Mémorandum syndical à l'attention de la Présidence espagnole de l'Union européenne

Bruxelles, 06/01/2010

{{1. INTRODUCTION}}

La Présidence espagnole sera confrontée à une série de défis importants, notamment dans le contexte de la crise économique actuelle, qui voit une progression fulgurante du chômage, et du suivi de la Conférence de Copenhague organisée par les Nations unies sur les changements climatiques.

Très clairement, le premier défi consistera à guider l’Europe à travers la crise financière, économique et sociale, et à mettre en œuvre une réglementation des marchés financiers, de sorte que les raisons qui ont conduit à la situation actuelle ne puissent plus jamais se répéter. Dans sa Déclaration de Paris, la CES a appelé à un nouveau Deal social afin de maintenir les emplois existants et de créer les conditions nécessaires à la création d’emplois plus nombreux et de meilleure qualité. Nous sommes particulièrement inquiets du chômage des jeunes, qui progresse deux fois plus rapidement que celui des travailleurs plus âgés. De plus, nous sommes également très préoccupés du fait que certains gouvernements abandonnent prématurément les paquets de stimulation appliqués dans de nombreux pays.

Un deuxième grand défi est l’agenda en matière de changements climatiques. L’Union européenne est la seule entité (non nationale) au monde à posséder la capacité d’adopter des actions directes et coordonnées; par conséquent, elle doit se comporter en leader, et non en suiveur. Il est temps à présent que l’Europe investisse, au cours des trois prochaines années, un montant annuel équivalent à 1% du PIB européen afin de proposer des emplois plus nombreux et de meilleure qualité, de promouvoir l’innovation, la recherche et le développement ainsi que l’emploi dans les secteurs industriels clés, d’investir dans les technologies nouvelles, vertes et durables, de maintenir l’existence de services publics de haute qualité et d’offrir aux travailleurs les qualifications requises pour la future économie faible en carbone, dans le contexte d’une technologie verte et d’emplois plus qualifiés.

Un troisième défi consiste à assurer une transition efficace entre le traité de Nice et le traité de Lisbonne. Cette transition aura une importance hautement politique, et impliquera un changement dans les orientations actuelles, ainsi qu’une nouvelle impulsion politique: les institutions européennes doivent cesser de travailler selon le principe d'une « économie de marché libre », et commencer à travailler en vue de réaliser une « économie sociale de marché », qui constitue un objectif ambitieux: la « concurrence » ne doit plus être une fin en soi mais un moyen – parmi d’autres – en vue d’atteindre les objectifs européens; le « plein emploi » et la solidarité doivent revenir au premier plan de l'agenda. En outre, le vote à la majorité qualifiée est étendu et le Parlement voit ses pouvoirs de colégislateur renforcés. Enfin, la Charte européenne des droits fondamentaux comporte des droits sociaux importants et l'Union européenne doit reconnaître et promouvoir le rôle des partenaires sociaux.

Dans la crise économique actuelle, les partis d'extrême droite ont gagné un peu de terrain. Ces partis ont une attitude nationaliste, raciste et xénophobe à l’égard des travailleurs migrants. Dans un tel contexte, la CES est préoccupée par les conséquences des récentes décisions de la CJCE qui ont placé la libre circulation au-dessus du respect des conventions collectives, et ont permis le développement de la concurrence déloyale et de l'inégalité de rémunération. Afin de sauvegarder le soutien des travailleurs à l'Union européenne, il est urgent de réaffirmer les objectifs sociaux des règles du marché intérieur. La CES attend de la Présidence espagnole qu’elle remédie au silence actuel de la Commission et de la Présidence précédente, en promouvant des actions dans ce domaine.

Tout d'abord, la CES appelle la Présidence à faire tout son possible afin de promouvoir l'adoption d'un Protocole de progrès social qui fournisse des lignes directrices à la CJCE sur la nécessité de faire respecter les droits sociaux fondamentaux au sein du marché unique. Ce protocole doit être annexé aux Traités et doté du statut juridique et de l'autorité nécessaires pour donner des directives claires sur l'interprétation des articles des Traités.[

En second lieu, la CES demande instamment à la Présidence espagnole de prendre les mesures nécessaires en ce qui concerne la révision de la directive sur le détachement de travailleurs.

Dans le cas contraire, la pression poussant les syndicats à se retourner contre le marché unique va s'intensifier, ce qui ne fera qu'ajouter aux difficultés de la crise actuelle. L'impression que le « laissez faire » est le principe directeur en la matière est en train de se répandre, et la CES espère qu’elle pourra trouver un soutien suffisant de la part de l'Espagne, pays très favorable à l'Europe sociale, pour corriger cela.

Avec la crise financière et économique, la pression croissante en faveur d’un retour d’un retour prématuré vers un processus d'assainissement budgétaire est contre-productive. Si une telle décision est prise, les États membres ne pourront pas bénéficier d'une possible reprise économique, et elle portera également préjudice aux services publics. En cette période de crise, la politique sociale et les services publics doivent être, dans toute l'Europe, préservés, renforcés et ne pas se trouver compromis par une application rigide du Pacte de stabilité qui obligerait à des réductions prématurées et importantes des déficits budgétaires dès que l'activité économique montrera des signes de reprise.

L'Europe a besoin d'investir, au cours des trois prochaines années, un montant annuel équivalent à 1% du PIB européen afin de proposer des emplois plus nombreux et de meilleure qualité, de promouvoir l’innovation, la recherche et le développement, ainsi que l’emploi dans les secteurs industriels clés, d’investir dans les technologies nouvelles, vertes et durables, de maintenir l’existence de services publics de haute qualité et d’offrir aux travailleurs les qualifications requises pour la future économie faible en carbone, dans le contexte d’une technologie verte et d’emplois plus qualifiés.

