Les travailleurs européens sont flexibles mais ne sont pas protégés

Bruxelles, 22/04/2009

L’ampleur de la dépression et l’impact dévastateur qu’elle a sur les emplois et le chômage prouvent que cette affirmation est un mythe. En Europe, le chômage augmente à un rythme extrêmement rapide. Les dernières prévisions de l’OCDE publiées en mars révèlent que, dans la zone euro, le chômage connaît une très forte augmentation, passant de 7,5% en 2008 à 10% en 2009 et même 12% en 2010. Cette tendance est peu compatible avec l’opinion selon laquelle les marchés européens de l’emploi seraient « rigides »: s’il était tellement difficile et coûteux pour les employeurs de licencier leur main-d’œuvre, l’emploi résisterait beaucoup mieux au ralentissement économique et le chômage n’augmenterait pas aussi rapidement qu’il le fait actuellement.

Si l’on adopte une perspective historique, le graphique ci-dessous révèle que le chômage augmente plus rapidement par rapport aux récessions précédentes. Au début des années quatre-vingt-dix, par exemple, le chômage augmentait à un rythme de 1% par an. Aujourd’hui, on prévoit une augmentation beaucoup plus rapide, même de 3% à partir de dernier trimestre de 2008 pour arriver à 11% au cours du 4e trimestre de 2009 .

En Europe, et en particulier dans la zone euro, les marchés de l’emploi sont devenus beaucoup plus flexibles.

L’Europe est flexible – Chômage augmentant fortement dans la zone euro (%)

Cette flexibilité accrue n’est guère surprenante. A y regarder de plus près, depuis de nombreuses années, les réformes structurelles constituent pour les employeurs un moyen de contourner la protection normale de l’emploi. Dès lors, la part des contrats à durée déterminée a constamment augmenté et a atteint près de 14% en Allemagne, Italie, France et elle couvre même un tiers des salariés en Espagne. Avec un nombre aussi élevé de contrats à durée déterminée, les entreprises européennes ont déjà atteint leur objectif de « licenciement facile » auquel elles tiennent tant.

Si les marchés européens de l’emploi sont beaucoup plus flexibles, sont-ils pour autant devenus beaucoup plus « sûrs » pour les travailleurs ? La réponse est « non ». L’affaiblissement de la protection de l’emploi en Europe est allé de pair avec une dégradation des systèmes d’allocation de chômage . Inspirés par le slogan « faire payer le travail », de nombreux Etats membres ont réduit les niveaux de cotisation et la durée des cotisations, tout en compliquant l’accès aux systèmes de cotisation de chômage . L’affaiblissement de la protection de l’emploi a également entraîné une baisse des investissements des entreprises dans la formation des travailleurs: les entreprises sont beaucoup moins désireuses d’investir dans le capital humain d’une main-d’oeuvre dont ils savent qu’ils peuvent se débarrasser assez facilement.

La priorité accordée au « bien-être des entreprises » depuis plusieurs années en Europe est bien trop marquée et doit être rééquilibrée d’urgence. Pour offrir aux travailleurs une réelle sécurité au cœur de la pire crise économique depuis la Deuxième Guerre mondiale, il convient de raffermir les systèmes de cotisation de chômage et de s’intéresser à toutes les pratiques commerciales, trop fréquentes, qui abusent des contrats de travail atypiques, en renforçant la protection de l’emploi pour ces contrats.

Note de discussion pour téléchargement

Pour télécharger la note de discussion 2009/01 de la CES pour le Comité économique et emploi sur « Les travailleurs européens sont flexibles mais ne sont pas protégés », cliquez sur licône ci-dessous.