vue de son recyclage et de la préservation des ressources.

La crise actuelle a donc de multiples faces: une face économique, une face sociale, une face environnementale. Mais les trois sont indissolublement liées.

Nous partageons le message que nous donne le rapport du groupe des nations unies : ‘resilient people, resilient planet' "pour l'avenir des hommes et de la planète choisir, la résilience". Une réorientation, un changement profond s'impose. Nous ne pouvons pas continuer ainsi.

Nous avons besoin de mesures et de recommandations ambitieuses, mais nous avons surtout besoin d'action en conséquence. Moins de mots, plus d'action.

La CES considère qu'il est impératif que les gouvernements et l'UE s'emparent de l'ouverture offerte par le sommet de Rio pour revitaliser et renforcer le cadre international pour un développement soutenable.

Nous demandons aux leaders politiques d'avoir plus d'ambition Le cadre actuel n'engage pas vers de nouvelles actions. Il ne fait que réaffirmer des engagements existants reportant des décisions plus ambitieuses à une date ultérieure. Les travailleurs veulent plus de clarté. En particulier sur les principes qui soutiennent une économie verte garantissant la justice sociale. Les travailleurs veulent des objectifs clairs pour des emplois soutenables, pour la protection sociale, et un rôle clé pour les syndicats et les parties prenantes.

Nous demandons que le Programme des Nations Unies pour l'environnement, l'UNEP, soit transformé en une agence de plein droit avec la participation des acteurs concernés. Ce serait un des moyens pour renforcer le rôle de cet organisme et aussi le cadre réglementaire.

Mais pour revitaliser ce cadre nous devons être capables de triompher de la rhétorique et de la lourdeur ambiante.

Collègues, nous ne confondons pas développement durable et économie verte.

Nous ne devons pas remplacer la course débridée du capitalisme casino par une autre course débridée qui s'étiquetterait comme "économie verte".

La question de l'environnement durable ne peut pas simplement être conçue par les gouvernements des pays riches et les grandes entreprises comme une chance pour faire des affaires financièrement juteuses.

La dimension sociale ne doit pas être marginalisée ou complètement oubliée. Il nous faut agir pour éradiquer la pauvreté, améliorer les conditions d'hygiène, et avoir une énergie propre. Les objectifs du millénium pour le développement ne doivent pas être enterrés.

Nous soutenons la Confédération syndicale internationale dans sa demande pour une transition juste. Et pour garantir cette transition juste il faut des actions pour l'emploi et la protection sociale.

En Europe aussi, le renforcement de la stratégie pour le développement soutenable passe inévitablement par des mesures pour l'emploi, la cohésion sociale et la protection de l'environnement.

C'est, entre autres, ce que la CES préconise (EN : http://www.etuc.org/a/9162; FR : http://www.etuc.org/a/9163).


La CES a adopté la semaine dernière une proposition de contrat social pour l'Europe. Ce contrat social, Social compact dans sa version anglaise, nous allons le promouvoir tous azimuts.




La CES a adopté la semaine dernière une proposition de contrat social pour l'Europe. Ce contrat social, Social compact dans sa version anglaise, nous allons le promouvoir tous azimuts.


Il reprend les grands thèmes évoqués plus haut. Il plaide pour des systèmes de relation sociales et des mécanismes solides de négociation et de dialogue, des investissements durables en particulier dans le domaine des infrastructures d'énergie et du transport, une juste répartition de la richesse, pour des services publics performants, la protection sociale, des actions déterminées pour l'emploi, en particulier l'emploi des jeunes, une politique industrielle basée sur l'efficacité énergétique.

Ce contrat social est là parce qu'il faut remettre l'Europe sociale au centre des débats. Il faut resocialiser l'Europe.

C'est là notre objectif, le centre de notre travail. Nous avons l'ambition de réinventer le sens de l'Europe, avec ceux et celles qui poursuivent ce même but. Nous voulons être déclencheurs d'une nouvelle donne européenne et, pourquoi pas, mondiale.

La CES considère que Rio+20 offre à l'UE une chance de redynamiser sa propre stratégie pour le développement durable (qui passe par un renforcement de sa dimension sociale).

Chacun et chacune de nous dans cette salle avons un rôle à jouer. Chacun et chacune avons un intérêt personnel à contribuer à un développement soutenable.

Ce rôle nous pouvons et devons le jouer au niveau régional, international, national, sectoriel, ou dans l'entreprise.

C'est pourquoi je suis ici, et nous sommes ici, ensemble, actifs et déterminés aujourd'hui.