L'emploi dans l'Union européenne a vu la disparition de plus de 4 millions de postes depuis le début de la crise, bien que l'effet en ait été quelque peu atténué grâce à l'utilisation du travail à temps partiel, et d'autres régimes de travail. Mais ces mesures à court terme, en dépit de leur importance, ne sont pas suffisantes à elles seules pour garantir une réussite de la sortie de crise. Les politiques de l'emploi doivent se concentrer sur la préparation de la transition vers une économie à faibles émissions de carbone. Les jeunes sont les premières victimes de la contraction de l'emploi. Il y a déjà près de 25 millions de chômeurs dans l'Union européenne, et ce nombre va encore augmenter.
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2. LES EFFETS DE LA CRISE FINANCIÈRE, ÉCONOMIQUE ET SOCIALE

{{LE NOUVEAU DEAL SOCIAL ET LES CONSÉQUENCES ÉCONOMIQUES ET SOCIALES DE LA CRISE

}}Comme nous l’avons indiqué précédemment, la Présidence espagnole sera appelée à gérer la réponse européenne à la crise de l'emploi. La Confédération Européenne des Syndicats appelle à un processus qui conduise à un nouveau Deal social en Europe, et qui débouche sur plus de justice sociale et des emplois plus nombreux et de meilleure qualité. Cet objectif doit faire partie intégrante des discussions sur l'exercice 2020. La CES entend jouer un rôle actif dans la discussion, la définition et la mise en œuvre des politiques affectant le domaine social et de l'emploi, et appelle à:

Des emplois plus nombreux et de meilleure qualité: investir dans un plan de reprise européen étendu afin de mobiliser une nouvelle dynamique en faveur de la croissance et des emplois. La CES exige du Conseil européen et de la Commission qu’ils établissent un plan d’investissement européen équivalant au total à 1% du PIB pour chacune des trois années suivantes, afin de proposer des emplois plus nombreux et de meilleure qualité, de promouvoir l’innovation, la recherche et le développement, d’aider l’emploi dans les secteurs industriels clés, d’investir dans des technologies nouvelles, vertes et durables, et de maintenir des services publics dynamiques.

La solidarité européenne en tant que protection contre les excès du capitalisme financier:
Il est indispensable que l’on adopte une réglementation efficace des marchés financiers, que l’on assure une répartition équitable des richesses, et que l’on n’en revienne pas à un capitalisme de casino ou au « business as usual » qui a caractérisé ces 20 dernières années sur les marchés financiers. La CES exige une augmentation importante des dépenses sociales européennes, moyennant une extension des activités des Fonds structurels européens, notamment du Fonds social européen et du Fonds européen d'ajustement à la mondialisation. La concurrence fiscale en provenance de marchés déréglementés doit également être abordée, car elle menace l'Europe sociale.

Des systèmes de protection sociale plus solides, afin d’offrir une sécurité améliorée et d’éviter l’exclusion sociale: la CES exige un agenda social européen significatif et fort, afin que les personnes conservent leur emploi tout en bénéficiant d’un revenu solide, et afin de garantir aux travailleurs une protection, ainsi qu’une formation adéquate. La réduction des profits n’est pas la bonne voie.

Des rémunérations améliorées et des négociations collectives plus fortes: la CES rejette les gels des salaires et la réduction des salaires nominaux. [Ce point est vital à un moment où la demande de protection du pouvoir d'achat s’effondre. La CES réclame donc que les négociations collectives soient renforcées, et que les institutions de formation des salaires, parmi lesquelles la Banque centrale européenne (BCE), s'engagent également en faveur d’emplois plus nombreux et de meilleure qualité. La BCE doit être impliquée dans la croissance et le plein emploi, et non uniquement dans la stabilité des prix. La CES demande la création d’un conseil consultatif des partenaires sociaux européens auprès de la BCE.

La réglementation des marchés financiers [devra constituer une priorité de premier ordre à l'agenda de la Présidence espagnole. Jusqu'à présent, les discussions au Conseil sur la directive relative aux gestionnaires d’investissements alternatifs et sur l'architecture de la supervision financière ont montré que tous les États membres n'avaient pas encore compris la nécessité de rétablir la confiance et la stabilité systémique sur les marchés financiers; or, le casino doit être fermé.[Toutefois, la réglementation financière ne suffit pas pour rétablir la justice sociale. Ceux qui sont responsables de la crise en raison de comportements collectifs irresponsables auront à supporter une bonne part du fardeau que nos sociétés devront subir à l'avenir. La CES exige l'application du principe du « pollueur-payeur » aux marchés financiers, et demande à la Présidence espagnole de commencer à travailler sur une loi-type de taxe sur les transactions financières (FTT) à l’échelle de l'UE et au-delà, sur la base des propositions WIFO et Spahn. Une taxe sur les opérations financières à l'échelle européenne serait applicable à tous les traders, et non aux pays, et serait, à ce titre, indépendante de l'emplacement géographique des principaux centres financiers. Dans le même temps, il serait possible de générer des recettes fiscales importantes, qui pourraient être utilisées pour soutenir la politique sociale au niveau européen dans le sillage de la crise.

La CES estime qu’il convient d’en faire davantage au niveau européen pour mettre un terme à l’existence des paradis fiscaux, prévenir l'évasion fiscale et rétablir la justice fiscale entre capital et travail, riches et pauvres. La Présidence espagnole contribuerait de manière substantielle à un fonctionnement efficace de la fiscalité transfrontalière en faisant progresser les travaux relatifs à une directive sur la fiscalité de l'épargne, en vue de combler les lacunes existantes et de mieux prévenir l'évasion fiscale, en couvrant tous les acteurs et toutes les formes de revenus du capital, ainsi que l’aspect de la portée de cette directive au-delà des frontières européennes.

Dans le domaine de la fiscalité des entreprises, la Présidence devrait faire pression en faveur d’une nouvelle proposition de la Commission européenne pour une directive sur une assiette commune consolidée pour l'impôt des sociétés (ACCIS), renforcer l'actuel Code de conduite sur la fiscalité des entreprises, et travailler à une amélioration des normes comptables qui permettront de saisir toute la base potentielle d'imposition des sociétés en introduisant un système européen de déclaration, par pays, des entreprises transfrontalières.

3. LES PRINCIPAUX DOMAINES D’ACTION POUR LA PRÉSIDENCE ESPAGNOLE
{{
Les priorités de la Présidence - la dimension sociale est-elle viable?
}}
La CES déplore le fait que le renforcement de la dimension sociale de l'Europe ne figurait pas parmi les principales priorités de la Présidence sortante suédoise. Aucune nouvelle initiative, ni aucun lancement de nouveaux domaines de débats ne sont intervenus. À notre avis, l'Union européenne devrait envoyer un signal clair de compréhension et d'action s’agissant des préoccupations les plus urgentes des travailleurs européens, dans une période de hausse du chômage.

4. L’EUROPE SOCIALE

Nous présentons ci-dessous quelques-unes des propositions que la CES aimerait voir reprises et développées durant la Présidence espagnole de l'Union européenne.

