La crise économique et sociale: prises de position et actions de la CES

Bruxelles, 19/02/2009

La récession est à nos portes. Les syndicats européens, qui avaient depuis longtemps attiré l’attention sur les risques du capitalisme financier, ont réagi dès l’irruption de la crise et ils préparent actuellement une campagne européenne qui aura pour point d’orgue une série de manifestations qui auront lieu dans de grandes villes européennes en mai prochain.

{{Sommaire}}

- Des actions coordonnées et un véritable leadership politique sont indispensables
- Critiques de longue date formulées par la CES à l’encontre du capitalisme financier: les dés sont jetés
- Appel en faveur de mesures efficaces: la déclaration de Londres et un nouveau deal social en Europe
- Lettres ouvertes au Conseil européen et à la Commission
- Rapport économique de la CES de l'automne 2008
- Résolutions de la CES
- Impact social de la crise
- Communiqués de presse de la CES

{{Des actions coordonnées et un véritable{ leadership politique sont indispensables}}}

Dans un premier temps, nous avons assisté à une crise financière, puis à une crise économique mondiale et, demain peut-être, serons nous les témoins d’une crise sociale et politique dans les Etats membres européens, si les dirigeants politiques ne déploient pas davantage d’efforts en faveur d’une approche plus coordonnée destinée à enrayer la dépression latente dans un certain nombre de pays. Au vu du déclin rapide du commerce et de la croissance au niveau mondial, les décideurs européens se sont réunis régulièrement pour coordonner des mesures fiscales, économiques et sociales visant à remettre l’économie sur pied – pour autant qu’une action coordonnée voie le jour à la suite de ces réunions afin d’assurer la coopération et la solidarité dans tous les Etats membres de l’UE. Pour faire face aux problèmes sociaux, les syndicats européens demandent aux dirigeants une orientation et des mesures appropriées – c’est-à-dire des mesures efficaces destinées à répondre aux préoccupations urgentes, notamment le nombre croissant de licenciements et la protection sociale, et aux problèmes à plus long terme tels qu'une ré-orientation des politiques et des valeurs en de l’Europe sociale. C’est la raison pour laquelle la Confédération européenne des syndicats propose d’annexer un protocole de progrès social aux traités européens.


Recherche d’urgence : leadership européen pour lutter contre la nouvelle dépression Déclaration de la CES adressée au Sommet européen de printemps de mars 2009



Au lieu de cela, les gouvernements mettent en place de mesures principalement axées sur le plan national, introduisant donc davantage de concurrence entre les Etats membres de l’UE déjà durement secoués. Alors que le protectionnisme se répand à travers l’UE, il est plus urgent que jamais de demander la participation des partenaires sociaux aux réunions de haut niveau. Si les dirigeants européens ne parviennent pas à réaffirmer leur autorité sur une meilleure régulation du marché unique, l’UE risque d’être déchirée sur le plan économique, politique et social.

A plusieurs reprises, la CES a appelé à la mise en œuvre d’une telle collaboration afin d’éviter qu’une longue et profonde dépression se propage à toute l’Europe. Dès l’automne 2008, lors d’un appel destiné à <strong>Protéger le capitalisme contre les spéculateurs (en anglais)</strong>, le Secrétaire général de la CES, John Monks, déclarait que: « Les syndicats doivent s’associer aux entreprises et aux gouvernements dans le cadre d’un nouveau partenariat social visant à contrer l’orgie auto-destructrice des marchés financiers ». Néanmoins, il a aussi mis en exergue les conséquences négatives des évolutions internationales du capitalisme moderne sur « ceux d’entre nous qui croient encore que le partenariat constitue la meilleure voie à suivre » – un capitalisme moderne caractérisé par toutes les tentatives visant à mettre les entreprises en adéquation avec les intérêts des actionnaires, oubliant ainsi ceux qui sont les clés de leur productivité, à savoir les travailleurs.