{{LA MOBILITÉ

Le Protocole sur le progrès social

}}Les jugements de la Cour de Justice des Communautés européennes (CJCE) dans les affaires Laval, Viking, Rüffert et Commission vs. Luxembourg représentent une menace pour les travailleurs en ce qui concerne la concurrence déloyale en matière de rémunérations et de conditions de travail, et l’inégalité de traitement entre travailleurs migrants et travailleurs locaux. Par ailleurs, le droit d’entreprendre des actions syndicales a été nettement limité alors que les libertés économiques restent intactes. Le prétendu équilibre mis en place par les arrêts de la CJCE entre les libertés économiques et les droits sociaux fondamentaux soulève de graves questions quant à la compatibilité des arrêts de la CJCE avec les droits constitutionnels nationaux et les normes internationales (OIT, Conseil de l’Europe).
Pour remédier aux effets néfastes de ces arrêts, la CES appelle à l’adjonction d’un Protocole pour le progrès social aux Traités. Un tel protocole devrait clarifier le fait que, selon les traités européens, le marché intérieur ne représente pas une fin en soi, mais vise à contribuer à l'amélioration des conditions de vie et de travail des travailleurs et des citoyens, et que le progrès social est le principe directeur qui devrait régir l'ensemble de ses actions et de ses politiques. En conséquence, les droits sociaux fondamentaux ne peuvent en aucun cas être considérés comme hiérarchiquement moins importants que les libertés économiques.

La CES a présenté une proposition de Protocole pour le progrès social[[Texte disponible à l’adresse suivante: http://www.etuc.org/a/5176]], et demande instamment à la Présidence espagnole de prendre les mesures nécessaires pour faciliter sans plus tarder l'adoption de ce Protocole pour le progrès social. La prochaine occasion d'adopter un tel protocole se présentera lors de l'élargissement à la Croatie en 2010.

{{Le détachement de travailleurs

}}Les arrêts susmentionnés de la CJCE ont soulevé des questions importantes quant à la façon dont les États membres et les syndicats de toute l'Europe seront autorisés à établir et défendre des normes du travail dans l'ère de la mondialisation. Il est capital que les États membres soient autorisés à mettre en œuvre la directive sur le détachement de travailleurs, non seulement en conformité avec leurs traditions nationales, mais également en répondant à ses objectifs initiaux, à savoir renforcer la protection des travailleurs dans le marché unique et garantir un climat de concurrence loyale.

La CES demande instamment à la Présidence espagnole de l'UE de lancer un large débat sur la manière de restaurer les objectifs initiaux de la directive sur le détachement des travailleurs. La CES va contribuer activement à ce débat, en formulant des recommandations concrètes en vue d’une révision de la directive. Pour la CES, il n'y a pas de doute que, même si la directive a été adoptée à une large majorité au Parlement européen et au Conseil, les récents arrêts de la CJCE représentent un défi à l'intention initiale du législateur européen.
{{
La sous-traitance

}}La CES demande instamment aux institutions de l'UE d’adopter les mesures nécessaires pour clarifier les droits et obligations des parties impliquées dans les chaînes de sous-traitance, afin d'éviter de priver les travailleurs de leur capacité à faire valoir efficacement leurs droits, notamment dans les cas de sous-traitance transfrontalière. La CES renouvelle donc son appel à la création d’un instrument européen qui réglemente la responsabilité conjointe et solidaire des entrepreneurs principaux et des intermédiaires, au moins en ce qui concerne le paiement des impôts, des cotisations sociales et des salaires, et demande à la Présidence espagnole d’apporter son soutien à celui-ci.
{{
La santé et la sécurité

}}Chaque année, environ 160 000 travailleurs meurent dans l'Union européenne en raison de l’absence d’une prévention adéquate contre les risques professionnels. Le contexte de la crise économique pourrait jouer un rôle négatif en faisant reculer la priorité accordée à une meilleure qualité des conditions de travail. Depuis le dernier élargissement, la nécessité d'une harmonisation des conditions de travail est certainement devenu l'un des plus grands défis de l'Union européenne dans le domaine de la politique sociale.



La CES attend de la Présidence espagnole qu’elle en appelle à la Commission pour que cette dernière lance rapidement des initiatives en vue de remédier à la situation actuelle, qui résulte de la précarité croissante du marché du travail, et qu’elle présente les propositions législatives nécessaires, dans le sillage de la deuxième étape de la consultation des partenaires sociaux sur les troubles musculo-squelettiques (TMS) et l'exposition aux substances cancérogènes, mutagènes et toxiques pour la reproduction. Ces deux questions étaient déjà considérées comme des initiatives législatives possibles dans le cadre de la Stratégie européenne pour la santé et la sécurité 2002-2006. Les progrès ont été très lents. Compte tenu de leur impact majeur sur la santé des travailleurs, les TMS représentent la principale source de plaintes des travailleurs européens. Afin de soutenir la mise en œuvre de REACH, il est urgent de disposer d’une initiative législative élargissant le champ d'application de l’actuelle directive sur les agents cancérigènes, et d'étendre la liste des valeurs limites d'exposition professionnelle obligatoires. La Présidence espagnole pourrait également jouer un rôle positif en soutenant les activités de la Commission s’agissant de préparer la révision de la directive sur les champs électromagnétiques dans l'environnement de travail, en se fondant sur le principe de prévention défini par la directive-cadre, qui couvre toutes les catégories de travailleurs exposés à ce risque.

La CES souhaite également attirer l'attention de la Présidence sur la nécessité de veiller à ce que le programme d'action pour la réduction du fardeau administratif dans l'Union européenne n'entraîne pas une réduction des obligations incombant aux employeurs en ce qui concerne l'évaluation des risques et les principes de l'information, de la consultation et de la participation des travailleurs. Elle estime que l'exemption des petites entreprises de l'obligation d'une évaluation documentée des risques menacerait l’égalité de protection de la vie et de la santé des travailleurs dans l'Union européenne, et serait incompatible avec le droit social fondamental consistant à disposer de conditions de travail justes et équitables, stipulé à l'article 31 de la Charte des droits fondamentaux.

{{L’inclusion active

}}Après la présentation par la Commission européenne, il y a un an, de son Agenda social renouvelé ainsi que d'une recommandation ultérieure sur l'inclusion active, la CES renouvelle son appel pour la mise en œuvre de politiques ambitieuses dans ce domaine au sein de l'Union européenne. Leur mise en œuvre active est d'autant plus importante que la crise à laquelle nous avons été confrontée au cours des 10 derniers mois a débouché sur de nouvelles formes d'exclusion et exposé un grand nombre de travailleurs au risque de tomber dans la pauvreté.

Par conséquent, la CES souhaite que la Présidence espagnole prenne un engagement fort dans ce domaine, en plaçant les individus et les questions sociales au cœur des mesures destinées à lutter contre la crise, et se décide à accorder la priorité à des systèmes publics de sécurité sociale forts et fondés sur la solidarité, conformément à la Déclaration de Paris adoptée par la CES à la fin du mois de mai.

La CES souhaite également que la Présidence espagnole confirme et mette en œuvre les recommandations adoptées par le Parlement européen en avril dernier dans son rapport sur l'inclusion active des personnes qui ont quitté le marché du travail, et se concentre également sur l’Année européenne de lutte contre la pauvreté (2010).
{{Les négociations collectives transnationales

}}La négociation collective transnationale s’est considérablement développée ces dernières années, en raison de la mobilité accrue des groupes multinationaux dans la nouvelle dimension du commerce mondial.

La crise économique actuelle va encore accélérer cette mobilité, comme en témoigne la nouvelle vague de fusions, de restructurations et de délocalisations dans presque tous les domaines de l'industrie européenne: le secteur automobile en particulier, et plus généralement l'industrie de la métallurgie, mais aussi le secteur bancaire, l'industrie de la construction et le secteur du textile.{{
}}Les problèmes qui se posent pour l’agenda des négociations concernent la difficulté d’assurer un suivi correct au niveau national, les accords en question n'ayant aucun statut juridique européen. En outre, ni les procédures impliquées dans le lancement du processus de négociation à ce niveau, ni l'identité et la représentativité des acteurs nécessaires pour obtenir un mandat et signer un accord transnational ne sont claires. Il en va de même des procédures de recours qui leur sont associées.
La Commission a inscrit cette question à son Agenda social de 2005, avec l'idée de doter ces accords d’un statut juridique optionnel, si les partenaires sociaux le demandaient. Or, depuis la rédaction d'une communication servant de base à l'ouverture d'une procédure de consultation avec les partenaires sociaux, certains des principaux objectifs, quoique moins ambitieux, tels que celui de créer un groupe d'experts comprenant des représentants des partenaires sociaux pour un mandat de deux ans dans l’intention d'organiser un système de supervision, en mettant en place une analyse du développement des négociations collectives transnationales, et en organisant des séminaires deux fois par an, ont été laissés de côté.
La CES estime que cette initiative est utile, mais considère en même temps qu’elle est inappropriée si l’on garde à l'esprit la valeur stratégique de cette question et les changements qui interviennent actuellement dans ce domaine.
La CES estime qu'une initiative politique forte est nécessaire pour relancer une nouvelle fois la machine.
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PROPOSITIONS LÉGISLATIVES NOUVELLES OU EN SUSPENS
}}La directive sur le temps de travail
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Après le récent échec de la conciliation entre le Parlement européen et le Conseil, la révision de la directive sur le temps de travail en est maintenant revenue au point où elle se trouvait en 2003. La balle est à présent de nouveau dans le camp de la Commission. Selon la CES, celle-ci devrait prendre des mesures - après 9 ans passés à différer la prise des responsabilités qui lui incombent - pour mettre en œuvre et faire appliquer la directive actuelle telle qu'elle est interprétée par la CJCE. La Cour a en effet confirmé à maintes reprises, dans le cadre d’une jurisprudence constante depuis 2000, que le temps de garde passé sur le lieu de travail doit être considéré comme « temps de travail »: cela doit être appliqué par tous les moyens disponibles.
Selon la CES, il n'y a aucune bonne raison de se précipiter vers une nouvelle proposition de révision. En tout état de cause, toute nouvelle proposition devrait au moins faire en sorte que l'« opt-out » soit supprimé et que des solutions équilibrées soient élaborées afin de traiter le temps de garde sur le lieu de travail tout en respectant les décisions de la CJCE. De même, il devrait être impossible d'annualiser le temps de travail sans garanties appropriées concernant la santé et la sécurité des travailleurs ainsi que leurs droits d'information et de consultation.
En outre, il est essentiel que la directive sur le temps de travail soit également en mesure de faire face aux défis du XXIème siècle, y compris à la participation accrue des femmes au marché du travail et au vieillissement démographique, ainsi qu’à la nécessité d'adapter l'aménagement du temps de travail aux besoins des travailleurs ayant des responsabilités familiales et des travailleurs âgés.

La directive sur le temps de travail constitue un pilier de l'Europe sociale, mais elle est aussi, au XXIème siècle, un instrument clé pour protéger les travailleurs contre les risques de santé et de sécurité découlant d’horaires longs et irréguliers. Cette directive ne doit pas devenir un instrument favorisant la concurrence entre les régimes des différents États membres, mais doit au contraire garantir des normes minimales créant des conditions équitables de concurrence au sein de l’Union européenne. La Présidence espagnole devra jouer un rôle important pour veiller à ce qu’aucune solution simpliste, déséquilibrée ou parcellaire ne soit proposée.

{{La directive sur la portabilité des droits à pension professionnelle

}}Sous les deux dernières Présidences de l'Union européenne, aucune initiative n'a été prise dans ce domaine. Néanmoins, des problèmes demeurent, et ceux-ci exigent des solutions rapides si nous voulons assister à une mobilité effective des travailleurs au sein de l'Union européenne.

Selon la CES, les solutions en question devraient aborder au moins trois points: (i) une révision à la baisse des dispositions régissant les périodes minimales d'acquisition des droits (à savoir une période maximale de 2 ans), (ii) l'âge d'inclusion dans les régimes (moins de 21 ans), et (iii) faciliter l'implication des partenaires sociaux dans le suivi des régimes de retraite professionnelle (et ce quel que soit l'organisme qui gère ces derniers).

{{La conciliation de la vie professionnelle, privée et familiale

}}Le thème de la conciliation de la vie professionnelle, privée et familiale est d'une importance majeure dans le contexte des défis démographiques et économiques auxquels l'Union européenne est confrontée. La Présidence espagnole est invitée à jouer un rôle proactif, en vertu de sa vaste expérience et de ses réalisations en la matière, afin de soutenir des politiques et des mesures fortes visant à améliorer l'équilibre entre vie et travail, pour les femmes comme pour les hommes. Les partenaires sociaux ont achevé leurs négociations portant sur la révision de l'accord sur le congé parental, afin de renforcer les dispositions de celui-ci. Cet accord doit être transposé dans une directive révisée de l'Union européenne, puis mis en œuvre dans les États membres. La CES attend de la Présidence espagnole qu’elle joue un rôle actif et positif dans ce processus.