En octobre 2008, dans un article publié dans le Financial Times, John Monks parlait de <strong>‘Moment de 1979’ du capitalisme casino</strong> à un moment où émergeait la sombre réalité économique de l’échec de secteur des services financiers: « A l’instar de 1979 qui fut un tournant pour les syndicats britanniques accusés d’être tout-puissants, ce qui eut un effet politique dévastateur sur la perception qu’en avait l’opinion publique, 2008 sera perçu comme un tournant pour les acteurs du système bancaire qui ont contribué au désordre actuel ».

Déclaration de la CES

Lors de sa réunion à Bruxelles les 17–18 mars 2009, le comité exécutif de la CES a adopté la déclaration suivante <strong>Recherche d’urgence : leadership européen pour lutter contre la nouvelle dépression</strong>. La déclaration a été adressée au Sommet européen de printemps de mars 2009 et aux chefs d’État et gouvernements de l’UE.
{{Critiques de longue date formulées par la CES à l’encontre du capitalisme financier}}

Le nouveau capitalisme a longtemps été une question centrale pour la CES et John Monks, le Secrétaire général de la CES, a maintes fois mis l’accent sur les risques inhérents à cette forme de capitalisme financier – également connue sous la dénomination de « capitalisme casino ».

•  Lors de la conférence prononcée lors du Bevan Memorial consacrée aux <strong>Défis du nouveau capitalisme</strong> , le 14 novembre 2006, John Monks a souligné le caractère « libre comme l’air et sans obligation » du nouveau capitalisme. Le discours expose les opinions des syndicats sur le nouveau capitalisme – essentiellement axé sur les rendements à court - ce qui se traduit par des licenciements et des inégalités croissantes – et les réponses éventuelles – telles que mobiliser le pouvoir d’actionnariat des travailleurs, mettre en place des instruments destinés à stimuler l’investissement productif, la recherche et le développement et l’innovation – afin de prévenir les risques pour la stabilité économique, l’industrie et les emplois traditionnels, ainsi que pour l’Europe sociale.

•  Dans le numéro du mois de mai–juin 2007 du magazine européen, E !Sharp, John Monks a abordé le capitalisme sous un <strong>Autre angle (en anglais seulement)</strong>, en avançant l'argument que le nouveau capitalisme réduit à néant le pacte social entre travailleurs et employeurs. A la lumière de ce nouveau capitalisme financier, John Monks posait la question de savoir avec qui les syndicats pouvaient encore négocier et conclure des accords de nos jours.

•  <strong>L’Europe, la migration, la mondialisation et quid des travailleurs ? (en anglais)</strong> était le sujet d’une conférence donnée en octobre 2007 à la London School of Economics, au cours de laquelle John Monks a souligné la nécessité pour l’Union européenne de s’assurer en priorité de la mise en place d’une vraie réglementation des marchés financiers.

•  Le 16 avril 2008, à l’université d’Harvard, la situation mondiale avait changé, révélant la faiblesse du secteur des services financiers et incitant donc plus que jamais à repenser la société moderne – ‘Capitalisme casino contre travailleurs : faire face au nouveau capitalisme’ (<strong>Locusts versus labour: Handling the new capitalism</strong>).

•  <strong>Mondialisation et justice sociale</strong> basée sur le contrôle démocratique et l’équité était l’appel lancé par la CES lors du symposium international « Nouveau monde, nouveau capitalisme » à Paris, le 8 janvier 2009. John Monks a indiqué que si des mesures coordonnées, visant à encourager la relance, ne sont pas prises immédiatement, le protectionnisme et les désordres sociaux seront inévitables. La paix sociale ne doit pas être considérée comme un acquis à un moment où les licenciements et l’emploi augmentent dans la plupart des pays européens, tandis que les impôts payés pas les travailleurs servent à sauver les banquiers qui continuent à s'octroyer d'énormes primes.
Le symposium a été organisé par le Président français Nicolas Sarkozy et l'ancien Premier Ministre britannique Tony Blair.
{{Appel en faveur de mesures efficaces: la déclaration de Londres et un nouveau deal social en Europe}}


Déclaration de Londres

Dès le 27 septembre 2008, à Londres, les dirigeants syndicaux de toute l’Europe ont adopté une déclaration conjointe sur la crise du capitalisme casino. La <strong>déclaration de Londres: appel à l’équité et à des mesures rigoureuses</strong> est une brève analyse de la manière dont la crise a éclaté, accusant l’avidité et l’imprudence de Wall Street, Londres et d’autres grands centres financiers. Cette forme de capitalisme – un capitalisme spéculatif – a dédaigné de nombreux travailleurs tout en les exploitant au profit de quelques-uns, d’où des années de privatisation exaltante, de dérégulation et de marchés incontrôlés.