Dans le cadre de son paquet sur la conciliation présenté en octobre 2008, la Commission a proposé de réviser la directive sur les travailleuses enceintes, afin d’améliorer ses dispositions relatives à la durée et au paiement du congé. La révision est actuellement bloquée au Parlement européen, et certaines propositions de la Commission rencontrent également d’importantes difficultés au Conseil. La Présidence espagnole devrait soutenir le processus législatif et aider à trouver des solutions appropriées lorsque cela se révèle nécessaire, en tenant compte de la nécessité d'une mise en œuvre effective du droit social fondamental visant à concilier vie familiale et vie professionnelle, prévu à l'article 32, paragraphe 2 de la Charte européenne des droits fondamentaux. Dans d'autres domaines des politiques de conciliation, tels que la garde d’enfants et les soins destinés aux personnes âgées, la Commission et les partenaires sociaux conviennent de ce que des mesures supplémentaires sont nécessaires aux niveaux européen et national, et que celles-ci devraient être soutenues par le Conseil. Les investissements dans les infrastructures de garde et de soins sont particulièrement importants en cette période de crise économique, afin de préserver les emplois des femmes dans les services publics et privés, ainsi que de continuer d’aider les parents qui travaillent à concilier travail et soins.

{{La non-discrimination en dehors du monde du travail

}}Le projet de directive visant à prévenir et à combattre la discrimination en dehors de l'emploi, couvrant la discrimination fondée sur l'âge, l'orientation sexuelle et la religion, est actuellement examiné par les institutions de l'Union européenne. La CES soutient cette initiative, car celle-ci permettra d'éviter l’existence de règles différentes régissant différents motifs de discrimination, qui pourrait donner lieu à des incohérences juridiques et pratiques, ou causer des problèmes dans des situations de discriminations multiples. Une directive plus large et couvrant tous les motifs mentionnés à l'article 19 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne enverra un signal fort aux États membres de l'UE et à leurs citoyens, leur signifiant qu’une société moderne et solidaire ne peut être construite en se fondant sur la discrimination. Étant donné le vieillissement de la population, la diversité croissante de nos sociétés en termes d'origine ethnique et de religion, et l'intolérance croissante à l'égard des personnes d’orientation sexuelle différente, un corpus législatif fort et cohérent - protégeant les citoyens contre les discriminations partout où ils se trouvent dans l’Union européenne - devrait être l’objectif prioritaire en la matière. La CES exprime son profond désaccord avec ceux, à savoir les employeurs, qui affirment que cette directive est un « luxe » que les entreprises ne peuvent se permettre en raison de la crise économique. L'égalité et la diversité ne représentent pas seulement un coût ou un fardeau administratif, mais aussi un atout potentiel aidant les entreprises à rester ou à devenir plus viables et compétitives. La Présidence espagnole devrait déployer des efforts en vue d'obtenir le soutien des États membres à cette initiative.
{{
Les migrations

}}La CES se prononce en faveur d'une politique globale en matière de migration, d’intégration et de développement au niveau européen, offrant des voies légales de migration tout en appliquant en même temps de manière rigoureuse les normes du travail, et en garantissant l'égalité de traitement avec les travailleurs locaux.

Le programme de Stockholm et son plan d'action, qui seront adoptés sous la Présidence espagnole, fixeront les priorités pour les politiques migratoires au cours des cinq prochaines années. Le nouveau cadre institutionnel mis en place par le traité de Lisbonne peut fournir les outils nécessaires à l’élaboration d’une politique équitable et ambitieuse de migration. La CES demande instamment à la Présidence espagnole de promouvoir une politique migratoire communautaire à la fois ambitieuse et cohérente, et notamment les éléments suivants:

- [le code de l'immigration proposé doit offrir la possibilité de réévaluer les résultats actuels, en vue de les renforcer et de les compléter. La CES est très favorable à un niveau uniforme de droits pour toutes les catégories de migrants. Une simple codification des instruments existants ne serait pas satisfaisante, car elle renforcerait l’actuelle approche à deux vitesses en matière de politique des migrations.
- la CES regretterait vivement que la mise en œuvre de l'agenda de Stockholm se concentre sur des mesures répressives concernant les migrations irrégulières, et néglige l’élaboration de politiques migratoires proactives proposant des voies légales de migration et promouvant des politiques d’intégration appropriées.

En ce qui concerne les migrations économiques, la CES attire l'attention sur les priorités suivantes:

Le projet de directive « Droits » doit être adopté de toute urgence.

Encourager les États membres à mettre en œuvre des mesures visant à protéger et à aider les ressortissants de pays tiers sur le territoire où ils étaient employés, et empêcher une approche unilatérale consistant à tenter de renvoyer chez eux tous ceux qui ont perdu leur emploi. L’augmentation du taux de chômage, non seulement réduira les possibilités d’immigration régulière, mais elle aura aussi pour effet d’augmenter le nombre de ressortissants de pays tiers qui perdront leur emploi, et bien souvent les permis de travail et de séjour qui lui étaient associés. Fréquemment, les migrants ne sont pas habilités à bénéficier de la protection sociale dans la même mesure que les travailleurs locaux, et il est donc nécessaire de ne pas sous-estimer les conséquences de la crise sur les immigrés. Il existe un véritable risque de générer de plus grandes quantités de migrants irréguliers et une augmentation de la pauvreté qui les touche, avec pour effet de saper la cohésion sociale dans certaines régions où le chômage est important et les migrants très présents.

Trois nouvelles propositions de directives de la part de la Commission européenne: admission temporaire des travailleurs saisonniers, personnes transférées à l'intérieur de leur entreprise et stagiaires rémunérés. La CES demande à la Présidence espagnole de tenir compte des préoccupations syndicales suivantes:

ces nouvelles propositions législatives ne doivent pas détourner l’attention de l’adoption de la directive sur les « droits »
en l’absence d’une politique plus globale en matière de migration légale, ces directives peuvent avoir des répercussions négatives sur les marchés du travail et sur une gestion équitable de la mobilité de la main-d’œuvre. Par conséquent, la CES demande à la Présidence espagnole de consulter et d’impliquer les partenaires sociaux dans l’élaboration plus approfondie de ces propositions.
prenant en considération les fortes inquiétudes éprouvées par les organisations syndicales au sujet de la directive sur les travailleurs saisonniers, qui permettrait à des ressortissants de pays tiers de venir travailler dans l’Union européenne pour des périodes allant jusqu’à 9 mois par an (!), la CES invite instamment la Présidence espagnole à vérifier soigneusement si une telle directive doit être élaborée et, dans l’affirmative, sous quelle forme.
concernant les personnes transférées à l'intérieur de leur propre entreprise et les stagiaires rémunérés, et en tenant compte des problèmes déjà existants en ce qui concerne la mise en œuvre de la directive sur le détachement de travailleurs dans le contexte du marché intérieur, la CES invite la Présidence espagnole de l’Union européenne à évaluer de manière critique le champ de la directive proposée et à exiger que les conditions d’emploi des travailleurs transférés soient régies par la législation et les conventions collectives du pays d’accueil.
5. LES CHANGEMENTS CLIMATIQUES ET L’ÉNERGIE

{{La politique communautaire en matière de changements climatiques

}}[La CES souligne une fois encore son soutien à une politique européenne du climat socialement durable et ambitieuse d’un point de vue environnemental, contribuant à une réduction des émissions allant jusqu’à 30% à l’horizon 2020. Le paquet « changements climatiques » de l’Union européenne représente une avancée significative. Cependant, de nouvelles mesures sociales et en matière d’emploi seront nécessaires pour atteindre le plein emploi et obtenir des retombées sociales positives. La CES appelle la Présidence espagnole de l'Union européenne à envisager de compléter le paquet « changements climatiques » au moyen d’un « paquet pour une juste transition en matière d’emploi », qui comprendrait notamment les éléments suivants:Un Livre blanc sur les changements climatiques, les qualifications et les emplois, exposant des propositions pratiques en vue de promouvoir des actions coordonnées à l’initiative des États membres, venant soutenir les formations aux nouvelles qualifications dans des secteurs tels que l’efficacité énergétique et les énergies renouvelables.
La création d’un fonds européen d’« ajustement à une économie faible en carbone », en vue du passage à une économie à faibles émissions de carbone, afin de créer des mesures soutenant les ajustements nécessaires, qui sont à la charge des travailleurs affectés par les mesures liées aux changements climatiques. Ce fonds serait partiellement financé à l’aide des recettes engrangées via la mise aux enchères des droits d’émission.
Une évaluation complète des effets du paquet « changements climatiques » sur les prix de l’énergie et sur l’emploi, secteur par secteur, en accordant une attention particulière aux catégories les plus vulnérables de travailleurs et de ménages.
La création d’un instrument permanent destiné à garantir l’anticipation de la transition socio-économique, en vue de coordonner les instruments existants, tels que les conseils sectoriels, et de renforcer le dialogue entre les partenaires sociaux et les autorités publiques.
L’élaboration d’outils de négociation, notamment à l’échelon territorial, afin de concevoir de nouvelles politiques industrielles contribuant à une économie faible en carbone.

{{
La Conférence de Copenhague
}}
La CES demande instamment à la Présidence espagnole et à la future Présidence belge de l'Union européenne de travailler intensivement en vue de parvenir à un accord à la fois juste, ambitieux et global à Copenhague, qui ouvre la voie à une réduction des émissions mondiales de 85% d'ici à 2050 (par rapport aux niveaux de 1990). Les pays développés doivent montrer l'exemple dans la réduction des émissions, et s'engager à poursuivre des objectifs fermes d'au moins 25% à 40% en dessous des niveaux de 1990 d'ici à 2020, conformément à la recommandation formulée par le GIEC. Les pays émergents connaissant le développement le plus rapide devraient entreprendre un contrôle de leurs émissions. En outre, les pays industrialisés doivent s'engager à fournir des fonds, des technologies propres et des formations destinées à aider les pays en développement à honorer leurs nouveaux engagements. Le nouvel accord mondial doit élaborer des mesures de « juste transition en matière d’emploi » - formations de reconversion, indemnités, allocations de chômage, protection sociale et droits du travail - et reconnaître explicitement celles-ci comme essentielles en vue d’atteindre les objectifs convenus. Une réorientation fiscale doit avoir lieu dans le cadre d’un système fiscal équitable de redistribution, afin d’assurer un développement durable et de proposer des financements pour les stratégies d’adaptation et d'atténuation des effets des changements climatiques.

L’adaptation aux changements climatiques
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}}L'Europe a besoin d'une stratégie d'adaptation aux inévitables effets des changements climatiques. La Présidence espagnole devrait inciter la Commission européenne à présenter des propositions fortes pour intégrer l'adaptation, en incorporant celle-ci à toutes les politiques et tous les programmes européens, y compris au paquet de reprise. Des plans sociaux sont nécessaires au niveau sectoriel afin de gérer les inévitables perturbations affectant de nombreux travailleurs, plans dans le cadre desquels les partenaires sociaux seront pleinement informés.

{{La politique énergétique européenne
}}
Peu de progrès ont été réalisés s’agissant de faire avancer la politique européenne de l'énergie. La CES réaffirme que l'énergie ne doit pas être abandonnée aux seules forces du marché. Il faut une véritable politique européenne industrielle de l'énergie, encourageant les investissements dans des infrastructures de réseaux intelligents, assurant des emplois de haute qualité, protégeant les consommateurs vulnérables contre la pauvreté énergétique, et garantissant la participation démocratique des différents acteurs aux autorités nationales de régulation et à l'Agence de coopération des régulateurs de l'énergie (ACRE).

6. LA DIMENSION SOCIALE DU MARCHÉ INTÉRIEUR

{{La stratégie du marché intérieur

}}La dernière communication de la Commission sur le marché unique au XXIème siècle a promis une nouvelle fois de prendre au sérieux sa dimension sociale, annonçant une stratégie pour les services d'intérêt général. La stratégie qu’elle a dévoilée pour les services d'intérêt général, par exemple, n'était pas satisfaisante. La préférence a été donnée à une approche sectorielle, ce qui est susceptible de créer de sérieux problèmes, notamment en termes d'égalité d'accès à des services fondamentaux pour la cohésion sociale, tels que la santé ou les services sociaux. Il est grand temps de revenir à une approche équilibrée.