La déclaration de Londres réclamait des mesures efficaces afin de garantir que l’économie continue à bénéficier des capitaux d’investissement, et de mettre un terme à une spéculation financière outrageuse. Néanmoins, l’injection d’argent public dans l’économie ne se fait pas sans conditions, elle doit être assortie à un contrôle public, tandis que la régulation des marchés financiers aux plans international et européen doit être renforcée.

Vers un nouveau deal social en Europe


Dès avant l’effondrement, ceci s’est traduit par une croissance rapide des inégalités, la multiplication des emplois précaires et une pression soutenue en vue de réduire les prestations sociales, les droits des travailleurs et le rôle de la négociation collective. À cela il convient désormais d’ajouter un chômage croissant, les réductions des dépenses publiques et l’effondrement de la demande dans de nombreux pays.

Afin d’atténuer ces conséquences, la Confédération européenne des syndicats (CES) demande un nouveau deal social, en tant que moteur de justice sociale et en faveur de plus d’emplois de meilleure qualité - <strong>Vers un nouveau deal social en Europe (113 Kb PDF)</strong>.
{{Lettres ouvertes au Conseil européen et à la Commission}}

A l’occasion des réunions du Conseil européen de novembre et décembre 2008, la CES a adressé deux lettres ouvertes aux Présidents Nicolas Sarkozy et José Manuel Barroso et aux chefs d’état et de gouvernement européens, réclamant une profonde réforme structurelle de l’architecture financière, une agence européenne de notation, un nouveau deal écologique, ainsi que des salaires et des retraites décents afin de sortir l’Europe de la dépression:


•  <strong>Lettre ouverte aux Présidents Nicolas Sarkozy et José Manuel Barroso, 6 novembre 2008</strong>;

•  <strong>Lettre ouverte au Conseil européen, 9 décembre 2008 (en anglais)</strong>.
{{Rapport économique de la CES de l’automne 2008}}

Le rapport de la CES de l’automne 2008, intitulé <strong>Ne laissez pas tomber l’économie ! (en anglais, 123Kb PDF)</strong>, expose dans les grandes lignes le paysage économique en Europe. Il met l’accent sur la gravité du resserrement du crédit qui résulte de la récente crise des marchés financiers, ainsi que de l’action et, en particulier, de l’absence d’action des décideurs économiques au cours des trimestres écoulés. Le rapport propose de tirer les leçons du processus japonais de déflation de la dette et suggère une nouvelle politique budgétaire et monétaire afin de sauver l’économie réelle.
{{Résolutions de la CES}}

Depuis le début de 2008, le Comité exécutif de la CES a adopté trois résolutions concernant les évolutions économiques en Europe et le budget de la Commission.

•  <strong>Réformer le budget, changer l’Europe</strong> – Réponse de la CES à la consultation publique en vue de la révision du budget 2008–2009, adoptée le 5 mars 2008.

•  <strong>Il est temps d’agir de concert !</strong>, adoptée le 25 juin 2008, réclame des mesures efficaces afin de stabiliser l’économie et de soutenir la croissance pour éviter un ralentissement prolongé de l’activité économique. Une telle action ne consiste pas à faire de la gestion de la demande une question d’intérêt commun, ni à mettre en place une initiative européenne en matière de croissance intelligente. La résolution décrit aussi les raisons pour lesquelles la politique monétaire n’apporte pas une réponse adéquate permettant de mettre un terme au ralentissement de l’activité économique.