Lorsque la CES a accepté le marché intérieur en tant que projet structurant de l'Union européenne, la Commission avait alors promis, et produit, une forte dimension sociale: un agenda ambitieux en termes de politique sociale, une série d'initiatives législatives en matière de santé et de sécurité au travail ainsi que d'égalité entre hommes et femmes et de promotion du dialogue social. La stratégie du marché intérieur ne concernait pas uniquement la concurrence, mais constituait une approche équilibrée. L'agenda social était considéré comme faisant partie intégrante du marché intérieur, et non comme un facteur marginal et extérieur.

Vers la fin des années 90, la Commission a modifié sa stratégie: elle s’est alors uniquement concentrée sur les efforts visant à parachever le marché intérieur en favorisant la libéralisation et la privatisation. Elle n’attachait que peu, voire pas du tout, d’importance à la dimension sociale. Il n'y a aucune auto-critique concernant la libéralisation et les privatisations.
La CES espère que le nouveau Parlement européen, la nouvelle Commission et la Présidence espagnole encourageront vigoureusement les actions dans ce domaine. Le marché intérieur ne peut se contenter d’apporter des avantages aux seules entreprises, mais il doit également servir les travailleurs. La CES attend des institutions européennes qu’elles agissent dans le bon sens, afin d’offrir une clarté et une sécurité juridiques accrues aux services publics. À titre d’enseignement tiré de la bataille à propos de la directive sur les services, la CES insiste pour que la clause Monti (règlement (CE) 2679/98)[[ « Le présent réglement ne peut être interprété comme affectant d'une quelconque manière l'exercice des droits fondamentaux, tels qu'ils sont reconnus dans les États membres, y compris le droit ou la liberté de faire grève. Ces droits peuvent également comporter le droit ou la liberté d'entreprendre d'autres actions relevant des systèmes spécifiques de relations du travail propres à chaque État membre ».]] soit incluse dans tous les actes législatifs relatifs au marché unique. Cette démarche permettrait de garantir que l'application des quatre libertés fondamentales du marché unique ne constituera pas une entrave aux droits de négociation collective et au droit de grève tels que définis par la législation nationale. Ayant déjà fait son apparition dans certains actes législatifs de ce domaine, la clause Monti est un instrument efficace s’agissant de garantir un équilibre entre l'achèvement du marché intérieur et le maintien d'un niveau élevé de protection sociale.
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}}La CES attend du prochain « paquet Altmark » sur les aides d'État et les initiatives relatives aux partenariats institutionnalisés public-privé, les concessions et les marchés publics qu’il prenne en considération les règles du nouveau Traité.

L'ancien commissaire Mario Monti s’est vu demander en octobre 2009 par M. Barroso d’établir un rapport sur la manière dont l'Union européenne devrait relancer son marché unique, et de définir des mesures visant à achever le marché unique, qui est actuellement déséquilibré. Le rapport est attendu avant la fin du mois d'avril 2010. Les deux aspects oubliés que sont la dimension sociale et les services publics doivent être envisagés.

{{Services sociaux et de santé

}}{{ {Les services sociaux
} }}{{
}}La question de la sécurité juridique des services sociaux reste ouverte. La CES estime qu'il est important que cette sécurité soit garantie, surtout en ce moment particulier où les organismes qui fournissent ces services en ont tant besoin. En réalité, ces services sont principalement destinés aux personnes, et possèdent une dimension sociale clairement définie. D'une part, ils ouvrent la voie à l'application des droits sociaux inscrits dans la Charte des droits sociaux fondamentaux; de l'autre, ils permettent d’apporter des réponses très spécifiques aux personnes qui sont aujourd’hui particulièrement vulnérables socialement au sein de l'Union. C'est pourquoi il est inconcevable que ces services puissent être régis par la loi du marché et la concurrence, et toute limite à leur application doit être clairement définie au niveau européen. La Présidence espagnole doit se saisir de cette question.
{{ {Les soins de santé
} }}{{
}}S’agissant des soins de santé, la CES a pris bonne note de la proposition de directive sur les soins de santé transfrontaliers datant du 2 juillet 2008, ainsi que des améliorations qui lui ont été apportées lorsque celle-ci a été adoptée en première lecture par le Parlement européen en avril dernier. La balle se trouve maintenant dans le camp du Conseil.

Par conséquent, la CES attend avant tout de la Présidence espagnole qu’elle confirme les progrès accomplis lors du débat au Parlement, notamment en ce qui concerne:

la confirmation de la compétence des États membres s’agissant d’organiser leur système de santé et de définir les conditions d’accès aux soins de santé;
la limitation de la mobilité transfrontalière à celle des patients;
le maintien de l’égalité de traitement entre patients nationaux et patients migrants.

Ces améliorations sont effectivement en mesure de consolider et de sauvegarder les systèmes de santé nationaux, tout permettant en même temps aux patients de faire usage de leur droit de circuler librement, et en leur garantissant une qualité optimale de soins de santé.

Néanmoins, la CES a l'intention d'obtenir deux autres améliorations importantes: (i) la première concerne la délivrance d'une autorisation préalable. La CES estime que celle-ci doit rester la règle lorsqu’elle se révèle nécessaire, car il s’agit d’un instrument légitime pour réglementer l'accès aux systèmes de santé nationaux tout en maintenant leur équilibre financier. En d'autres termes, la CES souhaite que le libellé de l'article 8, paragraphe 3, du projet de directive soit réexaminé; (ii) la seconde amélioration envisagée par la CES concerne la base juridique de la directive, dont nous croyons qu’elle devrait être complétée par l’ajout d’une référence à l'article 168 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, qui aurait pour effet de consolider sans équivoque la dimension sociale sous-jacente aux systèmes de santé, et ne limiterait pas uniquement ceux-ci à des considérations relatives au marché intérieur.
{{
Droit des entreprises: la société privée européenne (SPE)

}}Alors que la CES encourage les initiatives améliorant les conditions du marché pour les entreprises, et se félicite de toute proposition visant à améliorer la performance des PME sur le marché, il impératif que la flexibilité des PME ne soit pas être renforcée au détriment du droit qu’ont les travailleurs de siéger au Conseil d'administration de leur entreprise. La CES a par conséquent réclamé des modifications capitales au projet de statut de société privée européenne. Il est notamment essentiel que le statut de la SPE s'accompagne de règles régissant les normes minimales concernant la participation des travailleurs. Il est également essentiel que la SPE ne mette pas sous pression les formes juridiques nationales, ainsi que les droits de participation qui leur sont liés. Une dimension transfrontalière et des exigences minimales en matière de fonds propres sont donc des conditions préalables essentielles à la création d'une SPE.

La CES soutient la position du Parlement européen, adoptée à une écrasante majorité le 10 mars 2009, et demande instamment à la Présidence espagnole de prendre cette position pour base en vue de poursuivre les discussions au Conseil. La CES a exprimé sa vigoureuse opposition à la proposition de compromis de la Présidence suédoise, qui a été discutée pour la dernière fois à l’occasion du Conseil « Compétitivité » du 4 décembre. Un tel texte constituerait en effet une régression inacceptable des droits des travailleurs, tant au niveau européen qu’au niveau national. La CES met en garde la Présidence espagnole contre toute précipitation qui conduirait à adopter un compromis immature, et réitère ses appels à une révision approfondie du projet de statut de SPE.

{{Le transfert transfrontalier des sièges sociaux

}}Les discussions sur le projet de statut de la SPE ont en outre souligné la nécessité de veiller à ce que les entreprises n'abusent pas des possibilités offertes par le marché intérieur pour échapper aux obligations légales qui leur seraient autrement applicables en vertu du droit national. En conséquence, le CES renouvelle son appel en faveur de l'adoption urgente d'une 14ème directive en matière de droit des sociétés concernant les transferts transfrontaliers de sièges sociaux, en vue d'empêcher l'établissement d’entreprises « boîtes aux lettres ». Une telle initiative constitue un préalable indispensable à toute évolution ultérieure du droit européen des sociétés, y compris, notamment, à l'adoption du statut de la SPE.
7. L’ÉLARGISSEMENT

La CES soutient les négociations en cours concernant l’élargissement de l'Union européenne comme une occasion unique de diffuser nos valeurs. Toutefois, cela ne doit pas avoir pour conséquence de nuire à notre modèle social, et nous exigeons le respect intégral des lois et des pratiques de l’Union européenne, en particulier dans le domaine du dialogue social. Les pays candidats doivent satisfaire aux critères d'adhésion que sont le respect de la démocratie et des droits de l’homme, ainsi que le respect et la protection des minorités. La CES s’estime en droit d’être consultée lorsque le chapitre social de ces négociations sera ouvert.

Nous tenons à souligner qu’en ce qui concerne la Turquie, l'évaluation de la Commission a souligné qu’il devait être mis fin aux graves violations des droits syndicaux si la Turquie veut adhérer à l'Union européenne.

8. LE COMMERCE ET LES RELATIONS EXTÉRIEURES

La CES estime que les politiques commerciale et de relations extérieures de l'Union européenne devraient contribuer, dans le monde entier, à la croissance durable, au développement du partenariat social et du travail décent, à la promotion de valeurs telles que celles énoncées dans la Charte européenne des droits fondamentaux et au respect universel des conventions internationales, notamment de celles adoptées par l'OIT. La Présidence de l'Union européenne doit réagir rapidement et fermement, en notre nom, contre toutes les violations des droits de l’homme et des droits syndicaux, partout où elles se produisent.

L'entrée en vigueur du Traité de Lisbonne a des implications majeures pour la politique étrangère de l’Union européenne. La création du poste de Haut Représentant pour les Affaires étrangères – ainsi que celle d’une représentation diplomatique importante à l'étranger par l'intermédiaire du Service européen d'action extérieure - offre des possibilités de faire progresser ces objectifs de la CES. Dans les discussions qui auront lieu sur le rôle du Haut Représentant et du SEAE, et leur relation avec la Commission et le Conseil, la CES tient à souligner que ces innovations doivent servir l'Union européenne dans son ensemble, et ne doivent pas refléter les approches intergouvernementales. La CES demande notamment l'inclusion de conseillers en matière de travail et d’emploi au sein des principales représentations de l'Union européenne dans le monde, devant rendre des comptes à la Commission.

Le Traité de Lisbonne place la politique commerciale sous la même rubrique d’action extérieure de l'UE que les autres éléments de la politique extérieure européenne, et confère d’importants pouvoirs nouveaux au Parlement européen dans le domaine du commerce. Ces avancées devraient conduire à une meilleure cohérence entre les politiques commerciale, extérieure, du développement et de l’emploi de l'Union européenne, en vue d'atteindre nos objectifs plus larges, notamment l'inclusion de chapitres forts en matière de développement durable, y compris les normes sociales et environnementales, dans l'ensemble des accords commerciaux et d’association de l'Union européenne, moyennant des dispositions efficaces destinées à assurer leur mise en œuvre ainsi que la participation des partenaires sociaux.

La CES espère une forte participation des organisations syndicales aux événements qui entourent le Sommet UE-ALC du mois de mai. La CES soutient la promotion de l'intégration régionale, liée à des garanties sociales, dans les accords d'association, notamment avec l'Amérique centrale et la Communauté andine. Nous sommes préoccupés par le fait que, dans ce dernier cas, les négociations bilatérales en vue d'accords de libre-échange ont été entreprises après l'échec des négociations unifiées avec la Communauté. Nous nous opposons fermement à la conclusion d’un tel accord avec la Colombie, et appelons à une suspension des négociations en attendant les résultats d'une enquête sur les résultats de la Colombie en matière de respect des droits de l’homme et des droits syndicaux effectuée au titre du SPG +.

Nous espérons que l'Union européenne va approfondir et élargir ses relations avec l'administration américaine, s’agissant notamment de chercher à élaborer des positions solides en matière de changements climatiques, ainsi que dans le contexte de la crise financière. Nous nous félicitons des mesures prises récemment en vue de conférer à la CES et à la « Fédération américaine du travail - Congrès des organisations industrielles » un statut équivalent à celui dont bénéficient les employeurs dans le cadre du Conseil économique transatlantique, dont l’agenda devrait être élargi et revêtir un caractère plus stratégique. La CES, de concert avec le Congrès du travail du Canada, insiste pour que nous soyons informés et consultés dans le contexte des discussions actuellement en cours au sujet d’un partenariat économique plus étroit.

En cas de reprise des négociations du cycle de Doha, nous insistons pour que la déclaration ministérielle finale de l'OMC ordonne un programme de travail de suivi portant sur le commerce et l'emploi, qui couvre les liens entre le commerce, le travail décent, les normes fondamentales du travail et le développement, et qui devra être contrôlé par une commission ou un groupe de travail de l’OMC.





{{Memorandum de la Présidence espagnole}}

Pour télécharger le Mémorandum syndical à la Présidence espagnole de l’Union européenne en format PDF (également disponible en espagnole), cliquez sur l’icône respective ci-dessous.