•  La <strong>résolution de la CES exige un programme européen de relance audacieux</strong>, adoptée le 5 décembre 2008, réclame un programme européen de relance fort, mettant l’accent sur la protection des emplois, la défense des salaires, de la négociation collective et des retraites. En outre, la résolution souligne la nécessité pour les pouvoirs publics d’indiquer clairement leur volonté de sortir l’économie de la récession et d’organiser la solidarité dans les sociétés européennes. Le programme de relance européen de la CES est basé sur le principe selon lequel la gestion d’un redressement économique requiert obligatoirement une forte dimension européenne.
{{L’impact social de la crise}}

A ce jour, l’impact social de la crise économique se manifeste sous la forme de licenciements et de réductions de salaires dans toutes les économies européennes. On a même l’impression aujourd’hui que le ralentissement pourrait contribuer à faire accepter l’idée de la réduction de salaires afin de permettre aux entreprises de survivre dans ces temps difficiles. Cependant, selon le principe d’équité, les réductions de revenus devraient aussi s'appliquer à certains grands patrons d' entreprises et aux actionnaires.

Ou, si l’on dépasse le cadre de ces réflexions, comme l'indiquait John Monks dans le blog du Financial Times publié à l'occasion du dernier Forum économique mondial de Davos: « Dois-je – comme je le pense – entamer des poursuites contre les directeurs généraux de banques en faillite qui ont encaissé des options d’achat d’actions au plus fort de la phase d’expansion, et réclamer le paiement d’indemnisations pour les actionnaires à ceux qui ont lamentablement échoué mais se sont octroyé de beaux parachutes dorés ? »

Pertes d'emplois: quelques données et réponses d'entreprises

A la lumière des pertes massives d’emploi qui frappent les entreprises européennes, l’Institut syndical européen a examiné dans un document de travail les mesures prises par les entreprises face à la crise. Sur la base d’articles parus dans les média, le document – <strong>Réponses des entreprises à la crise économique en Europe (en anglais)</strong> – examine de quelle manière les acteurs de la politique sociale des grands secteurs de l’économie européenne font face à la crise économique et financière actuelle. Il résume les réponses apportées par les acteurs de la politique sociale au plan des entreprises aux symptômes de la récession actuelle entre octobre 2008 et la mi-janvier 2009. En outre, le document examine comment la main-d’œuvre organisée et le capital ont régi face à la crise dans des secteurs et des pays clés, et le type de négociations collectives et d’outils de politique du marché du travail dont on dispose pour faire face à ses conséquences et donc pour protéger l’emploi.

Pour suivre l’évolution des pertes d’emploi signalées par la presse, voir le <strong>European Restructuring Monitor (ERM)</strong> de la Fondation européenne pour l'amélioration des conditions de vie et de travail à Dublin en Irlande.

Dimension du genre de la crise financière

Alors que le nombre de chômeurs augmente de jour en jour, les médias font moins état de questions telles que la distribution plus équitable des salaires entre les sexes, les accords flexibles sur le temps de travail visant à concilier travail et vie de famille et la protection des droits de maternité et de paternité. Par contre, les articles de presse mettent l’accent sur les chômeurs dans les usines, la fermeture des usines de fabrication et la perte des primes des banquiers. Ce visage de la récession n’est pas un visage féminin. Il semble que la lutte acharnée en faveur des droits à l’emploi qui a permis aux femmes de concilier travail et vie de famille – travail flexible, davantage de droits de maternité et travail à temps partiel –fragilise aujourd’hui la situation des femmes sur le marché de l’emploi.

Le 31 octobre 2008, des dirigeantes du mouvement syndical européen se sont réunies à Turin, en Italie, à l’occasion de la conférence de fondation du Comité des femmes du Conseil régional paneuropéen (CRPE), qui représente 89 syndicats de 43 pays et organise plus de 30 millions de syndiquées. Dans une <strong>déclaration</strong>, elles ont appelé les leaders mondiaux à ne pas oublier le sort peu enviable des femmes lors de la formulation des mesures destinées à faire face à la crise financière mondiale, à un moment où de nombreuses femmes vont être confrontées à l’insécurité et à la peur, et la pauvreté – en particulier dans le contexte de la valse des prix de l’alimentation et du pétrole et de l’accès aux services publics.
{{Communiqués de presse de la CES}}
Depuis que la crise fait rage, la CES a publié un grand nombre de <strong>communiqués de presse</strong> qui mettent l’accent sur les demandes de la confédération et de ses affiliés.